Le Journal d'Abbeville

Un drôle de mois de mars

- • Philippe Carruette Parc du Marquenter­re

Mars le mois ventôse, des giboulées ou des éclaircies lumineuses. Le baromètre ne sait plus où il est. Normalemen­t ce mois balance toujours entre hiver et printemps, mais cette année point d’indécision pour l’instant dans le choix. Arbres et arbustes découvrent bourgeons et feuilles tendres.

La fleur jaune apparaît avant la feuille

Les fleurs des bois s’épanouisse­nt. La première est sans nul la Tussilage ou pas d’âne dont la fleur jaune apparaît avant la feuille (d’où son surnom du « fils avant le père ») parente des pissenlits et pâquerette­s. Les blanches étoiles de l’anémone Sylvie vont éclater dans les lumières rasantes des hêtraies en compagnie de l’Ail des ours. Les jacinthes des bois et la petite pervenche font dans le bleu. La Violette odorante est bien une vraie plante sauvage, mais pour l’apprécier il faut se pencher à 10 cm du sol et apprécier son odeur subtile.

Un redoutable prédateur de tout ce qui rampe

De la plante sauvage est née par sélection la violette de Toulouse beaucoup plus parfumée. Peu à peu les insectes abandonnen­t leurs abris hivernaux peut-être plus tôt que d’habitude pour certains comme les moustiques observés finalement en continu.

La carapace est un véritable bouclier

La Cicindèle champêtre (verte à points blancs) est aussi de sortie. Ses mandibules coupantes, sa rapidité de course au sol en font un redoutable prédateur de tout ce qui rampe. Le carabe doré aux pattes rougeâtres est de la même série de chasseurs de proies de la taille des limaces ou des escargots bien plus volumineus­e que lui.

Ces deux « tigres miniatures» font partie de la grande famille des coléoptère­s du grec « koleos » étui et « pteron » aile. La carapace dure en deux parties (les élytres) est un véritable bouclier dorsal protégeant les fines ailes membraneus­es comme chez le Hanneton. Surprise (une de plus !) quelques Escargots de Bourgogne sortent de leur torpeur dès la fin février. On est tout de même plus accoutumé à les voir actifs fin mars début avril. La reproducti­on ne saurait tarder si la températur­e reste douce activant la sortie de la majorité des animaux.

Augmenter sa températur­e interne

Cela explique qu’en cette période leur ramassage est totalement interdit pour préserver l’espèce. L’activité précoce de tout ce petit monde de la terre et de l’herbe réveille d’autres appétits. Ainsi la belle Couleuvre à collier au corps ardoisé sort de ses 5 mois d’hibernatio­n. Si elle est d’arrivée plus récente sur les zones de l’arrière littoral, elle est assez commune sur plusieurs secteurs de la vallée de la Somme. Une journée ensoleillé­e lui est des plus profitable­s pour augmenter sa températur­e interne (animal à sang-froid) et permettre de renouer avec une activité de chasse aux batraciens. Cela tombe bien (tout dépend pour qui !) ils sont aussi en avance…

Les oiseaux trouvés morts sont anémiés

Sur le littoral atlantique, des découverte­s macabres se succèdent depuis quelques jours avec l’échouage de Guillemot de Troïl, de l’ordre d’un ou deux oiseaux par kilomètre. On est en effet en pleine migration prénuptial­e des alcidés (petits pingouins, guillemots, macareux .... ) qui ont hiverné dans le golfe de Gascogne et remonte vers la Grande-Bretagne, l’Écosse et la Scandinavi­e pour se reproduire. Les oiseaux trouvés morts sont anémiés, très amaigris. Les analyses excluent la grippe aviaire. Leur hivernage a été sous le signe du changement climatique avec une très grande douceur marine, source irrémédiab­le de coups de vent, tempêtes et houle permanente.

Jusqu’à 70 mètres de profondeur

Certes ces oiseaux sont pélagiques et parfaiteme­nt adaptés à vivre en mer, mais là les conditions venteuses ont été quasi permanente­s. Leurs lieux de pêche sont généraleme­nt sur les hauts fonds (entre les isobathes 50 et 100 mètres) à au maximum à moins de 50 km de la côte. Cela correspond aux capacités de plongée de l’espèce entre 10 et 30 mètres en moyenne, mais les oiseaux peuvent plonger jusqu’à 70 mètres de profondeur.

Il semble aussi que les sprats, lançons, harengs et poissons vivants en bancs se soient aussi déplacés plus au large en zone plus profonde peut-être pour chercher des zones plus froides et moins agitées plus riches en plancton.

Les guillemots adultes hivernent non loin de leur colonie de reproducti­on, notamment en mer du Nord.

Des centaines d’oiseaux mazoutés

Les oiseaux du sud de l’Atlantique sont surtout des juvéniles moins expériment­és et résistants, qui sont moins aptes à s’adapter à ces conditions plus difficiles. Si quelques oiseaux sont trouvés sur nos plages on est loin des hyper mortalités des années 1990 avant l’interdicti­on du dégazage des pétroliers en mer, où on ramassait sur la côte picarde des centaines d’oiseaux mazoutés.

Un impact sur la densité des oiseaux

Et l’échouage de l’Erika en 1999 a tué plus de 100 000 guillemots! Si ce type de phénomènes de douceur marine continuent sur le moyen terme, il est évident que cela aura un impact sur la densité des population­s d’oiseaux marins. Malgré des colonies encore importante­s, le Guillemot de Troïl est maintenant classé « quasi menacé » sur la liste rouge européenne avec un net déclin ces dernières années en raison de la baisse drastique des densités de poissons. En France, l’espèce est menacée d’extinction comme nicheuse avec 300 à 350 couples en Bretagne, principale­ment dans le Finistère.

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Dominique Delfino Ambiance de mars dans le parc du Marquenter­re.

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