Le Figaro Sport

Coupe du monde: Antoine Griezmann, le vrai chef d’orchestre des Bleus

- Baptiste Desprez

ANALYSE - Le champion du monde 2018, déjà qualifié pour les huitièmes de finale avec les Bleus, effectue un début de compétitio­n séduisant au Qatar. Envoyé spécial à Doha Samedi soir, dans les travées du stade 974 de Doha, Didier Deschamps et ses Bleus viennent d’assurer la qualificat­ion pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde, après une deuxième victoire contre le Danemark (2-1). Les effusions de joie se font entendre dans les vestiaires, les couloirs et aussi devant les nombreux micros tendus. Kylian Mbappé, auteur d’un doublé et fabuleux dans son rôle de tueur à gages, est élu homme du match.

Dans l’ombre, un autre joueur l’aurait tout autant mérité: Antoine Griezmann. Ne comptez pas sur lui pour en prendre ombrage. Pas le genre de la maison. Symbole d’une équipe de France conquérant­e, collective et guidée par un état d’esprit dont les similitude­s avec 2018 se font nombreuses, «Grizou» a éclaboussé de tout son talent la victoire contre le rival danois. Il a tout simplement offert un récital. Tout en délicatess­e, douceur et joie de vivre. Du velours.

Dans les coursives surchauffé­es du seul stade non climatisé de la Coupe du monde, au moment de délivrer ses premiers mots après avoir rendu une copie de très haut niveau, le natif de Macon a fait… du Griezmann. L’antistar par excellence. «Je suis très fier (d’avoir fait une passe décisive pour Kylian Mbappé lors du deuxième but; sa 26e en bleu qui lui offre de rejoindre Zinédine Zidane et Thierry Henry pour partager le record des cinquante dernières années), mais je suis plus content du travail de l’équipe , plante-t-il, altruiste aussi face aux caméras et micros. Il y a les statistiqu­es et on ne regarde que ça, mais tout le monde a fourni un effort exceptionn­el. Je suis très heureux.»

Le partenaire idéal. Tout en mesure et nuance, jamais guidé par le désir de tirer la couverture à lui. Antoine Griezmann est un ovni dans un monde du football où beaucoup ne pensent qu’à la statistiqu­e, au nombre de buts marqués ou aux passes décisives délivrées. Lui n’a pas mis un pion depuis onze rencontres avec l’équipe de France, mais il s’en contrefich­e. Une espèce en voie de disparitio­n.

Samedi soir, si l’équipe de France a maîtrisé son sujet, fait preuve d’une vraie autorité et diffusé une immense force collective, elle le doit assurément à Antoine Griezmann. Et pourtant, le Madrilène de 31 ans (112 sélections, 6e joueur le plus capé dans l’histoire des Bleus), qui a enchaîné un 69e match consécutif avec la sélection (record) s’est une nouvelle fois retrouvé dans ce fameux poste «hybride», tantôt en soutien des attaquants, tantôt à batailler au milieu de terrain dans la quête du fameux équilibre imaginé et désiré par Didier Deschamps. Pour le moment, la réussite est totale. Et pas si surprenant­e au regard de l’intelligen­ce de jeu du gaucher. Que ce soit dans la recherche de la passe efficace ou dans le désir de combler la moindre brèche dans la zone de combat, Antoine Griezmann a offert une master class face aux Danois, dans ce qui s’apparentai­t à la finale de ce groupe D. Et relevé à merveille le défi proposé par son sélectionn­eur. Le chef d’orchestre a rayonné. Et après des mois délicats, en club comme en sélection, il donne l’impression d’être revenu à son meilleur niveau. Comme en 2018.

«Je retrouve clairement le Antoine de Russie, souriant, vaillant et guidé par le sens du devoir , abonde Philippe Montanier, actuel coach du Toulouse FC et qui a eu Griezmann sous ses ordres à la Real Sociedad (2011-2013). C’est l’équipier idéal qui pense “nous” avant de penser “je”. L’idée de Didier est bien sentie de le placer dans le coeur du jeu, car il veut toujours plus, adore tacler, se bagarrer, faire la passe.» Et son ancien entraîneur de lâcher, bienveilla­nt: «Antoine est un hyperactif affectueux. Il est bon partout ce con.»

Une influence retrouvée sur et en dehors du terrain

Didier Deschamps, qui avait échangé avec son joueur avant la liste de la Coupe du monde pour le prévenir de son évolution tactique, ne boude pas son plaisir. Jusqu’à maintenant, la réussite est totale. «Antoine a un mental de compétiteu­r et je lui demande des choses différente­s , admet «DD» qui l’a lancé en 2014 pour ne plus jamais s’en passer par la suite. Il n’y a pas de sacrifice de sa part car il est généreux. Il prend du plaisir quand il touche le ballon, dans sa capacité à faire des passes et sait qu’il marquera moins de buts, car il y a du monde devant lui, mais il est utile, intelligen­t pour faire des compensati­ons. Il adore tacler, récupérer, et avec sa patte gauche, il tire très bien les coups de pied arrêtés.»  Le tableau est idyllique et demande forcément confirmati­on dès les 8es de finale, où une autre compétitio­n commence.

«Didier a très bien senti le coup, car Antoine a le volume pour être à la fois dans le coeur du jeu et en soutien des offensifs , poursuit Montanier.

Contre le Danemark, il a été intéressan­t dans sa capacité à trouver l’angle de passe entre les lignes et ses qualités athlétique­s sont impression­nantes, car il est endurant et rapide, peu de joueurs ont ces deux fibres, tu as souvent l’un ou l’autre. Il est perfection­niste et aura à coeur d’être encore plus décisif dans le dernier geste ou d’augmenter son volume de jeu à la récupérati­on.»

En interne, que ce soit sur le terrain ou dans la vie de groupe, les mêmes retours nous parviennen­t. Épanoui, blagueur mais aussi soucieux de conseiller la jeune génération, Antoine Griezmann rayonne. «C’est le Antoine qu’on connaît, ce n’est pas nouveau , calme le vice-capitaine Raphaël Varane. Il est en grande forme, on espère qu’il va continuer comme ça.» Partenaire dans l’entrejeu dans une position plus basse, Aurélien Tchouaméni, qui dispute son premier Mondial à 22 ans, est aussi dithyrambi­que. «Il m’impression­ne par son volume et nous aide beaucoup au milieu.» Moins influent et baladé de toute part à l’Euro, le vrai-faux nouveau milieu des champions du monde a donc lancé son rendez-vous au Qatar de la meilleure des manières face à l’Australie et au Danemark. Une entrée en matière séduisante, à l’image de l’équipe de France, qui demande et réclame confirmati­on dès le 8e de finale le week-end prochain, pour le début des choses sérieuses. Mais Didier Deschamps et les Bleus sont rassurés sur un point: leur chef d’orchestre est de retour. Plus affamé que jamais.

 ?? Grigory Sysoev/SPUTNIK/SIPA ?? Sous la pression de Christian Eriksen, Antoine Griezmann fait une passe à un coéquipier lors de la victoire de la France (2-1) contre le Danemark, samedi à Doha.
Grigory Sysoev/SPUTNIK/SIPA Sous la pression de Christian Eriksen, Antoine Griezmann fait une passe à un coéquipier lors de la victoire de la France (2-1) contre le Danemark, samedi à Doha.

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