L’adieu des Droillard à l’agriculture familiale
Les frères Droillard, célibataires, agriculteurs au village de SaintJacques, partent à la retraite le 1er novembre. Gaby et Denis, 62 ans et 60 ans, mettent fin à une histoire familiale qui se laboure depuis quatre générations.
Il faut remonter plusieurs générations pour retrouver les racines de la famille Droillard sur ce lieu-dit Saint-Jacques. L’arrière-grand-père Louis Mazoué est arrivé au début du siècle dernier, venant de la ferme toute proche du jarry. Gaby et Denis sont la 4e génération à exploiter les terres de Saint Jacques. Ce domaine va connaître de 1902 à 1965 le métayage (ou le travail à moitié), et à partir de 1965 le fermage (les fermiers sont locataires pour la maison et les terres).
Des boeufs aux tracteurs
Dans les années 1950 les cousins Albert Gautron et Fernand Nicoleau travaillent ensemble. Gabriel Droillard, gendre de Fernand, s’associe avec Albert en 1965.
Le souvenir de longues journées de labeur témoigne d’une vie rustique et difficile. Le premier tracteur arrive en 1968, « mais les boeufs ont encore rendu service quand il a fallu arracher le tracteur resté dans la boue », se souvient Marie, la maman. Pour l’anecdote, les membres de la famille ont été les derniers à travailler avec des boeufs attelés mais les premiers à acheter deux tracteurs. En 1972, l’agriculture se tourne vers des nouvelles technologies : les travaux d’ensilage de l’herbe apparaissent. Les bâtiments évoluent et vont être élaborés en auto construction avec l’accord des propriétaires M. de l’Espinay et M. de Lambilly, « qui ont toujours été prêts à aider les fermiers pour le confort de la ferme ».
Le cousin Albert prend sa retraite en 1982. la suite logique fait que que le GAEC Droillard père et fils s’installe avec 70 hectares de terre. Avec trois personnes sur la ferme, ils voient se dessiner une évolution importante du secteur agricole. On leur demande une grosse production : « Les années 86-88 vont être déterminantes avec un plan de développement, mais n’ayant pas la possibilité de faire une réserve d’eau, nous optons pour la technique de drainage pour rentabiliser au mieux les terres ».
Deux repreneurs
Après la retraite du père Gabriel en 1990, deux autres agrandissements apportent des nouvelles surfaces à exploiter. Les deux frères se retrouvent à la tête de 120 hectares. Chacun a sa spécialité : Gaby s’occupe des cultures, de la comptabilité et « des relations extérieures » ; Denis est le responsable du cheptel charolais (toujours avec carnet et crayon dans la poche). Ils se souviennent avoir vécu une grosse crise de la viande bovine en 1996. « Pour valoriser la production et inciter le public à découvrir l’élevage, nous avons organisé les premières portes ouvertes à la ferme sous la sollicitation de Luc Guyau (président du syndicat agricole). Ce sera un moment fort de notre vie avec dégustation de viande bovine, explications et visites des bâtiments, une grosse évolution du cheptel et un tournant pour l’agriculture ».
En 2004-2005 c’est la mise aux normes des bâtiments avec création d’une fumière et la couverture des aires d’exercices (fosse à eaux brunes) qui seront opérationnelles quelques jours avant le passage du tour de France à Thorigny : « ce dimanche 3 juillet 2005, il n’y avait jamais eu autant de monde à Saint Jacques ».
Ensemble Gaby et Denis ont toujours suivi les nouvelles obligations. Ils déplorent aujourd’hui la lourdeur administrative : « Le travail n’est rien à côté, les heures n’ont jamais compté ». Ils citent en exemple : « en 1973 pour un permis de construire de stabulation, il suffisait d’une feuille recto verso. En 2004 pour la mise aux normes, 3 kg de papier ».
Aujourd’hui si on parle d’Internet pour ces deux célibataires, ils répondent que « les ordinateurs sont trop vite obsolètes, mais avec la CUMA (regroupement pour le matériel agricole), on a déjà un aperçu ; les tracteurs sont équipés en barre de guidage et ordinateur de bord, donc on suit l’évolution ».
N’ayant pas de succession directe, ils se sont bien préparés à partir ; les derniers animaux ont été vendus début octobre. En accord avec les propriétaires, les animaux vont revenir avec un élevage de vaches laitières. L’avenir de la ferme est assuré : deux repreneurs vont prendre la suite de l’exploitation.
Gaby et Denis partent l’esprit tranquille et apaisé ; « nous souhaitons à ces jeunes de s’adapter au marché car au terme de notre mandat, on a l’impression de ne pas être récompensé pour notre travail à sa juste valeur ».
C’est avec un peu de nostalgie que Marie leur maman, 84 ans, va quitter sa maison natale pour les accompagner à Bournezeau. Après 115 ans à Saint Jacques, les Droillard tournent la page.