Clameur interdite au Havre en 1517
Depuis le 7 février, chacun peut contempler les actes de fondation du Havre à l’Hôtel de Ville. Les plus attentifs liront une allusion à la « clameur de haro ». Qu’est-ce donc ?
Habituellement soigneusement conservés aux Archives municipales, fort de Tourneville, ces deux documents ont été brièvement exposés à la mairie. Depuis le 13 février, ils sont remplacés par des fac-similés de très grande qualité. Pour être honnête, on n’y voit que du feu!
« On me fait tort »
Parmi les dispositions énon- cées dans le document daté du 7 février 1517, on lit que les travaux du port, réalisés dans l’intérêt public, auront lieu en dépit de toute « clameur de haro ou doleances quelzconques ». Il s’agit là d’une disposition unique au monde, spécifique au droit normand. Lorsque quelqu’un se sent lésé, spécialement pour une question civile (querelle de propriété notamment), il peut suspendre dans l’instant tout trouble à son encontre et se saisir de la justice. Pour cela, il doit devant deux témoins se mettre à genoux et réciter le Notre-Père en français, puis prononcer ces mots : « Haro, haro, haro ! À l’aide mon prince, on me fait tort. » Cet acte spectaculaire a pour conséquence de figer instantanément une situation, d’arrêter un chantier ou une quelcon- que violation de propriété, et de transmettre le litige à un juge afin de le trancher. En précisant d’avance que les clameurs de haro seront sans effet, François Ier démontre que ses conseillers connaissent bien la Coutume de Normandie et il se prémunit contre les attaques éventuelles d’habitants récalcitrants. Une tradition vivace Inutile de tenter l’expérience : si votre voisin implante le week-end prochain sa clôture dix centimètres à l’intérieur de votre jardin, en piétinant au passage vos rosiers, sachez que la clameur de haro est abolie en Normandie depuis la Révolution. Elle reste cependant utilisée dans les îles Anglo-normandes, héritières du duché de Normandie, où elle a toujours valeur juridique, quoique rarement utilisée. Et pourtant…
Haro à Guernesey... en 2016 !
Le 14 décembre 2016, un sujet de Guernesey, désireux d’empêcher les forces de l’ordre d’entrer chez lui afin d’évacuer l’épave d’une voiture, s’est agenouillé et en a appelé à la justice ducale, comme autrefois ses ancêtres… et les nôtres!
De notre correspondant SWG