Le Monde du Camping-Car

Îles Féroé : L’archipel des confins

Une nature grandiose et rugueuse aux confins de l’Europe, une météo des plus capricieus­es, tel est le théâtre qu’offre l’archipel des Îles Féroé aux amateurs de bouts du monde, de randonnée et de balade, loin du tourisme de masse.

- Texte et photos : Grégory Gérault

Accroché au 62e parallèle nord entre l’Écosse, la Norvège et l’Islande, seulement cinquante mille Féringiens pour quatre-vingt mille moutons peuplent cette province autonome du Danemark. L’archipel, souvent perdu dans les brumes de l’Atlantique Nord est constitué de dix-huit îles, reliées entre elles par des ferries ou des tunnels passant sous les fjords, ou au travers des montagnes. Cet après-midi, le ferry Norröna – qui assure la liaison entre le Danemark et l’Islande – accoste sur l’île principale de Streymoy. Le port de Tor- shavn est une capitale de poche peuplée par vingt mille habitants, dans laquelle il fait bon flâner. Une fois n’est pas coutume, le soleil et un grand ciel bleu sans nuages accueillen­t le bateau. Les couleurs des maisons éclatent. Reyni est le plus vieux quartier de la ville, c’est un méli-mélo de ruelles pavées, de maisons en bois peint et aux toits couverts d’herbes ou de tôles colorées. Le rouge, le vert, le bleu et le jaune prédominen­t. Une manière de contrer la dureté de l’hiver et ses courtes journées. Quelques séchoirs à viande et à poisson traditionn­els ( jallur) y sont encore utilisés. Entre les deux

parties du port, la presqu’île de Tinganes accueillit en 825 la première assemblée viking : l’Althing. Le parlement actuel siège toujours au même endroit. Les bateaux de pêche sont nombreux et souvent de taille imposante. Mais quelques-uns bien plus modestes subsistent. La pêche et la piscicultu­re sont les principale­s ressources du pays. Le marché aux poissons ne manque pas d’intérêt. Dans le port, durant la saison touristiqu­e qui s’étale de mai à août, les bateaux de croisières accostent également. Les touristes peu nombreux animent alors les terrasses qui jouxtent les quais et les quelques sites touristiqu­es à proximité, que l’on peut visiter en bus dans la journée. En prenant un peu de distance avec Torshavn, il n’est pas bien compliqué de trouver calme et solitude. Tout au sud de l’île de Streymoy, mais à quelques kilomètres seulement de Torshavn, le petit village de Kirkjubour est le lieu où arrivèrent les premiers colons en 625. Ces moines irlandais qui atteignire­nt aussi l’Islande furent chassés par les Vikings norvégiens en 850. Dans la cathédrale inachevée Saint-Magnus du XIVe siècle, une dalle en pierre abriterait des reliques, un morceau de la croix, un ruban de la Vierge et un os de Saint Magnus. Elle abritait surtout des trésors de sculptures en bois polychrome­s du XVe siècle, dont certains originaux sont toujours conservés au Danemark. C’est d’ailleurs encore une source de querelle entre le royaume et l’archipel, dont une partie de la population se verrait bien plus indépendan­te qu’elle ne l’est déjà. Le musée national se trouve à Hoyvik, au nord de Torshavn. Il abrite certaines copies de ces oeuvres mais aussi quelques originaux, dont un triptyque du XVIe siècle, ainsi que deux sculptures originales (une vierge et un christ). Il permet de comprendre la géologie et la formation volcanique des îles, la faune et la flore que l’on y rencontre, ainsi que l’histoire de son peuplement. Y sont exposés des pièges à oiseaux, des costumes brodés traditionn­els et autres objets de la vie quotidienn­e. En contrebas de la route, une ferme restaurée et transformé­e en écomusée permet de se plonger dans le quotidien des Féringiens du XIXe siècle jusqu’au début de la première moitié du XXe siècle. À quelques encablures, l’île de Koltur compta jusqu’à cinquante habitants. Depuis 1994, seuls Bjorn et Luka y vivent à l’année. Aucune liaison maritime régulière n’existe, longue de seulement deux kilomètres et demi, elle n’est accessible que par hélicoptèr­e. Pour y dormir, il vous faudra cependant obtenir l’accord des deux occupants. Leur ferme est classée monument national et ils l’entretienn­ent avec amour.

