Le Journal d'Abbeville

Mars, le mois des contrastes pour les oiseaux

- • Philippe Carruette Parc du Marquenter­re

Mars est le mois des contrastes… Giboulées d’un matin s’estompent au soleil d’un après-midi. Des gelées nocturnes entrent en résistance comme pour montrer que le 21 mars peut appartenir à deux saisons. Mais cela ne rebute point le Tussilage, cette composée aux fleurs jaune d’or qui apparaisse­nt avant la pousse des feuilles… Dans les campagnes on le nommait « le fils avant le père », pas d’âne ou chasse toux…

Premières manifestat­ions printanièr­es

Il est vrai que l’on prêtait attention, sans crainte, à la nature et à ces premières manifestat­ions printanièr­es…Glabres de toutes feuilles, les Saules marsaults arborent leurs chatons jaune poussin pour les pieds mâles. Plus petits, les chatons femelles, d’un vert grisâtre sont moins prétentieu­x. En mûrissant, les graines deviennent plumeuses (d’où le nom anglais de pussy willow) et seront filles du vent.

Un peu de fantaisie aux troncs

En forêt, les blanches étoiles de l’anémone Sylvie peuvent commencer à agrémenter les lumières des sous-bois et les trompettes bleues des jacinthes vont donner un peu de fantaisie aux troncs droits et sévères des hêtres. Tout est en avance avec cette douceur constante durant tout le mois de février.

Le spectacle était surprenant

Dans quelques sites retirés et tranquille­s, souvent en réserve, les Hérons cendrés retrouvent leur donjon. Chez ce grand échassier, va nicher en colonie au sommet des pins (littoral), dans des hêtraies ou des peupleraie­s dans les vallées, parfois dans un grand parc de demeure aux arbres séculaires. La semaine dernière, le spectacle était surprenant. Voir les mâles amenant des branches sur les anciens nids sous de violents coups de vent avait de quoi étonner. Douceurs, fortes lumières et jour s’étirant en longueur leur donnaient des ailes.

La héronnière fait écho

Certains, les plus âgés, à l’heure de ces lignes, ont certaineme­nt déjà pondu leur premier oeuf bleu turquoise et commencent à couver. Mais pour l’heure, la héronnière fait écho de ces tumultes, de ces cris rauques sortis du fond d’âge qui font acte de propriété du nid et attire une partenaire. Les effectifs d’une héronnière varient selon la nourriture disponible à 15 km aux environs. Plus loin, les déplacemen­ts ne deviennent plus rentables surtout à la naissance des jeunes et une nouvelle colonie doit s’implanter plus proche des sources alimentair­es à condition de trouver un site de nidificati­on des plus paisibles. Les marais sont importants, mais encore plus les prairies et les pâtures avec élevage où les hérons capturent rongeurs et autres petites proies.

Plantées en alignement militaire

Dans les peupleraie­s des vallées picardes, les Corbeaux freux sont aussi à l’ouvrage. Les grandes carolines (le peuplier en picard) plantées en alignement militaire sont le site idéal pour établir une corbeautiè­re. Enfant, je passais des matinées entières à observer les mimiques des couples fidèles qui se retrouvent. Courbettes, révérences, chamailler­ies croassante­s, le lien social est fort chez ces corvidés, dont les couples sont formés à vie.

Tempêtes et coups de vent ont fait la quasi-totalité de l’hiver. Sur les côtes rocheuses, les éléments sont à leur apothéose.

Des sculptures sans âge

Les vagues se changent en écume au contact du minéral de la roche. Dans les secteurs où le granit est roi, cela donne des sculptures sans âge. La nature ne compte pas son temps de travail qui se chiffre souvent en millénaire. Les oiseaux de haute mer commencent à être de retour en nombre sur leurs donjons battus par les vents. En France, le site le plus spectacula­ire reste sans doute la colonie de Fou de Bassan de l’île de Rouzic dans l’archipel des Sept-Îles en Bretagne. Les premiers grands oiseaux blancs y sont arrivés dès mi février sur leur colonie ancestrale datant de 1939.

Le spectacle est certes moins grandiose

Du continent, on voit cette tache blanche tournée face au large comme des neiges marines. Il faut dire que sont près de 18 000 couples qui vont revenir y nicher. La colonie qui a atteint plus de 20000 couples a fortement été touchée par la grippe aviaire en 2022 causant une mortalité énorme surtout sur les poussins. En 2023, ce ne sont que 11 500 couples qui sont revenus avec une bonne reproducti­on, quel sera l’effectif en 2024 ? Sur nos falaises calcaires de Picardie maritime, le spectacle est certes moins grandiose, mais tout aussi intéressan­t à suivre. Le Goéland argenté monopolise les lieux de ces cris territoria­ux.

Plus familiers aux « terriens »

Nombre de couples aujourd’hui préfèrent nicher sur les toits des maisons où les risques de chutes sont bien moins grands pour les poussins. Le Fulmar boréal cherche les cavités les plus spacieuses de ce grand mur blanc. Les couples très fidèles ne nichent vraiment qu’à partir de 8 ou 9 ans, mais cet oiseau pélagique proche des albatros peuvent vivre plus de 40 ans. Des oiseaux plus familiers aux «terriens» ont aussi leur site de reproducti­on dans la falaise. C’est le cas de Choucas des tours, du Rougequeue noir ou au printemps des Hirondelle­s de fenêtre.

En Corse et sur Belle-Île-en-Mer

Quant aux pigeons qui nichent d’Ault à Mers, ils n’ont hélas plus grand-chose de leur ancêtre le Pigeon biset sauvage qui occupaient bien ces lieux. Ce pigeon de souche pure sauvage sans croisement avec des pigeons domestique­s n’existe plus qu’en Corse et sur BelleÎle-en-Mer dans le Morbihan.

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Nichant au cap Blanc Nez, la Mouette tridactyle occupe aussi les hauts bâtiments du port de Boulogne-sur-Mer.

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