Le Monde du Camping-Car

terre aux mille couleurs

- Texte et photos : Philippe Royer

Soleil, ciel azur, villages perchés, routes aux paysages enchanteur­s, le Luberon est une terre de grande quiétude où il fait bon flâner. Au détour d’un virage se dessine un monde de couleurs, fauves avec les carrières d’ocre, mauves avec les champs de lavande. Un tableau idyllique à consommer sans modération.

Le Luberon est un espace qui s’étire au sud du départemen­t du Vaucluse, avec un débordemen­t sur les Alpes de HauteProve­nce. Au nord-ouest, on aperçoit au loin la sentinelle solitaire du Mont Ventoux. Avec la création du Parc régional naturel (1977), cette terre de plaines, de falaises et de collines aux forêts denses présente des contours bien définis avec ses 77 communes et ses 170 000 habitants. Nous vous proposons un

voyage plein d’astuces pour admirer les beaux villages et quelques-unes des plus surprenant­es curiosités naturelles. Apt est le centre géographiq­ue de ce territoire, c’est la plaque tournante de l’activité économique, avec un important marché qui occupe les ruelles de la vieille ville. Il a lieu tous les samedis depuis le XIIe siècle. La vente de draps, de toiles et de bétail a laissé la place à 300 exposants où les produits de la terre (fruits, légumes, herbes, fromages, truffes...) sont omniprésen­ts. Tout le monde converge vers ce lieu qui trahit un véritable art de vivre. En 1996, il est entré dans les « 100 plus beaux marchés de France ». Certains étals sont au pied de la massive cathédrale Sainte-Anne, du XIe siècle. Elle doit sa notoriété à des reliques rapportées par des chevaliers croisés. Avec son mélange d’architectu­re romane et gothique, son dôme est couvert de cuivre et d’une sculpture de 1877 en bronze doré, oeuvre d’Elzéar Sollier, enfant du pays. Apt fut fondée au premier siècle avant J.-C. Ce fut rapidement une étape incontourn­able sur la longue Via Domitia qui reliait Rome à la péninsule ibérique. Pour les camping-cars de grand format, le camping des Cèdres est un bon choix. Il est simple mais très bien placé, à quelques minutes à pied du centre-ville. A deux kilomètres, la nouvelle aire de services du plan d’eau de la Riaille est l’autre bonne option, avec baignade en sus.

Pierre Cardin et le marquis de Sade

A 16 kilomètres au sud-ouest (D108) d’Apt, le village de Lacoste est notre première halte de charme, avec le château du marquis de Sade. Ruiné, l’énorme monument fut restauré par les bons soins de Pierre Cardin, couturier, homme d’affaires et créateur multi-facettes. On y accède par d’étroites ruelles pavées. Près des remparts une étrange statue du marquis symbolise ses écrits sulfureux. Son buste est entouré d’une cage. Le divin marquis se réfugia sur cette hauteur après avoir été plusieurs fois emprisonné et condamné à mort par contumace. Vous profiterez du grand parking paysager gratuit sur la D106, au nord du village. Non loin se dresse sur une colline haute de 425 mètres le village de Bonnieux. Là aussi, aucune fausse note

architectu­rale. Avec deux épingles à cheveux marquées, la route (D36) traverse la cité, qui fut très prospère au temps des papes en Avignon. Les parkings (des Croix et du Lot Bonnieux) sont au sommet du village. A 200 mètres à pied on peut admirer l’imposante église entourée de puissants cèdres. Plein sud, la route (D943) traverse des forêts touffues et des gorges pour découvrir les beaux villages de Lourmarin et Cucuron. Les amoureux de la baignade se rendront à l’étang artificiel de la Bonde (500 mètres de long pour 300 mètres de large), sur la commune de Cabrières-d’Aigues (grands parkings). La création de ce plan d’eau est unique puisqu’il servait à l’alimentati­on des douves du château de la Tour d’Aigues, en contrebas, grâce à un aqueduc construit au XVe siècle. Un camping offre un accès direct à l’une des plages. Dans la continuité des beaux villages, il faut revenir au nord-ouest d’Apt pour admirer Gordes. De tout temps les peuples fuyaient les envahisseu­rs et les brigands. Donc, se réfugier au sommet d’un éperon rocheux ou d’une colline était vital. Après un oppidum romain naquit cette cité médiévale, avec ses cultures en terrasses et son habitat sur des flancs escarpés. Au sommet, le château connut de multiples modificati­ons, comme toutes les places fortes. De médiéval il affiche aujourd’hui un style plus Renaissanc­e. Toujours aucune fausse note d’architectu­re dans ce village qui propose des boutiques et des hôtels haut de gamme. Un peu excentré, on peut admirer le village des Bories, ces célèbres abris de pierre ancestraux. Granges, celliers ou habitats, toutes ces bâtisses sont réalisées par empilage de pierres (dite sèches), sans aucune charpente de bois, sans joint et sans mortier. Les plus beaux exemples de cet habitat traditionn­el en pleine nature sont visibles près de Saignon, sur le plateau des Claparèdes. A quatre kilomètres au nord de Gordes, un crochet s’impose par l’abbaye de Sénanque, blottie au fond d’un vallon. Fin juin/ début juillet, le paysage se transcende avec les champs de lavande violets qui entourent cette abbaye cistercien­ne fondée au XIIe siècle. Après de multiples péripéties de l’Histoire, l’ultime survie du lieu s’opéra en 1988 avec le retour de moines de l’île de Lérins. Se garer à Gordes peut s’avérer très compliqué l’été, comme dans toute la Provence. Heureuseme­nt une belle aire de stationnem­ent pour camping-cars a été créée près de la gen

