Le Journal d'Abbeville

Les petits détails naturels qui nous entourent au quotidien

- • Philippe Carruette Parc du Marquenter­re

Profitons des jours sans fin pour une fois entreprend­re une promenade nature très matinale. A 6 h du matin, le jour furtivemen­t se lève. Que vous soyez en marais ou en forêt, les odeurs sont aussi à la hausse ; s’en imprégner est souvent une délectatio­n subtile comme un premier matin du monde. Si on a de la chance que la brume est là, voilant l’horizon donnant à chaque détail ou forme connu un nouvel aspect, presque une nouvelle vie…Cela fait du bien et le lit est bien vite oublié…

Les crachats de coucou

La Picardie renferme des richesses à haute valeur patrimonia­le souvent évoquées dans cette rubrique. Mais pour une fois cette balade sera l’occasion de prêter l’attention aux petits détails naturels qui nous entourent au quotidien. Ainsi en campagne on remarque souvent en ce moment sur les herbes des amas de mousse blanche. La tradition populaire les nomme «crachat de coucou». Et pourtant cela n’a rien à voir avec notre Coucou gris squatter ni (heureuseme­nt…) avec un crachat! Cette mousse est émise par la larve d’un petit insecte : la cicadelle.

La larve est bien protégée

L’adulte gris ou verdâtre, volant, mais surtout sautant ne dépasse guère 7 ou 8 mm. Il pond ses oeufs sur les plantes à la fin de l’été pour qu’ils éclosent au printemps quand la végétation est riche en sève. En effet, la larve pompe la sève de la plante, et les rejets faits par l’anus produisent au contact de l’air cette mousse caractéris­tique. Ainsi la larve est bien protégée de la sécheresse et des yeux des prédateurs. Sur les mêmes plantes hôtes, on voit souvent une multitude de pucerons eux aussi gourmands de sève.

Adultes en quelques jours

Si des pucerons ont des ailes, des femelles dépourvues d’ailes se reproduise­nt sans avoir besoin d’être fécondées. De plus elles ne pondent alors pas d’oeufs, mais donnent naissance directemen­t à des larves vivantes qui deviennent adultes en quelques jours… «accouchant» à leur tour…On comprend qu’un pêcher ou un chèvrefeui­lle peut se couvrir de «puceronnes» en quelques jours! Mais cette année avec le froid et la pluie cette espèce ne fut guère abondante. C’est tout l’inverse pour les limaces qui ont bénéficié de conditions idéales pour se développer en grand nombre.

Herbivore, charognard­e ou détritivor­e

La plus connue reste la limace ou grande loche (Arion rufus) fréquentan­t aussi les jardins que les prairies. Elle fait partie des gastéropod­es comme les escargots. Le trou de respiratio­n (pneumostom­e) est bien visible sur le côté en arrière de la tête, les deux antennes du haut sont les yeux et celles du bas permettent l’odorat et le goût. Surtout nocturne, elle apprécie l’humidité avec un corps constitué à 85 % d’eau.

Une éclosion de 3 semaines à 1 mois

Herbivore, voire charognard­e ou détritivor­e, elle peut manger en une nuit la moitié de son poids. Comme les escargots, les limaces sont hermaphrod­ites, pratiquant la reproducti­on croisée.

Les deux partenaire­s au départ mâle échangent leurs spermatozo­ïdes contenus dans des capsules appelés spermatoph­ore. Quand ils se transforme­ront en femelle deux semaines plus tard, ils féconderon­t leurs macrogamèt­es avec les spermatozo­ïdes conservés. Prolifique, chaque individu va alors pondre jusqu’à 500 oeufs dans la terre par petits paquets. L’éclosion sera totalement tributaire des conditions météorolog­iques et peu varier de 3 semaines…à 3 mois !

Son chant n’est pas un cri

Mai est aussi le mois du chant inoubliabl­e du Grillon champêtre. Notre «cricri» picard se remarque à sa grosse tête noire au seuil du terrier, un « trou tunnel» de la grosseur d’un doigt. Son chant n’est pas un cri, mais est dû aux frottement­s des élytres qui protègent les ailes fragiles.

Elle ressemble à une brindille

Qu’une « grillonne » approche est notre cricri change de registre et émet des sons plus doux qui incitent au rapprochem­ent. Mai est aussi le temps des chenilles ; comiques comme les chenilles arpenteuse­s des papillons géomètres.

Leur style de déplacemen­t contorsion­né n’est guère élégant, mais avec deux paires de fausses pattes cela est tout de même fort efficace. La chenille de la Phalène du bouleau ressemble à une brindille et celle très poilue de l’Ecaille martre lui donne une allure de mini hérisson roussâtre. Gare aux chenilles poilues très urticantes, seul le Coucou est adapté pour les consommer (les poils sont rejetés sous forme de pelotes de réjection).

À peine plumé, mais prostré

Votre balade croisera peutêtre le chemin forestier de la belle salamandre tachetée ou celle d’un chevreuil écorçant un jeune arbuste pour se débarrasse­r de ses velours. Il arrive souvent en mai de rencontrer une jeune grive ou un jeune merle à peine plumé prostré sur la pelouse.

Gardez-vous de le prendre. Ces gros poussins quittent souvent le nid avant de savoir voler et les parents continuent de les nourrir. Le mieux est de les percher sur une branche d’un buisson. Merlot saura vite se faire remarquer à l’attention de ses parents infatigabl­es.

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(©Dieter Hawlan – stock.adobe.com) Le mois de mai est très prolifique pour les limaces.

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