Affaire Jégou-Auradou : «Abus sexuels atroces», «relations consenties»... Deux versions s’affrontent avant le procès
Avant d’être présentés ce jeudi à la justice argentine, deux versions s'affrontent : une «violence terrible» pour l'avocate de la plaignante, des relations sexuelles «consenties» pour la défense.
Le temps de la justice approche à grands pas pour Oscar Jegou et Hugo Auradou. Les deux rugbymen tricolores, placés en garde à vue après leur arrestation lundi dans le cadre de l'enquête ouverte pour violences sexuelles, doivent être présentés ce jeudi à la justice argentine à Mendoza, à plus de 1000 kilomètres de la capitale Buenos Aires. C’est dans cette ville de l’ouest argentin que les deux hommes sont accusés d'avoir violé dans leur hôtel samedi dernier, après un match du XV de France, une femme qui a, selon son avocate, subi une violence «terrible».
«Il s'agirait d'un abus sexuel particulièrement atroce, avec rapport sexuel, avec la participation de deux personnes, avec violence, pour les deux», a déclaré lors d'un entretien avec l'AFP mercredi Me Natacha Romano, l'avocate de la plaignante de 39 ans qui est par ailleurs fille et soeur d'avocats. Elle a évoqué un «abus avec accès charnel», la définition judiciaire du viol en Argentine. En droit argentin, les violences sexuelles peuvent caractériser des faits, allant de l'agression sexuelle au viol aggravé, qui pourrait être passible de 20 ans de prison.
Oscar Jegou et Hugo Auradou ont pour leur part «confirmé avoir eu dans la nuit une relation sexuelle avec la jeune femme mais (...) fermement nié toute forme de violence», selon un communiqué de la Fédération française de rugby (FFR) publié mardi. Ces relations sexuelles étaient «consenties», a affirmé mercredi à Mendoza l'avocat des deux rugbymen, Me Rafael Cuneo Libarona. «Elle prétend avoir été battue, les caméras (de surveillance de l'hôtel) disent qu'elle ne l'a pas été», a-t-il expliqué à plusieurs médias dont l'AFP.
L'agression présumée aurait eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche au Diplomatic Hotel de Mendoza, où logeaient joueurs et staff français, après la victoire (28-13) du XV de France face aux Argentins. Des sources policières ont dit à l'AFP, sous couvert de l'anonymat, que les joueurs avaient rencontré la victime présumée dans un bar. Ils auraient consommé de l'alcool ensemble, puis la plaignante, «prise de vertiges», aurait été emmenée à leur hôtel.
Avant cela, «une consommation anormale d’alcool» avait été constatée par une serveuse du bar Beerlin, où certains joueurs du XV de France avaient poursuivi leur soirée, entre 23h et 1h du matin. «Certains étaient debout pour danser», relate cette serveuse auprès du Parisien , évoquant «beaucoup d’alcool fort» mais «aucune femme avec eux quand ils sont tous repartis». Tous sauf un, Melvyn Jaminet, dans la tourmente après une vidéo à caractère raciste publiée sur les réseaux sociaux au coeur de cette même soirée, resté attablé seul au bar quand ses compères étaient repartis, certains pour aller en direction de la boîte de nuit «Wabi Fun Club».
«Coup de poing»
Selon la version de Me Natacha Romano, sa cliente, dont l’âge est compris «entre trente et quarante ans» est rentrée à l'hôtel avec l'un des deux joueurs impliqués, «identifié en premier lieu comme Hugo (Auradou)». Toujours d'après Me Romano, «il l'attrape immédiatement, la jette sur le lit, commence à la déshabiller et se met à la frapper sauvagement d'un coup de poing, dont l'hématome est visible sur le visage de la victime. Il l'étouffe, au point qu'elle a l'impression de se sentir partir.»
Environ une heure plus tard, «entre le deuxième, qui s'appelle Oscar», a assuré l'avocate, l'accusant des «mêmes faits de violence et d'abus sexuel». «Elle tente de s'échapper au moins cinq fois. Mais Hugo se réveille et la reprend», a-t-elle encore affirmé. «Pour l'instant, l'accusation est celle d'abus sexuel, mais il existe une forte possibilité que cela puisse évoluer vers une accusation cumulant d'autres chefs d'inculpation», a-t-elle estimé.
Selon la procureure générale de Mendoza Daniela Chaler, «la déposition (de la plaignante) était assez longue, complète, détaillée et correspondait, pour l'heure, aux conclusions médico-légales». «Les lésions sont compatibles avec le récit de la victime mais pas nécessairement exclusivement issues d'une agression sexuelle», avait ajouté sur la radio LV10 la magistrate qui a demandé le placement en détention provisoire des deux joueurs.
Les deux joueurs «inquiets et effrayés»
De son côté, Rafael Cuneo, qui doit se rendre lui aussi à Mendoza, se dit «convaincu à 100%» de l’innocence de ses clients. Dans son récit des faits, il évoque un retour d’abord d’Hugo Auradou avec la plaignante avant que son partenaire de chambre Oscar Jégou ne rentre lui aussi. «Oscar est rentré plus tard et est allé dormir dans le second lit. Il n'a pas participé à l'acte sexuel avec eux. Ensuite,
j'ignore pourquoi, elle a pris la décision de changer de lit. Mais je ne sais pas encore bien s'il y a eu également une relation sexuelle avec Oscar. Je ne peux pas le confirmer», évoque l’avocat argentin auprès du Parisien , avant d’affirmer que ses deux clients sont «très inquiets et effrayés» par leur détention.
Le président de la Fédération française de rugby Florian Grill, qui a rencontré les deux joueurs à Buenos Aires mardi, souhaite de son côté «que la justice aille vite», comme il l'a expliqué à l'AFP. «Nous sommes allés voir, aujourd'hui (mercredi), à Mendoza, un bras droit de la procureure et la personne en charge du dossier: l'avocat a pu exposer plusieurs points qui questionnent sur la déclaration initiale et qui vont mettre en cause plusieurs déclarations», a-t-il poursuivi.
«Si l'enquête établit les faits reprochés, ils constituent une atrocité sans nom. Pensée pour la victime», avait écrit sur X Amélie Oudéa-Castéra, la ministre française des Sports, après la révélation de l'affaire qui a plongé le XV de France dans la tourmente. «Ça a été une journée très difficile, très, très dure. Un moment très difficile à vivre», a de son côté souligné le sélectionneur des Bleus, Fabien Galthié, mardi. Victorieux de l'Uruguay (43-28) mercredi, le XV de France doit à nouveau défier les Pumas samedi à Buenos Aires.