L’île aux oiseaux

L’île de Streymoy est reliée à celle de Vagar par un long tunnel sous-marin. C’est là que se trouve l’aéroport où un hélicoptèr­e nous attend. Une dizaine de passagers embarquent à son bord. Chacun s’équipe d’un casque antibruit orange et c’est le début d’un vol d’une poignée de minutes en direction de l’île de Mykines. Elle attire randonneur­s et ornitholog­ues du monde entier. L’appareil décrit un virage marqué à l’aplomb de l’îlot de Tindholmur, audessus du “nid de l’aigle” – dont la paroi de basalte noire se dresse à la verticale, 262 m au-dessus du niveau de la mer. Le spectacle est de toute beauté et le prix du vol en hélicoptèr­e, subvention­né par l’État, est plus qu’abordable. On aurait tort de s’en priver. C’est d’ailleurs un moyen de transport très usité, voire le seul possible, pour se rendre sur certaines îles. La seule contrainte est de réserver sa place suffisamme­nt à l’avance, le nombre de sièges et de rotations hebdomadai­res étant limités. Quelques minutes plus tard, il se pose sur l’île aux oiseaux. Le village éponyme de Mykines compte seulement dix habitants à l’année. La popula-

tion grimpe à deux cents l’été, mais en hiver pas de bateau et les vols ne sont assurés que si les conditions le permettent, c’est-à-dire rarement. Une fois l’hélicoptèr­e reparti avec ses nouveaux passagers, les quelques êtres humains rencontrés disparaiss­ent, le calme revient, pas un magasin, pas une voiture, seul le bruit du vent et le piaillemen­t lointain de millions d’oiseaux envahissen­t l’espace. Nous sommes là pour randonner plusieurs kilomètres. Direction Mykineshol­mur, les falaises les plus à l’ouest de l’île mais aussi de tout l’archipel. Plus de trois cents espèces d’oiseaux nichent aux Îles Féroé, attirées par la profusion de nourriture issue de la rencontre au large des eaux chaudes du Gulf Stream et des courants froids de la mer de Norvège. On y trouve la nicherie la plus importante de fous de Bassan de l’Atlantique Nord. La beauté des lieux est saisissant­e : de hautes falaises, et tout au bout un phare blanc, seule trace de l’activité humaine, des pâturages à perte de vue que les mille deux cents moutons de l’île arpentent librement du printemps à la fin de l’été. Le ciel est bleu et au pied des falaises, la mer écume. Sur un rocher plus protégé de la houle que les autres, des phoques font la banane au soleil. Depuis la pointe, le regard embrasse la totalité de l’île, telle une longue virgule ouestest posée sur l’océan. Le ciel est rempli de sternes arctiques, de fous de Bassan, de fulmars boréals, de mouettes et de cormorans. On observe des guillemots de Troïl, des petits pingouins. Des milliers de macareux nichent en haut des falaises et creusent leurs terriers. Ils peuvent vivre jusqu’à trente ans, en couple, revenant année après année dans le même terrier, fidèles l’un à l’autre. Peu farouches, ils se laissent facilement observer et photograph­ier dans leur incessant ballet entre le nid et l’océan. Avec leur air inquiet et bonhomme, les perroquets des mers, comme on les surnomme, vont le bec chargé de brins d’herbe lorsqu’ils préparent leur nid en mai, ou de petits poissons, plus tard dans la saison lorsqu’ils nourrissen­t leur petit. On ne se lasse pas du spectacle qu’ils offrent. Même si leur décollage semble difficile et leur atterrissa­ge aléatoire, on ne peut qu’admirer ces petits oiseaux, qui vivent huit mois par an en pleine mer. Le retour vers Vagar s’effectue en bateau, il ne faut pas le rater, il n’y en a qu’un l’après-midi ! Toujours sur l’île de Vagar, et non loin de là, direction Gasadalur, le dernier village des Féroé connecté au système routier en 2006, grâce au percement d’un tunnel, brisant l’isole-

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 ??  ?? À l’extrême ouest de l’archipel, le phare et les falaises de Mykineshol­mur offrent un panorama exceptionn­el. Sur Mykines les macareux ne sont pas farouches !
À l’extrême ouest de l’archipel, le phare et les falaises de Mykineshol­mur offrent un panorama exceptionn­el. Sur Mykines les macareux ne sont pas farouches !
 ??  ?? Sur l’île de Kunoy, le petit village éponyme est l’endroit idéal pour une halte ou un pique-nique, face au panorama majestueux de Kalsoy, l’île voisine.
Sur l’île de Kunoy, le petit village éponyme est l’endroit idéal pour une halte ou un pique-nique, face au panorama majestueux de Kalsoy, l’île voisine.
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Sur l’île de Vagar, le lac de Leitisvatn paraît comme suspendu au sommet des falaises, au-dessus de l’océan. Une autre belle rando.
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