Bastides, vignobles, pastel et briques rouges
Des bastides aux briques rouges au pastel du « pays de cocagne » en passant par le vert des vignobles de Gaillac, le Tarn dévoile une extraordinaire palette de couleurs, mises en lumière par l’éclatant soleil du sud.
Débutez notre itinéraire tarnais par l’ouest. A une trentaine de kilomètres de Toulouse, via l’A68, vous voici à l’orée du vignoble de Gaillac. Sur les chemins de traverse que vous emprunterez, la D6630 vous conduit à Saint-Sulpice-la-Pointe. Cette mystérieuse cité, créée en 1241, sera la première bastide albigeoise que vous découvrirez.
De bastide en bastide, en longeant la vallée du Tarn, vous voici à Rabastens. La brique et la tuile règnent sans partage. Vous serez séduits par le charme des vieilles rues et des remparts de ce village fondé au XIIIe siècle, comme par la singulière beauté de l’église Notre-Dame du Bourg. Votre route bucolique vous conduira à Lisle-sur-Tarn. Cette bastideport, unique en son genre, plaît avec sa place aux arcades, ses « pountets » du XVIe siècle qui enjambent les rues, ses façades à colombages et encorbellements, et son joli marché du dimanche matin.
Au coeur de ce circuit des bastides et de son vignoble dont les vignes courent le long de la rivière, Gaillac fut d’abord un port. Vos pas vous mèneront au quartier des mariniers, quai Saint-Jacques, d’où partaient les fûts de vin, comme dans la Portanelle où les gabarres débarquaient les marchandises de « remonte » venues d’Aquitaine. Cultivé depuis l’Antiquité, le vignoble de Gaillac est l’un des plus vieux de France. Ce sont les moines bénédictins de l’abbaye Saint-Michel qui donnèrent ses lettres de noblesse à ce nectar, apprécié des cours de France et d’Angleterre. En 1938, le vignoble gaillacois fut l’un des premiers à obtenir l’Appellation d’Origine Contrôlée. Le vin de Gaillac se décline en rouge, blanc ou rosé, qu’il faut découvrir à la Maison du Vin, située dans les bâtiments abbatiaux (où l’on trouve également l’Office de Tourisme et le musée de l’Abbaye). Ou mieux, en allant directement le déguster chez les vignerons. Dans une campagne vallonnée,
vous prenez de plus en plus de hauteur pour grimper jusqu’à Cordes-sur-Ciel. Fondée en 1222, cette « ville nouvelle » avait pour vocation de reloger les populations qui avaient tout perdu lors de la croisade des Albigeois. C’est la première des 48 bastides albigeoises. C’est aussi la plus visitée. Ses remparts et ses venelles escarpées, ses façades ouvragées, ses portes massives qui cachent des jardins secrets, sa place de la Halle ont depuis des générations enchanté des artistes célèbres, des ar tisans réputés comme de simples visiteurs, ravis de « fousiquer » (fureter en occitan) dans ce décor d’un autre âge. Parfois appelée la ville « rouge » pour l es couleurs v ives des briques de ses bâtiments, Albi vaut le voyage à elle seule. On aime la douceur de vivre de la cité épiscopale, la richesse de son patrimoine et la qualité de ses boutiques et restaurants. En « fousiquant » dans les ruelles étroites du pittoresque quartier de Castelnau comme dans les placettes médiévales du Castelviel, vous allez saisir toute la signification du mot occitan « espanté » : en prendre plein les yeux ! L’imposante cathédrale SainteCécile (la plus grande cathédrale en brique au monde) domine cet ensemble harmonieux et semble veiller sur la cité, inscrite depuis 2010 au Patrimoine mondial de l’Unesco. Juste à côté, le palais de la Berbie, bâti au XIIIe siècle, fut l’ancienne résidence des évêques. Dans ce somptueux édifice gothique est exposée la plus importante collection publique au monde d’oeuvres d’Henri de Toulouse-Lautrec, l’enfant du pays (né à Albi en 1864). A quelques pas de la cathédrale, dans le quartier Saint-Julien, les gourmands ne manqueront pas d’aller faire un tour au marché couvert. Cap au sud maintenant, en direction de Réalmont, bastide royale qui se distingue tant par sa place à arcades que son marché du mercredi matin. Plus au sud, Lautrec est une de nos étapes préférées. Berceau de la famille Toulouse-Lautrec, ce village de carte postale charme par son ambiance intemporelle, avec ses ruelles aux maisons à pans de bois et encorbellement. Lautrec doit sa renommée à la production d’ail rose labellisé qui fait du village un des « Sites Remarquables du Goût ». Et dans ce « Pays de Cocagne », ne manquez pas une visite à « La Ferme au village ». C’est le nom de la boutique de Françoise Sorrel, qui perpétue la fabrication traditionnelle du pastel. Cap au sud du département, pour une escale à Sorrèze. Lovée sur les contreforts de la montagne Noire, Sorrèze a le double privilège d’avoir une abbaye bénédictine (fondée au VIIIe siècle) et une Ecole royale militaire (créée en 1776). Très réputé, l’établissement scolaire accueillit durant plus de deux cents ans des générations de pensionnaires, dont Hugues Auffray, Claude Nougaro ou Julien Lepers. L’école fut fermée en 1991. Aujourd’hui les bâtiments de l’Abbaye-école sont ouverts à la visite. Les salles de classe et de réception, les dortoirs des élèves sont restitués dans une ambiance empreinte de sensibilité. Une immersion à coupler avec la visite du Musée Dom Robert et de la tapisserie du XXe siècle. Un régal pour les yeux !