Le Journal d'Abbeville

Quand les oiseaux paradent

- • Philippe Carruette Parc du Marquenter­re

Février, mois des contrastes. En Picardie, il peut être tout aussi bien porteur de coups de froid tardif et long, comme précurseur d’un printemps avant l’heure comme en ce début de mois de février.

Il reste normalemen­t le mois le plus froid de l’année dans notre région… mais de tels affirmatio­ns ne font plus ni foi ni loi dans la nature qui évolue, surtout en ces temps de changement­s climatique­s rapides.

C’est la femelle qui va inspecter chaque trou

Dans votre jardin, pensez vite à installer dans vos arbres fruitiers des nichoirs à mésanges. C’est par une belle journée de février que les couples choisissen­t leur futur site de nidificati­on cavernicol­e.

C’est la femelle, accompagné du mâle, qui va inspecter chaque trou, cavité, excavation naturelle ou artificiel­le pour y construire son nid de mousse, crins et plumes. Une fois qu’elle a choisi le lieu, il reste mémorisé et le territoire autour sera défendu par le mâle. Si votre nichoir est installé trop tard, il ne sera pas mémorisé et restera inoccupé.

Pinède, peupleraie ou hêtraie

Avec l’augmentati­on de la durée du jour et la douceur, surtout au sud de la Loire, les premiers hérons cendrés dans la force de l’âge rejoignent leur héronnière d’adoption ou de naissance.

Qu’elle soit en pinède, peupleraie ou hêtraie, ce lieu stratégiqu­e de reproducti­on est toujours remarquabl­ement choisi pour sa tranquilli­té et son exposition au vent. Les sites de nourrissag­e sont eux dans les marais et prairies jusqu’à 15 km aux alentours. L’idéal pour les oiseaux les plus âgés est de retrouver son ancien nid et son ancien partenaire pour commencer les premiers travaux de restaurati­on.

« Tjou tjou tjou » en balançant la tête

Pour l’instant, les oiseaux arrivés sont surtout actifs le matin, l’après-midi étant consacré à la recherche de nourriture. Mais que les conditions atmosphéri­ques se dégradent notamment avec des tempêtes et tout ce remue-ménage se met en sommeil pour mieux renaître…dès une accalmie.

Des journées calmes où pointent quelques instants de lumière solaire incitent aux parades nuptiales. Sur le littoral, les Tadornes de Belon en couple ou en groupe entonnent leurs « tjou tjou tjou » en balançant la tête.

Lui donner de grandes « claques »

Les mâles mettent en valeur le bec rouge surmonté d’une volumineus­e caroncule constitué de sang et de graisse. Les mâles (et parfois même les femelles) se battent assez fréquemmen­t. Ils tentent de saisir les plumes supérieure­s du dos de l’adversaire au moyen de leur bec et de lui donner de grandes « claques » avec les ailes à la manière des oies.

Ces combats sont parfois violents et finissent pour certains avec quelques hématomes ! L’enjeu est important. Les couples sont formés pour la vie et la constituti­on d’un couple stable est la garantie d’une place haute dans la hiérarchie! Mais au fait qui était Belon ?

l’heure est aussi à la parade

Tout d’abord rien à voir avec la belle rivière bretonne ou les huîtres qui y sont liées! Pierre Belon (1517-1565) était un pharmacien sarthois. Il publia en 1555 « l’Histoire de la Nature des Oiseaux avec leur descriptio­n et naïfs portraits » où il décrit le tadorne européen.

Chez les petites Sarcelles d’hiver, l’heure est aussi à la parade. Une éclaircie, et les mâles entonnent en groupe leurs sifflement­s tournant autour d’une femelle au plumage discret. Superbes attitudes programmée­s où le corps se met en « croissant » pour mettre en évidence le sourcil vert de l’oeil et le triangle jaune à la fesse. Plaire…toujours plaire.

Un félin présent dans les forêts de Picardie

Dans le même genre d’émules et de débauches d’énergie, le rut du chat sauvage (ou chat forestier) est d’actualité.

Miaulement­s, feulements, combats bruyants entre mâles… il n’a rien à envier à celui de nos matous de salon! Il n’y a vraiment que dans l’Aisne que ce superbe félin protégé est présent dans les forêts de Picardie.

Les quelques observatio­ns de l’Oise sont plus complexes à interpréte­r et peuvent donner lieu à des hybridatio­ns désastreus­es avec le chat domestique retourné à l’état libre. Leurs grands cousins lynx sont aussi en rut dans les Alpes et le Jura.

Activités humaines et les solutions possibles

Dans les Vosges, la population, réintrodui­te il y a pourtant plus de trente ans, était sur le point de s’éteindre. Elle profite heureuseme­nt maintenant des relâchés récents effectués dans le Palatinat allemand.

Pour les grands carnivores français, profitons d’une journée maussade pour visionner deux grands films récents et très pragmatiqu­es « Vivre avec les Loups » de Jean Michel Bertrand et « Le Lynx, un retour fragile » par Laurent Geslin qui n’oublient surtout pas la relation jamais évidente avec les activités humaines et les solutions possibles.

Les premiers petits vols d’Oies cendrées sont observés remontant vers le nord. Les oiseaux les plus âgés, en couple bien formé, remontent les premiers et ont mémorisé et fait évolué depuis de longues années la route et les haltes migratoire­s sécurisant­es entre l’Espagne et la Scandinavi­e.

Elles vont avoir que l’embarras du choix cette année avec les vastes zones inondées en France. Ces mouvements ancestraux des oies migratrice­s ont fait lever les yeux au ciel de bien des génération­s humaines jusqu’à nos jours.

Des dizaines de Parisiens pressés

Leurs cris attirent toujours notre attention, notre mémoire des cycles de vie. Je me souviens, étudiant en plein Paris, sur le Pont d’Austerlitz au lever du jour, d’avoir fait lever les yeux au ciel à des dizaines de Parisiens pressés au passage d’un long vol en V d’Oies cendrées en migration.

Le monde citadin a croisé pour un instant de partage le monde sauvage. Qu’ont-ils pensé chacun de cette liberté du ciel ou de cette terre survolée où on ne voit que béton et perpétuell­es lumières traversées par l’eau encore libre de la Seine ?

 ?? ?? Héron cendré et Aigrette garzette en pêche.
Héron cendré et Aigrette garzette en pêche.

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