Le glacial hiver de 1917
Les vagues de froid qui se succèdent sur la France depuis décembre n’ont rien d’exceptionnelles : il y a eu bien pire, et dans des conditions autrement plus dramatiques.
Eh oui, il arrive qu’en hiver il fasse froid, même si cela semble surprendre pas mal de médias et donc mériter la Une de la plupart des journaux télévisés ces temps-ci. Alors, c’est vrai que ces dernières années les périodes de gel ont été réduites à la portion congrue, mais de là à susciter pareil emballement… Retour en 1917, aux côtés des soldats de la Grande Guerre.
La guerre refroidie
Seconde quinzaine de janvier 1917. Bien au chaud dans son QG, le général Nivelle planifie sur ses cartes sa grande offensive-boucherie du printemps, dans le secteur du Chemin-des-Dames. Voici 30 mois que presque toute l’Europe et une bonne partie de la planète sont plongées dans une tourmente dont on ne voit pas le bout. Des dizai- nes de millions de soldats se concentrent sur les zones de front, pour la plupart enterrés dans des tranchées boueuses et insalubres. Et voici que s’abat sur la France un nouvel ennemi : le froid. On n’avait pas vu pareil phénomène depuis 1895, comme si la nature s’acharnait à ajouter son propre malheur au malheur imaginé par les hommes. À l’est, les températures s’ef- fondrent jusqu’à 25° au-dessous de zéro. On imagine l’impact sur des armées mal équipées, épuisées et démoralisées.
Pénuries généralisées
À l’arrière, la situation se détériore: la Seine est prise par les glaces au niveau de Rouen, et toute communication fluviale est interrompue avec Paris. Au Havre, la surface des bassins charrie des glaçons. Avec les mines du nord aux mains de l’ennemi, partout le charbon se raréfie, les queues s’allongent devant les devantures des détaillants et les prix s’envolent. Même les compteurs de gaz gèlent, ce qui vaut aux lecteurs du PetitHavre ce sage conseil : « On ne saurait trop recommander de ne jamais approcher une flamme d’un compteur pour faire fondre la glace, au risque d’explosion de l’appareil. » Ce climat rigoureux dure jusqu’à la mi-février. Le printemps pourri qui s’ensuit hypothèque les récoltes et fait ressurgir le spectre de la famine. L’hiver 1918, le dernier de la guerre, sera aussi d’une grande rigueur et l’hiver 1919 apportera un autre fléau : la grippe espagnole.
De notre correspondant SWG