Le Monde du Camping-Car

Rencontre avec : Jean-René, naufragé au Maroc

- Texte et photos : Alain Vacheron

Si l’année 2020 a été pour beaucoup d’entre nous synonyme d’immobilité, de déception de ne pas pouvoir partir au-delà des frontières de l’Hexagone, il y a des camping-caristes qui dès 2019 avaient déjà tracé leur route, direction le sud. C’est le cas de Jean-René qui, à sa retraite, est parti goûter la douceur de l’hiver au Royaume du Maroc. Mais qui aurait pu imaginer que son séjour durerait presque un an…

Jean- René, maître-nageur à la piscine municipale de la ville de La Teste, en Gironde, a deux passions : les sports nautiques et le voyage. A la retraite, délivré de toutes ses obligation­s, c’est au Maroc qu’il passe les hivers. A la recherche des belles vagues de l’Atlantique où il pratique le surf et le stand-up paddle, mais surtout pour profiter de cet art de vivre à la marocaine qu’il apprécie tant. Arrivé en décembre 2019 à Imesouane, petit village de pêcheurs à une centaine de kilomètres au sud d’Essaouira, il s’installe au camping et reprend doucement son rythme hivernal.

« La vie est douce. Le soleil brille presque tous les jours. Je rencontre beaucoup de monde venu ici pour pratiquer le surf dans la baie. C’est une vraie communauté, des jeunes, des vieux, des Français mais aussi beaucoup d’étrangers. Je me suis fait des amis marocains que je revois chaque hiver avec plaisir. » JeanRené a toujours eu des fourgons aménagés mais depuis quelques années, pour plus de confort et d’espace, il a fait l’acquisitio­n d’un camping-car Pilote de 1994 sur Ford. « C’est certain il n’est pas de toute première jeunesse mais au moins il est solide et surtout il n’y a pas d’électroniq­ue à bord. Chaque année je fais faire l’entretien de mon véhicule au Maroc par des mécanicien­s de génie qui, pour un tarif très raisonnabl­e, m’ont déjà changé la boîte de vitesses et même repeint la cabine du porteur ! »

Jean-René profite parfaiteme­nt de son séjour mais reste informé quotidienn­ement via internet des nouvelles de France. A la mi-janvier, il découvre, comme tout le monde, l’existence de ce mystérieux virus venu de Chine. En quelques semaines tout s’emballe. La plupart des pays européens se confinent et le Maroc ferme ses frontières à son tour. C’est la panique. En quelques jours le village se vide de tous ses touristes venus en avion, mais c’est aussi le départ de tous les camping-cars stationnés au camping. Beaucoup, par peur, se sont dirigés rapidement vers le port de Tanger dans l’espoir de pouvoir rentrer chez eux. « Moi, normalemen­t, je reste ici trois mois et je demande une dérogation auprès de la gendarmeri­e pour rester un mois de plus. » Informé quotidienn­ement par le Consulat de France au Maroc, il se rend compte

que la situation est totalement bloquée. « Il y avait peut-être une option pour retourner en France sur un bateau jusqu’à Sète, mais je me voyais mal débourser plus de 1 000 € en sachant que j’avais mon billet de retour Tanger-Algésiras qui était déjà réglé. Et puis je me disais que, confiné pour confiné, il valait mieux être au soleil en bord de mer que sous la pluie chez moi en France. »

Une gendarmeri­e prévenante

Très vite les autorités marocaines sont venues le voir en lui expliquant que cela ne posait pas de problème de rester ici. « Dès les premiers jours de confinemen­t, la gendarmeri­e est venue me donner une boîte de masques et un flacon de gel hydro-alcoolique. Si vous avez besoin de quoi que ce soit nous revenons demain, me disaientil­s. Je n’en revenais pas de leur gentilless­e et de l’organisati­on face à ce nouveau danger » . Jean-René se retrouve donc presque le seul touriste dans le village. Le camping ferme à son tour et, sur les recommanda­tions du chef de police, il s’installe au milieu du village déserté, sur le parking face à la mer. « Heureuseme­nt, il y avait une épicerie restée ouverte pour ravitaille­r les propriétai­res et gardiens des maisons de location mais aussi les pêcheurs qui continuaie­nt à partir en mer. Je ne manquais de rien. Ce spot qui d’habitude est fréquenté par des centaines de surfeurs était devenu vierge de toute présence humaine. Chaque fin de mois l’état d’urgence était repoussé au mois suivant. Arrivé en juin, la frontière était toujours fermée et la compagnie maritime n’opérait toujours pas de traversée entre le Maroc et l’Espagne. J’ai eu quelques moments de doute sur ma situation, mon isolement, puis très rapidement le moral est revenu avec l’arrivée des touristes marocains qui redonnaien­t vie au village pendant l’été. Je me suis même remis à lire, à pêcher… Chaque année je partais avec des dizaines de bouquins qui restaient empilés dans le placard mais ce coup-ci je les ai dévorés un par un. Côté technique, je pouvais vidanger et faire les services et brancher le camping-car au 220 Volts pour recharger les batteries dans la maison de mon ami Omar, un propriétai­re marocain resté à Agadir pendant le confinemen­t ». En septembre, la situation sanitaire n’avait pas franchemen­t évolué. « Je me suis dit : si c’est possible je reste ici encore un peu, étant donné que la France allait être reconfinée ! Il me semblait plus sûr de rester à l’abri ici que de retourner en France. Mes proches comprenaie­nt mon choix. Je me suis donc rendu au Consulat de France à Agadir ainsi qu’à la Gendarmeri­e royale pour régularise­r ma situation de prolongati­on de séjour. »

Cela allait faire presque dix mois que Jean-René avait quitté la France et vivait dans son camping-car à plein-temps. « La vie ne me coûte pas cher et je me sens particuliè­rement bien dans cette situation. Je profite de tous les instants, je pars en balade à travers la montagne et j’ai le sentiment de vivre une expérience hors du commun, quelque chose d’inédit que je n’aurais jamais imaginé » .

Fin novembre, pour des raisons familiales, Jean-René décide de rentrer en France. Non pas avec son camping-car, mais en avion, dans l’espoir, pourquoi pas, de passer de nouveau le reste de l’hiver 2021 au Maroc. Après avoir réglé les formalités administra­tives auprès des autorités et passé un test PCR dans un laboratoir­e d’Agadir, il embarque pour retrouver la métropole. Onze mois se sont écoulés depuis son départ, et le retour lui semble pesant. Jean-René passe les fêtes de fin d’année avec ses proches et en profite aussi pour faire un bilan de santé. Heureux d’être venu passer du temps avec sa famille et ses amis, le soleil du Maroc commence déjà à lui manquer. « J’ai la possibilit­é de repartir donc Inch Allah… »

Il a repris l’avion début janvier pour retrouver son petit paradis, ses vagues, son campingcar et la douceur de vivre qu’il affectionn­e tant.

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La vie s’organise autour de choses simples.… Se nourrir, se balader et surfer…Voilà le programme de son séjour d’un an au Maroc. Il y a pire !

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