Fuite à l'anglaise… au Havre !
24 février 1848. Après une violente révolte, le roi Louis-Philippe abdique en faveur de son petit-fils. Mais la France ne veut pas un autre monarque. Toute la famille doit partir.
Accompagné de la reine Marie-Amélie et d'une poignée de fidèles, le roi déchu quitte précipitamment le palais des Tuileries dans un climat insurrectionnel. À Paris, on a pris l'habitude de raser les souverains de près lorsqu'ils dégringolent de leur trône. Et pour ne pas « embrasser la veuve », en d'autres termes éviter l'échafaud, ils ne s'y attardent guère lorsqu'ils sentent le vent tourner. Qui les en blâmerait ? Roi ou pas, on n'a qu'une vie.
Panique autour de l'estuaire
Sous un accoutrement ridicule et des identités d'emprunt, « M. et Mme Lebrun » pénètrent en Normandie, direction Honfleur, où ils pensent trouver un bateau pour Le Havre. De là ils envisagent de grimper à bord d'un vapeur prêt à filer vers l'Angleterre, éternel refuge des têtes couronnées gauloises en exil. L'affaire se révèle plus compliquée que prévu : la rumeur de la présence du couple royal dans le secteur se répand comme une traînée de poudre; gendarmes et garde-côtes renforcent leur surveillance. « M. Lebrun » effectue une vaine tentative du côté de Trouville, espérant prendre la mer à bord d'un bateau de pêche. Mais le mauvais temps et une atmosphère de suspicion généralisée l'en empêchent. Il retourne alors à Honfleur, piteux et désabusé, sans jamais perdre de vue « l'autre côté de l'eau », sorte de terre promise qu'il veut gagner sain et sauf.
Entraide familiale
À Londres, on a appris les malheurs du monarque à rouflaquettes. Solidaire, la reine Victoria met à la disposition de son « french cousin » le paquebot L'Express au Havre. Un émissaire lui octroie en outre un passeport britannique et d'un trait de plume, Louis-Philippe devient William Smith, sujet de Sa Gracieuse Majesté. Marie-Amélie reste pour sa part Mme Lebrun. Tout ce petit monde réussit enfin à prendre place à bord du Courrier, vaillant navire assurant la navette en baie de Seine. Louis-Philippe et MarieAmélie, pardon « M. Smith » et « Mme Lebrun », aperçoivent maintenant la silhouette sombre de la tour François-I marquant l'entrée du port du Havre.
De notre correspondant SWG