Crèche au Département : l’affaire rejugée ?
Le rapporteur public a préconisé, vendredi, au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes qui avait donné raison au Département de la Vendée, en octobre 2015, dans l’affaire qui l’oppose à la Fédération de la Libre Pensée concernant la crèche de Noël installée dans son hall.
La magistrate - dont les avis sont la plupart du temps suivis - a en effet considéré que la décision était entachée d’une « erreur de droit ». Elle a suggéré à la plus haute juridiction administrative française de renvoyer l’affaire devant les juges nantais, qui devront s’inspirer de ses conclusions lors de ce quatrième round judiciaire. Aurélie Bretonneau s’est toutefois livrée à l’audience à une interprétation de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat qui pourrait être favorable aux intérêts du conseil départemental de la Vendée. « La question de la crèche […] nous semble emblématique de cette catégorie d’objets d’origine religieuse ayant, par la force du temps, acquis un autre type de signification », a-t-elle rappelé, en préambule de ses conclusions. Elle a ainsi cité l’exemple du sapin de Noël, « dont tout le monde ou presque a oublié que, lors de son apparition au XVIe siècle […], il figurait tant l’arbre de la Croix que l’arbre de Vie décoré de pommes rouges (le fruit défendu) et portant l’étoile de Bethléem en son sommet ».
Pas de « prosélytisme »
Aurélie Bretonneau a donc invité le Conseil d’Etat à juger que « la loi de 1905 et surtout le principe de neutralité […] n’interdisent pas par principe l’installation d’une crèche sur le domaine public ». En revanche, une crèche « qui manifesterait un geste de reconnaissance d’un culte » pourrait être censurée par les juges administratifs, selon elle.
Plusieurs critères pourraient dorénavant aider ces derniers à y voir plus clair : une crèche doit d’abord s’inscrire, selon la magistrate, « dans le temps festif lié à la célébration de Noël ». « Le caractère temporaire de l’installation doit être pris en compte », a-t-elle insisté. « L’installation publique d’une crèche en dehors de ce temps festif serait interdite ».
Le deuxième critère serait l’accompagnement d’une « quelconque forme de prosélytisme religieux ou de promotion revendiquée d’une tradition religieuse particulière ». Aurélie Bretonneau a ainsi cité les « exemples caricaturaux » d’une « crèche autour de laquelle on organiserait des prières » ou une autre « surplombée d’un slogan religieux ».
Enfin, troisième et dernier critère : la crèche en question doit « revêtir le caractère d’une manifestation culturelle ou à tout le moins festive ». « Ce troisième critère […] a vocation à tenir compte de l’insertion de la crèche dans l’histoire locale : l’apparition soudaine d’une crèche dans l’espace public, alors que la municipalité ne s’était jamais préoccupée de célébrer Noël […], dans un contexte lourd de crispation sur la question religieuse, pourra être l’indice d’une revendication », a cité en exemple le rapporteur public.
Décision sous quinze jours
Le Conseil d’Etat, qui a mis sa décision en délibéré, devrait dire sous quinze jours environ s’il suit ses conclusions.
Le 22 septembre 2015, lors de l’audience devant la cour administrative d’appel de Nantes, le rapporteur public avait déjà estimé que «l’achat d’une crèche dépasse aujourd’hui le simple acte de foi : Noël est désormais une fête associée à la famille, de façon générale. Elle est aussi peu connotée religieusement que ne l’est la galette des rois de l’Elysée ».
« Si vous suivez ces conclusions, vous allez ouvrir la boîte de Pandore : vous risquez d’avoir des demandes de n’importe qui, qu’il soit de religion juive ou bien musulmane, pour installer un peu partout tout type d’insignes et d’emblèmes religieux », avait alors mis en garde l’avocate de l’association, à l’attention des juges d’appel nantais.
« Les personnages qui sont à l’intérieur d’une crèche, ils sont éminemment chrétiens, ce n’est pas Mahomet », avait poursuivi Me Aline Vérité. « Si on veut célébrer la fête de Noël de façon païenne, on met un arbre de Noël, avec des boules et des guirlandes… Mais une crèche, c’est un emblème religieux : c’est pour fêter la Nativité de Jésus, qui deviendra plus tard le Christ ».