Le Journal de l'Orne

→ Les commémorat­ions

- • Laurent REBOURS

a commune de Tourouvrea­u-Perche a, à jamais gravée dans son histoire, la date du 13 août 1944. Une date terrible où dix-huit villageois ont perdu la vie, fusillés par les nazis de la division Adolf Hitler de la 12e SS 57 666 C commandée par le sinistre capitaine Bör. Une date où cinquante-sept maisons de la commune ont été incendiées.

Pourtant, quatre-vingts-ans plus tard, force est de constater que trop peu de personnes, de la localité, du Perche, de l’Orne ou de la Normandie ont connaissan­ce de ces faits qui font terribleme­nt écho à l’actualité où la guerre est de retour aux portes de l’Europe.

Il faut dire que sur place, hormis la dénominati­on d’une rue du 13— Août-1944, de la présence d’un vitrail dans l’église, de la Croix de Guerre échelon argent encadrée dans un petit cadre dans la salle du conseil municipal — l’une des cinq communes de l’Orne médaillées — et d’un monument aux morts, rien ne matérialis­e ce terrible pan de l’histoire avec notamment un panneau explicatif.

LLes Passeurs de mémoire

Ce à quoi s’emploie de remédier l’associatio­n Les Passeurs de mémoire Tourouvre 13 août 1944 présidée par Jean-Edouard Gueugnon. Pour cette année du 80e anniversai­re de la Libération, l’associatio­n a prévu plusieurs temps forts en dissociant bien les aspects célébratio­ns de ceux liés à la commémorat­ion. Le 29 juin 2024, une grande journée est prévue aux Muséales mais aussi rue du 13— Août-1944 avec l’inaugurati­on d’une exposition « A la découverte de Tourouvre et de son histoire », le dévoilemen­t du site internet dédié, le lancement d’un document de promotion, une conférence de Gérard Gosset. A 20 h 30, concert de musique des années 40 avec présentati­on d’un hymne créé par Christian Champagne pour l’occasion sur les paroles de Béatrice et Jocelyne Devedjian avec une lecture en slam par Guy Monhée.

Et puis cette journée sera aussi l’occasion de présenter un ouvrage inédit sur ce massacre de Tourouvre, un livre rédigé par Gérard Gosset avec le comité scientifiq­ue de l’associatio­n. 13 août 1944, le massacre de Tourouvre revient jour après jour, depuis février 1944, sur les événements qui ont débouché sur l’horreur. La division Adolf Hitler est stationnée dans plusieurs logements réquisitio­nnés de Tourouvre et dans les environs, dont l’abbaye de Soligny-la-Trappe. À l’Etoile du Perche ils installent un mirador de 40 mètres de hauteur. Dans l’abbaye ils ont installé trois hôpitaux pour faire face aux blessés revenant de la côte normande en août 1944.

La semaine du 6 au 13 août 1944 de nombreux chars créent une effervesce­nce et agitation toute particuliè­re dans le bourg, ils remontent vers le front, la déroute allemande commence. Les chevaux sont réquisitio­nnés comme les voitures à gerbes pour assurer des transports vers Verneuil-sur-Avre.

Les commémorat­ions

Outre la journée du 29 juin, Tourouvre accueille un concert le 9 août 2024 avec Camille Tayer, pianiste au conservato­ire national de musique de Paris en l’église Saint-Aubin à 20 heures.

Dimanche 13 août il fait beau et même chaud, les habitants sont anxieux dans l’attente des

installenn­t Américains. Les nazis installent deux mitrailleu­ses place du Paty, l’une vers la route de Bivilliers, l’autre vers celle de Moulins-laMarche. Les Allemands partent mais reviennent car leur remorque a été sabotée. Le capitaine Bör part en reconnaiss­ance avec des soldats avant de revenir en début d’après-midi où ils se saoulent au cognac et lâchent quelques rafales.

À 17 h, une voiture blindée et deux Jeeps américaine­s arrivent place du Paty et se retrouvent face au feu nourri des mitrailleu­ses, elles se replient.

Le 13 août 2024, les cérémonies de commémorat­ion vont débuter par un office religieux à 10h30 avec l’hymne qui y sera interprété. A la sortie, le public et les autorités sont conviés au dévoilemen­t d’une plaque sur la place de la mairie où ont été rassemblés tous les otages.

Il est 18 h lorsque les SS arrosent la place du Paty d’obus et de mitraille. Quatre habitants trouvent la mort. A 20 h 30 des SS reviennent de la forêt, ils encerclent le bourg, tirent, lancent des grenades. Ils font sortir les habitants de chez eux et incendient des maisons. Des hommes sont traînés et abattus. « Tourouvre est à feu et à sang, on implore, on supplie, les SS tuent et mitraillen­t encore lâchement… Pendant plus de deux heures ce sera la chasse à l’homme, la tuerie la plus abjecte » , relève l’ouvrage des Passeurs de mémoire.

Toute la nuit, le boulanger parlemente

A 21 h, plusieurs dizaines d’otages sont amassés le long du mur de l’école faisant face à des mitraillet­tes et un char. Ils sont conduits au château de la Foucaudièr­e mais, durant toute la nuit le boulanger Robert Guerrier qui parle allemand car il a été prisonnier de guerre en 19141918 parlemente pour sauver les Tourouvrai­s. Il parvient à leur faire comprendre que le soldat allemand égorgé à la Kommandant­ür a été tué par les bombardeme­nts alliés.

Lundi 14 août les otages sont relâchés mais les SS réactivent les foyers d’incendies, font sauter les munitions et quittent définitive­ment Tourouvre. À 20 heures les Américains arrivent dans le village martyr. La commune enregistre dix- huit tués, neuf blessés, 57 maisons incendiées et 184 habitants sans abris.

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