Deux jours en ville : Toulon
Toulon peut se féliciter de posséder une des plus belles rades d’Europe. La ville militaire, autrefois de mauvaise réputation, a laissé place à une cité en pleine rénovation qui redécouvre son coeur ancien, son riche patrimoine et cultive un véritable art de vivre. Le tout, sous l’oeil du mont Faron, formidable gardien de la cité.
Quand on arrive à Toulon mieux vaut laisser ses idées reçues à quai. Longtemps appelée « l’infâme Toulon », meurtrie à plusieurs reprises, elle n’a plus rien de la ville grise du passé. Avec en son coeur l’Arsenal, la cité toulonnaise est le premier port militaire français.
C’est aussi l’une des plus belles rades d’Europe, un bassin naturel exceptionnel par son ampleur et sa profondeur, remarqué dès l’Antiquité par les Romains.
La meilleure manière de l’admirer est de prendre de la hauteur sur le mont Faron. Son nom vient des « Faro » qui y étaient autrefois installés pour surveiller l’arrivée des pirates. Aménagé en 1858, il culmine à 584 mètres d’altitude. Pour y grimper, quittez votre camping-car quelques heures pour le téléphérique rouge qui charme plus de 95 000 visiteurs chaque année. Joggeurs et mar
cheurs déambulent avec insouciance à l’ombre des pins. Falaises illuminées de soleil, garrigues odorantes, parterres de fleurs, symphonie des cigales, ce site unique et préservé est le lieu incontournable de détente et de découvertes. En haut, la vue sur la rade de Toulon, parsemée d’anses et fermée par la presqu’île de Saint-Mandrier, est à couper le souffle. Au loin, le cap Sicié, à l’est les îles d’Hyères. Sur le port, les ferries reviennent de Corse, les frégates attendent un hypothétique départ.
Votre balade se poursuit au coeur de la « Haute-ville » de Toulon, un quartier haussmannien qui tranche avec le centreville. Votre point de départ se situe sur la grande place de la Liberté. Bordée de palmiers, les terrasses des bars et restaurants s’animent. Comme celle de la Fédération érigée en 1889, les fontaines sont nombreuses et ornent la ville, faisant de l’eau un élément majeur de la cité.
Tour à tour originales, romantiques, elles témoignent des influences artistiques qui ont marqué la ville au fil de l’Histoire. Impossible de ne pas remarquer la large et opulente façade du Grand Hôtel, témoin de la Belle Epoque toulonnaise. Les pierres blanches des monuments et des statues reflètent le soleil, en écho avec les collines calcaires. De la place de la Liberté, la rue Pastoureau puis la rue Jean Jaurès conduisent à la place Victor Hugo. L’Opéra, édifié en 1862, s’impose au milieu de la place. Ses façades en pierre regorgent de statues de muses du poème épique, de figures de la tragédie et comédie. L’intérieur rouge et or richement décoré de peintures, stucs et bronzes est du plus pur style Napoléon III. La place Victor Hugo marque également la séparation entre la « ville haute » et la « ville basse ». L’architecture mêle des demeures typiquement provençales à des immeubles fin
XIXe siècle. Si les grandes artères le contournent, si les façades des immeubles modernes le dissimulent, le coeur historique de Toulon se révélera au fil des rues étroites aux façades jaunes, ocre et roses. En descendant vers le port, laissez-vous surprendre par un entrelacement de rues piétonnes. Certaines façades patinées trahissent l’âge de ce vieux Toulon si attachant, mais la ville basse fait l’objet d’une rénovation urbaine depuis près de vingt ans.
Comme beaucoup de villes portuaires, Toulon a traîné pendant longtemps une réputation sulfureuse. En plein coeur du centre-ville, la rue
Pierre Semard a été rebaptisée fort à propos la rue des Arts : aujourd’hui, galeries, cafés, boutiques d’artistes, arts de la table ont investi les lieux. Cet ancien quartier du « petit Chicago » accueillait anciennement les marins en permission. Des années 1920 aux années 1980, les matelots en goguette venaient se rincer l’oeil et abondamment le gosier. Les filles aux moeurs légères hantaient les lieux. Souvenir étonnant de cette époque révolue, une petite plaque face à l’entrée de l’Arsenal : « A la mémoire de Miquette. Les anciens marins reconnaissants » , une fille de joie qui débaucha des générations d’arpètes (apprentis mécaniciens
de la flotte). Tout un programme…
Blotti au coeur de la vieille ville, entièrement embelli, le cours Lafayette accueille chaque jour un marché aux accents typiquement provençaux dont la renommée n’est plus à faire. Senteurs, couleurs et saveurs vous ouvriront l’appétit : goûtez donc une part de cade, sorte de galette à base de farine de pois chiche. En bas du cours Lafayette, traversez l’avenue de la République et dirigez-vous vers les quais et le Carré du port. Le Génie de la Navigation, statue en bronze, est dédié aux grands marins et explorateurs. Non loin de là, embarquez sur une navette pour une visite commentée de la rade. Une halte au musée de la Marine est incontournable. Véritable mémoire de l’Arsenal, le site abrite une collection de vaisseaux et de galères emblématiques de la tradition maritime en Méditerranée.
Des expositions sur le thème naval sont aussi proposées à la Tour Royale, à quelques kilomètres. Edifiée au XVIe siècle, cette tour de 60 mètres de diamètre, se situe à la pointe de Pipady et servait à protéger l’entrée de la rade. Une vue exceptionnelle vous y attend sur un cadre naturel unique où il fait bon vivre. Toulon n’a décidément plus rien « d’infâme ».