Un drôle de mois de mars
Mars le mois ventôse, des giboulées ou des éclaircies lumineuses. Le baromètre ne sait plus où il est. Normalement ce mois balance toujours entre hiver et printemps, mais cette année point d’indécision pour l’instant dans le choix. Arbres et arbustes découvrent bourgeons et feuilles tendres.
La fleur jaune apparaît avant la feuille
Les fleurs des bois s’épanouissent. La première est sans nul la Tussilage ou pas d’âne dont la fleur jaune apparaît avant la feuille (d’où son surnom du « fils avant le père ») parente des pissenlits et pâquerettes. Les blanches étoiles de l’anémone Sylvie vont éclater dans les lumières rasantes des hêtraies en compagnie de l’Ail des ours. Les jacinthes des bois et la petite pervenche font dans le bleu. La Violette odorante est bien une vraie plante sauvage, mais pour l’apprécier il faut se pencher à 10 cm du sol et apprécier son odeur subtile.
Un redoutable prédateur de tout ce qui rampe
De la plante sauvage est née par sélection la violette de Toulouse beaucoup plus parfumée. Peu à peu les insectes abandonnent leurs abris hivernaux peut-être plus tôt que d’habitude pour certains comme les moustiques observés finalement en continu.
La carapace est un véritable bouclier
La Cicindèle champêtre (verte à points blancs) est aussi de sortie. Ses mandibules coupantes, sa rapidité de course au sol en font un redoutable prédateur de tout ce qui rampe. Le carabe doré aux pattes rougeâtres est de la même série de chasseurs de proies de la taille des limaces ou des escargots bien plus volumineuse que lui.
Ces deux « tigres miniatures» font partie de la grande famille des coléoptères du grec « koleos » étui et « pteron » aile. La carapace dure en deux parties (les élytres) est un véritable bouclier dorsal protégeant les fines ailes membraneuses comme chez le Hanneton. Surprise (une de plus !) quelques Escargots de Bourgogne sortent de leur torpeur dès la fin février. On est tout de même plus accoutumé à les voir actifs fin mars début avril. La reproduction ne saurait tarder si la température reste douce activant la sortie de la majorité des animaux.
Augmenter sa température interne
Cela explique qu’en cette période leur ramassage est totalement interdit pour préserver l’espèce. L’activité précoce de tout ce petit monde de la terre et de l’herbe réveille d’autres appétits. Ainsi la belle Couleuvre à collier au corps ardoisé sort de ses 5 mois d’hibernation. Si elle est d’arrivée plus récente sur les zones de l’arrière littoral, elle est assez commune sur plusieurs secteurs de la vallée de la Somme. Une journée ensoleillée lui est des plus profitables pour augmenter sa température interne (animal à sang-froid) et permettre de renouer avec une activité de chasse aux batraciens. Cela tombe bien (tout dépend pour qui !) ils sont aussi en avance…
Les oiseaux trouvés morts sont anémiés
Sur le littoral atlantique, des découvertes macabres se succèdent depuis quelques jours avec l’échouage de Guillemot de Troïl, de l’ordre d’un ou deux oiseaux par kilomètre. On est en effet en pleine migration prénuptiale des alcidés (petits pingouins, guillemots, macareux .... ) qui ont hiverné dans le golfe de Gascogne et remonte vers la Grande-Bretagne, l’Écosse et la Scandinavie pour se reproduire. Les oiseaux trouvés morts sont anémiés, très amaigris. Les analyses excluent la grippe aviaire. Leur hivernage a été sous le signe du changement climatique avec une très grande douceur marine, source irrémédiable de coups de vent, tempêtes et houle permanente.
Jusqu’à 70 mètres de profondeur
Certes ces oiseaux sont pélagiques et parfaitement adaptés à vivre en mer, mais là les conditions venteuses ont été quasi permanentes. Leurs lieux de pêche sont généralement sur les hauts fonds (entre les isobathes 50 et 100 mètres) à au maximum à moins de 50 km de la côte. Cela correspond aux capacités de plongée de l’espèce entre 10 et 30 mètres en moyenne, mais les oiseaux peuvent plonger jusqu’à 70 mètres de profondeur.
Il semble aussi que les sprats, lançons, harengs et poissons vivants en bancs se soient aussi déplacés plus au large en zone plus profonde peut-être pour chercher des zones plus froides et moins agitées plus riches en plancton.
Les guillemots adultes hivernent non loin de leur colonie de reproduction, notamment en mer du Nord.
Des centaines d’oiseaux mazoutés
Les oiseaux du sud de l’Atlantique sont surtout des juvéniles moins expérimentés et résistants, qui sont moins aptes à s’adapter à ces conditions plus difficiles. Si quelques oiseaux sont trouvés sur nos plages on est loin des hyper mortalités des années 1990 avant l’interdiction du dégazage des pétroliers en mer, où on ramassait sur la côte picarde des centaines d’oiseaux mazoutés.
Un impact sur la densité des oiseaux
Et l’échouage de l’Erika en 1999 a tué plus de 100 000 guillemots! Si ce type de phénomènes de douceur marine continuent sur le moyen terme, il est évident que cela aura un impact sur la densité des populations d’oiseaux marins. Malgré des colonies encore importantes, le Guillemot de Troïl est maintenant classé « quasi menacé » sur la liste rouge européenne avec un net déclin ces dernières années en raison de la baisse drastique des densités de poissons. En France, l’espèce est menacée d’extinction comme nicheuse avec 300 à 350 couples en Bretagne, principalement dans le Finistère.