Le Figaro Sport

Coupe du monde: Marcus Thuram, ce fils de qu’on n’attendait pas

- Christophe Remise

PORTRAIT - Promis à un rôle subalterne derrière Karim Benzema et Olivier Giroud, le fils de Lilian prendra la lumière mercredi (16h), contre la Tunisie, lors du match des «coiffeurs».

Au nom du père? Comme le souligne Patrick Guillou, consultant beIN Sports, cela fait longtemps que Marcus Thuram, fils du champion du monde Lilian et frère du Niçois Képhren, « a coupé le cordon ». Natif de Parme, l’attaquant de 25 ans trace sa route. Un peu tortueuse, avec quelques bosses au fil du chemin, mais le gaillard (1,92  m) passé par Sochaux, Guingamp et aujourd’hui Mönchengla­dbach s’est trouvé. Au point de s’inviter dans le groupe France. Au départ, Didier Deschamps n’avait convoqué que 25 joueurs. Trois jours après, il en appelait un 26e, Marcus Thuram. « Une question d’équilibre dans la liste par rapport aux joueurs offensifs et défensifs », a indiqué le sélectionn­eur, qui ne voyait toutefois en lui qu’un troisième larron au poste d’avant-centre, derrière Karim Benzema et Olivier Giroud. Depuis, le premier nommé a été contraint de déclarer forfait, les deux autres gravissant mécaniquem­ent un échelon dans la hiérarchie.

Thuram est d’ailleurs entré à la place de Giroud contre l’Australie (1 minute) et le Danemark (27). Sauf accident de dernière minute, c’est dans la peau d’un titulaire qu’il débutera face à la Tunisie ce mercredi. Sa septième sélection, la troisième titularisa­tion. Avec un premier but à la clé? Une chose est sûre: cette convocatio­n pour la Coupe du monde n’est en rien une surprise pour les habitués de la Bundesliga, même si d’autres joueurs, à l’image de Wissam Ben Yedder (Monaco), se seraient bien vus au Qatar avec les Bleus.

C’est dans l’axe qu’il s’éclate

« Il coche beaucoup de cases. Certes, il n’a qu’une poignée de sélections en équipe de France, mais il a l’expérience de la Ligue des champions et celle de jouer dans un club avec beaucoup d’attente, le Borussia Mönchengla­dbach. Cette saison, il a des statistiqu­es intéressan­tes (13 buts et 4 passes décisives en 17 matchs)», relève Patrick Guillou, soulignant que le numéro 26 des Bleus « joue dans l’axe depuis plusieurs mois » avec son club. On l’a longtemps vu comme un joueur de côté, c’est dans l’axe qu’il s’éclate, qu’il donne la pleine mesure de ses qualités. « On connaissai­t sa vitesse, ses dribbles chaloupés, mais il s’est bonifié dans son jeu dos au but et dans ses prises de décision. Il est capable de lâcher plus rapidement le ballon et de se remettre en mouvement. Il a compris la spécificit­é du poste et jusqu’où il est capable d’aller », analyse Guillou. Et d’ajouter: « On a un temps pu penser qu’il avait atteint un plafond de verre dans sa progressio­n, mais on sent qu’il peut pousser le curseur plus loin. On sent un joueur plus mature, plus serein .»

Une forte tête aussi. Personne n’a oublié qu’il ne s’est pas caché au moment de la séance de tirs au but contre la Suisse, lors du dernier Euro. La preuve d’un caractère bien trempé. Le même caractère qui lui a permis de passer outre une année 2021 à oublier. Pêle-mêle, un crachat sur un adversaire qui lui a valu une grosse amende, cinq matchs de suspension et les foudres de l’Allemagne, mais aussi une grave blessure au genou et un transfert avorté à l’Inter Milan. Autant d’événements qui lui ont plombé le moral. Et ses performanc­es. D’autant que le Borussia ne tournait pas bien… « Il a eu du mal à évacuer son spleen », résume le consultant beIN. Mais ça, c’était avant. Depuis, il s’est relancé, recentré dans tous les sens du terme.

« Je me suis posé, je me suis dit qu’il fallait faire en sorte que mes rêves ne s’évaporent pas. Je n’ai vu personne, mais mon père me sert beaucoup pour le travail mental », a-t-il expliqué la semaine dernière, précisant avoir fait « un très gros travail » sur lui- même. Le passage en numéro 9? « Une vraie prise de conscience .» Avec, dans un coin de la tête, le rêve de faire un doublé en demies, comme papa en 1998? « Il n’a pas fait exprès », s’amuse Marcus. « Depuis que je suis petit, il me donne un peu les mêmes conseils. Rester moi- même et profiter de chaque instant », raconte- t-il, lui qui n’a aucun souci à parler de son illustre paternel et ne se met « pas de pression » par rapport à lui. « C’est mon papa, je l’adore, cela ne me pose aucun problème de parler de lui, c’est une fierté », jure-t-il, estimant que son petit frère, Képhren, « est le plus fort de la famille ». Ça promet…

En attendant, à Marcus de jouer, de briller, de se montrer, après deux entrées insipides. Et de faire encore grimper une cote déjà élevée, avec le Bayern, l’Inter et d’autres clubs sur les rangs pour l’attirer cet hiver, ou à la fin de la saison et de son contrat. « Ce n’est pas faire injure à Gladbach que de dire qu’il peut prétendre à passer la marche suivante », promet Patrick Guillou, convaincu que l’ex-Lionceau « doit » rejoindre un grand d’Europe, et relevant toute la « force de caractère qu’il a eue pour revenir, séduire à nouveau l’opinion publique en Allemagne » après l’épisode du crachat, grâce à « son éternel sourire et ses qualités dans le jeu ». En brillant face aux Aigles de Carthage, c’est auprès de la France du football qu’il se ferait un prénom.

 ?? KIM HONG-JI/REUTERS ?? La joie de Marcus Thuram après la victoire de l’équipe de France contre le Danemark (2-1).
KIM HONG-JI/REUTERS La joie de Marcus Thuram après la victoire de l’équipe de France contre le Danemark (2-1).

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