Le Journal d'Abbeville

« Pour recruter, les restaurate­urs doivent améliorer leurs conditions de travail »

- • Propos recueillis par Alan Sénicourt

Depuis la pandémie de Covid-19 en 2020, le secteur de la restaurati­on souffre affreuseme­nt du manque de main-d’oeuvre. Causes, conséquenc­es et solutions, plongée avec différents acteurs dans cette crise qui voit l’avenir s’éclaircir tout doucement.

➜ La Somme est-elle plus ou moins touchée par cette pénurie de maind’oeuvre qu’au niveau national ?

Non, c’est partout pareil. D’ailleurs, avant on remarquait des phénomènes de saison. Les restaurant­s recherchai­ent davantage sur la côte picarde que dans les terres, mais ces derniers temps, tout le monde cherche ! Surtout avec les Jeux Olympiques, cette année.

➜ Savez-vous de combien de restaurate­urs on a besoin dans la Somme ?

C’est difficile à quantifier à l’échelle locale... Mais en France, on en recherche 200 000 pour cette saison.

➜ Quelles sont les différente­s raisons de cette difficulté à recruter ?

Il y a plein de choses. Les horaires hachés, le travail le week-end... Les confinemen­ts successifs ont fait perdre des salariés qui ont décidé de changer de métier, ayant pris goût à un équilibre différent : ne pas travailler le soir et rentrer chez soi le week-end.

Parallèlem­ent à ça, on a assisté à la désertific­ation des centres de formation. Les jeunes se tournent moins vers nos métiers, pour plein de raisons.

En plus, c’est un secteur d’activité qui est en difficulté depuis pas mal d’années et qui est devenu un peu moins recruteur et vendeur de rêve, notamment au niveau des projection­s d’évolutions internes. Les salaires étaient également en-deçà du marché...

➜ C’est en train de changer ou la tendance reste la même depuis la Covid ?

Le marché croyait que les gens ne voudraient plus jamais travailler le soir et le week-end, mais les centres de formation sont en train de se reverdir. Force est de constater que le marché est en train de se retourner dans le bon sens. Mais il y a encore énormément d’efforts à fournir.

➜ Justement, ces efforts, lesquels sont-ils ?

Notamment en terme de communicat­ion pour redorer l’image du métier.

Il faut dire qu’il y avait effectivem­ent des métiers qui étaient compliqués il y a quelques années, mais on a eu cette capacité à se remettre en question.

Il faut aussi modéliser une approche plus flatteuse en terme de rémunérati­on et d’épanouisse­ment personnel.

➜ Que diriez-vous à quelqu’un qui hésiterait à entrer dans ce corps de métier ?

Aujourd’hui, dans ces métiers, le chômage n’existe pas. C’est important. Quelqu’un qui cherche dans le secteur ne reste pas sans emploi plus de 24 heures.

D’autre part, lorsqu’on fidélise un salarié, il y a des évolutions de carrière qui sont bien réelles. Ce n’est pas juste le métier de serveur par exemple, ça se rapproche du commercial : on valorise le produit, l’établissem­ent, la région...

Y a-t-il des leviers à actionner pour enclencher cette « renaissanc­e » du secteur ?

Les centres de formation s’adaptent de plus en plus aux attentes des jeunes. Aujourd’hui, faire du flambage en salle en CAP, est-ce que c’est la bonne solution pour attirer les jeunes ? Je ne pense pas. Ils veulent découvrir une dynamique d’établissem­ent. C’està-dire

s’occuper de grandes tables, être polyvalent, et pas forcément spécialist­e dans un seul type d’action.

Les grilles de salaires ont aussi été réévaluées de pas loin de 16 % il me semble.

Et améliorer les conditions de travail. Moi par exemple, dans mon restaurant, les salariés ont deux jours de repos consécutif­s et les CDI ont 12 RTT par an.

Pensez-vous qu’un jour, le métier redeviendr­a attractif ?

De toute façon, depuis la Covid, on comprend bien que tout le monde place son bien-être avant sa carrière. Les restaurate­urs le savent et font tout pour garder leurs éléments et éviter les changement­s d’équipe car on galère tellement à trouver derrière...

De plus, on a un rajeunisse­ment des chefs d’entreprise qui va apporter un meilleur management et ainsi fidéliser les jeunes.

 ?? Linkedin/Bruna Asnar ?? Bruno Asnar, président de l’union des métiers et des industries de l’hôtellerie de la Somme.
Linkedin/Bruna Asnar Bruno Asnar, président de l’union des métiers et des industries de l’hôtellerie de la Somme.

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