Chevalier de l’Ordre du melon

Vous êtes dans la partie occidental­e du Parc régional naturel du Luberon. Non loin (les distances sont courtes entre toutes ces cités), vous pouvez faire une pause au pays du melon dont Cavaillon est la capitale. En plus de ses 25 000 habitants, la ville revendique 300 citoyens d’honneur, les grands chevaliers de l’Ordre du Melon de Cavaillon... Grâce à une terre généreuse, cette ville propose le plus grand marché de France, avec pléthore de fruits et de légumes. De l’office du tourisme un parcours fléché permet d’atteindre le sommet de la colline Saint-Jacques en 20 minutes de marche, en empruntant les escaliers historique­s César de Bus. Sur les flancs de cette falaise se dessine une surprenant­e Via Ferrata, avec deux itinéraire­s, facile et pour experts. Le parcours le plus sportif présente un étonnant passage sous le toit d’une grotte et un cheminemen­t rare dans un étroit boyau rocheux horizontal de 10 mètres de long. Pour rester dans le domaine du plein air et du sport, le Lubéron offre deux balades d’exception sur son territoire. La plus facile est à trois kilomètres au nord de Forcalquie­r, sur la D12, avec les Mourres. De part et d’autre de la route se dessinent de grandes étendues à la courte végétation. Ici les pierriers et le minéral dominent, avec d’étonnantes excroissan­ces rocheuses tels des champignon­s géants. Un panneau d’informatio­ns et des sentiers balisés très faciles permettent de découvrir ce monde insolite qui ravira les photograph­es. Près du village d’Oppedette, une randonnée plus tonique permet de découvrir de belles gorges, avec un sentier en balcon qui file dans un petit canyon avec une échelle dans une cavité rocheuse. Un sentier escarpé permet de revenir au village. L’ensemble se réalise en 2h30, soit 6 kilomètres de marche avec 200 m de dénivelé.

L’ocre, couleur locale

Formes étranges, couleurs fauves et chaudes, paysages alliant minerai et végétal, les ocres du Luberon sont la déroutante curiosité de cette Provence de charme. Connu depuis l’Antiquité ce minerai était exploité comme enduit pour diverses constructi­ons, dans la cosmétique, l’alimentati­on et dans l’art. La petite production actuelle se recentre sur ce dernier volet artistique. La première phase d’extraction était obtenue par érosion, grâce à de puissants jets, d’où ces carrières gigantesqu­es qui arborent une palette de couleurs où le jaune, le rouge et le blanc dominent. Le plus fort de l’activité fut au début du XXe siècle. Trois sites principaux et totalement différents d’aspect sont bien répertorié­s au nord d’Apt. Il y a 40 ans il fallait avoir le nez fin pour les découvrir. Aujourd’hui la majorité sont payants, clôturés, mais heureuseme­nt toujours aussi flamboyant­s. Le curieux trouvera des ailleurs, comme près du village de Villars. Le Colorado Provençal (entrée payante) est le site le plus vaste, près du village de Rustrel. Le parking est vaste et plusieurs circuits pédestres parcourent ce méandre de cheminées de fées, de

canyons, de dunes et petites forêts de chênes verts. Pour les amoureux de la nature ce lieu est magique. A 5 kilomètres au nord-ouest d’Apt, il est possible de visiter les dernières mines d’ocre qui furent en activité. Ce sont celles de Bruoux, près du village de Gargas. Le site est payant car il a été aménagé, consolidé et possède un éclairage très pertinent qui met en valeur les teintes du minéral. L’ocre récupéré en galerie était plus pur que celui de la surface. Au début, tout se faisait à la pelle et la pioche et la production partait à dos de mulets pour l’exportatio­n. Une quarantain­e de kilomètres de galeries ont été creusées de 1880 à 1950. Aujourd’hui, seules 650 mètres sont ouvertes au public, avec des voûtes de 10 à 15 mètres de haut. Au fond de ce labyrinthe la températur­e n’est que de 10 degrés. Les groupes, casqués, sont limités à 25 personnes. De ce fait, en juillet et août il faut impérative­ment réserver. Si vous voulez avoir une vision plus sauvage du site, il faut vous rendre au fond du parking. Un sentier très discret mène à de petites galeries abandonnée­s. C’est un très bon terrain de jeu pour le photograph­e, loin des foules. Le troisième site (payant) est à 100 mètres du centre du village de Roussillon, avec le Sentier des Ocres. C’est le lieu magique le plus rapide d’accès, avec sa Chaussée des Géants. Là, l’ocre prend de l’altitude, avec de belles falaises où des pins solitaires jouent les équilibris­tes. Contemplat­ifs, peintres et photograph­es ne se lasseront pas de cette déferlante de couleurs et de formes. De ce site on aperçoit les façades chaudes et colorées du village de Roussillon, considéré par l’auteur de cet article… comme le plus beau village de France. La montée vers les hauteurs de la cité est un régal permanent. Les autochtone­s cultivent l’art de la belle mise en scène. On passe sous le campanile, avec la proximité de volets bleus et de lierre, pour aller vers l’ église Saint-Michel, du XIIe siècle. Du belvédère on admire les ocres dans une version plus aérienne. Plus bas dans le village, des portes anciennes sont peintes ou arborent des scènes de la vie, comme un barman et un lecteur du journal local. Les gourmands flâneront dans l’épicerie fine : la Maison Brémond, fondée en 1830 à Aix-enProvence. Dans cette caverne d’Ali Baba sont regroupés les meilleurs produits de la région. Ici les camping-cars sont les bienvenus, avec le parking Saint-Joseph à 500 mètres au sud du village, au croisement des routes D149 et D104. Ceux qui sont envoûtés par cette atmosphère des ocres iront au Conservato­ire des Ocres, en contrebas du village (nord-est), pour admirer les vestiges d’une ancienne usine avec son écomusée et sa bibliothèq­ue, où sont proposés vente de poudre d’ocre et stages de peinture. La Provence possède un trésor, il est au coeur du Luberon.

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 ??  ?? L’incontourn­able et magnifique village de Roussillon, avec toutes ses façades couvertes d’ocre aux tons fauves.
L’incontourn­able et magnifique village de Roussillon, avec toutes ses façades couvertes d’ocre aux tons fauves.
 ??  ?? Au coeur du village de Gordes est proposée la vente de lavandin (une variété de lavande) et de légumes locaux.
Au coeur du village de Gordes est proposée la vente de lavandin (une variété de lavande) et de légumes locaux.
 ??  ?? La massive cathédrale d’Apt du XIe siècle et son dôme de cuivre.
La massive cathédrale d’Apt du XIe siècle et son dôme de cuivre.
 ??  ?? Une fontaine au centre du village très chic de Gordes.
Une fontaine au centre du village très chic de Gordes.
 ??  ?? L’étang de la Bonde, au sud du Luberon. Ce plan d’eau artificiel alimentait les douves du château de la Tour d’Aigues.
L’étang de la Bonde, au sud du Luberon. Ce plan d’eau artificiel alimentait les douves du château de la Tour d’Aigues.
 ??  ?? Campanile et tuiles anciennes dans le haut du village de Lacoste. Juste au dessus, à côté du château se dresse l’original buste du marquis de Sade.
Campanile et tuiles anciennes dans le haut du village de Lacoste. Juste au dessus, à côté du château se dresse l’original buste du marquis de Sade.
 ??  ?? Borie traditionn­elle de pierres sèches (aucun mortier), empilées avec un extrême savoir-faire, au milieu des arbres fruitiers.
Borie traditionn­elle de pierres sèches (aucun mortier), empilées avec un extrême savoir-faire, au milieu des arbres fruitiers.
 ??  ?? L’abbaye de Sénanque au milieu des champs de lavande fleuris en début juillet.
L’abbaye de Sénanque au milieu des champs de lavande fleuris en début juillet.
 ??  ?? darmerie, dans l’ultime lacet de la D15, sous le village, sur la route de Cavaillon.
darmerie, dans l’ultime lacet de la D15, sous le village, sur la route de Cavaillon.
 ??  ?? La Via Ferrata de Cavaillon au-dessus de la ville avec des passages aériens et un cheminemen­t surprenant dans un étroit boyau.
La Via Ferrata de Cavaillon au-dessus de la ville avec des passages aériens et un cheminemen­t surprenant dans un étroit boyau.
 ??  ?? Le vaste territoire des anciennes carrières d’ocre du Colorado Provençal, près du village de Rustel. Un lieu idyllique pour la balade.
Le vaste territoire des anciennes carrières d’ocre du Colorado Provençal, près du village de Rustel. Un lieu idyllique pour la balade.
 ??  ?? Le marché très coloré du village de Roussillon rassemble tous les jeudis matin de petits producteur­s.
Le marché très coloré du village de Roussillon rassemble tous les jeudis matin de petits producteur­s.
 ??  ?? Les tours de calcaire des Mourres de Forcalquie­r, avec leurs sentiers faciles.
Les tours de calcaire des Mourres de Forcalquie­r, avec leurs sentiers faciles.
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