Dordogne : deux Périgords hauts en couleur
Le Périgord a quatre couleurs. Le Noir au sud-est et Sarlat, le Pourpre au sud-ouest et Bergerac. Mais c’est le Blanc, au centre avec Périgueux, et le Vert au nord avec Brantôme, vers lesquels nous nous dirigerons. Deux destinations superbes pour les camping-caristes, agrémentées de petites routes, de lieux méconnus à dénicher dans une campagne enchanteresse.
Direction Périgueux, cité emblématique du Périgord… Blanc. Car ici, au centre du département de l a Dordogne, le blanc du calcaire colorise le bâti, dont la cathédrale SaintFront. Vous découvrez cet incontournable édifice avec un guide à la hauteur : Martine Balout, responsable du service « ville d’art et d’histoire ». Pour la rejoindre dans la ville haute, calez votre camping-car… en bas. Sur les rives de l’Isle, au 37 de la rue des Prés. Un bel espace aménagé vous y attend, avec un accès
direct à la voie verte, à proximité de la cité historique. « On la surnomme la ville aux sept collines. À l’image de Rome ! Mais elle est avant tout la capitale du Périgord. Je peux vous énumérer des célébrités qui lui sont associées : le caricaturiste Sem, l’architecte Jean Nouvel, Jean-Paul Gaultier, Georges Dambier, photographe de stars, Henri Amouroux, Joan-Pau Verdier, le chanteur… Mais il est certain que le personnage le plus populaire, ici, comme ailleurs dans le Périgord, c’est Jacquou Le Croquant et notre Jacquou de la TV, Éric Damain. » Périgueux, c’est aussi les balades aux flambeaux l’été, les rondes de nuit au bord de l’eau… « Et maintenant nous allons sur les toits de la cathédrale. Le clou de la visite. » Un parcours aménagé d’escaliers, passerelles et coursives permet en effet de déambuler en toute sécurité dans un périmètre jusque-là interdit au commun des mortels. Le moment est unique. Une visite appropriée pour prendre de l’altitude et admirer ce qui fait l’une des caractéristiques de ce bâtiment : sa couverture en pierre de taille à écailles inversées.
Ambassadeur des saveurs
Dans la ville, à pied, voyez l’eschif de Creyssac, poste de guet à colombage, posé miraculeusement sur son étroit socle de pierre. On y surveillait le pont tout proche. Passez par la tour du temple de Vésone, le muséesite gallo-romain Vesunnales, dans les rues de l’Aubergerie, Séguier, Saint-Roch, sur les places de Navarre, de la Clautre, du Coderc
centre politique de la cité moyenâgeuse, et la jolie place arborée Saint-Silain… C’était la place aux truffes ! Et là, à « l’Espace du Sixième Sens », vous faites la connaissance de Francis Delpey, ambassadeur haut en couleur des saveurs périgourdines, tout à la fois traiteur, cafetier, restaurateur, épicier. Il vous fera partager son appétit pour la gourmandise. Ce jour-là il avait mitonné une omelette aux girolles, très parfumée, dont les effluves sont encore dans les mémoires ! Sorti de Périgueux, le paysage prend des allures très campagnardes. Et quitte à passer l’après-midi ou la soirée sous les frondaisons des arbres, pourquoi ne pas bivouaquer, à Merlande ? Le rapport entre Périgueux et Merlande ? Nous sommes au XIIe siècle. L’évêque de Périgueux fait don à l’abbaye de Chancelade de terres situées à La Chapelle-Gonaguet, au lieu-dit Merlande. Une chapelle y est bâtie, transformée en monastère, le tout placé sous l’autorité d’un prieur. Vous êtes à 12 km au nordouest de la grande ville. Votre camping-car arrive dans un endroit improbable, très boisé, superbe ! Et cependant, dans ce lieu si calme, les guerres entre catholiques et protestants feront des ravages. Sans parler de la Révolution qui donna un coup d’arrêt à la pratique religieuse. Le Périgord sorti de ses sentiers rebattus, tels Sarlat ou La Roque-Gageac… dissimule donc bien son jeu ! Ainsi, Montagrier dans le Périgord Vert, du Val de Dronne.
Au 134 Moulin du Pont, sur la commune de Tocane-Saint-Apre, voici l’endroit parfait pour dîner, passer la nuit dans son camping-car. Le parking en retrait de la D103 est grand, calme et proche de la Maison de la Dronne. Seule la rivière qui contourne îles et îlots se fait entendre. Elle est suffisamment vigoureuse pour fournir, au XIIe siècle, l’énergie nécessaire au fonctionnement d’un moulin à farine – une roue à aubes fonctionne toujours. Équipé d’un large déversoir, reconverti en usine hydroélectrique, il est devenu un centre pédagogique, avec des animations, des expositions. Vous êtes à une grosse demiheure de Brantôme-en-Périgord – c’est son nom complet – par la D78. Brantôme-en-Périgord… Au nord de la Dordogne, la localité se blottit dans un coude de la Dronne. Elle est posée sur une île reliée à la terre par trois ponts routiers, un piéton et une passerelle. Le tout planté au pied de falaises calcaires. L’histoire de Brantôme est liée à l’exploitation des carrières et de la pierre calcaire dont l’extraction prit fin en 1947. Le parking municipal utilisé par les employés communaux est lui-même une ancienne carrière. Nous sommes derrière l’abbaye, aujourd’hui la mairie. Certes vous serez happé par la façade de cet imposant bâtiment. Auparavant vous aurez choisi l’aire de camping-car chemin du Vert Galant, vaste et bien agencée avec ses petites haies, pour y poser votre véhicule. À pied, vous traversez le parc, empruntez le « pont Coude » pour accéder à l’esplanade de l’abbaye St-Pierre de Brantôme (XIe,
XIIIe, XIVe et XVIIIe siècles) coiffée de son clocher, le plus vieux campanile de France avec ses deux cloches : St-Sicaire, 2 tonnes, et St-Pierre, 1,2 tonne. Sur son esplanade, côté rivière, on flâne, on admire, on photographie, on pêche ! Mais « c’est dans les “trailles ” de ces falaises que la ville dissimule ses mystères », nous révèle Guy Benfield.
Dans les entrailles de la falaise
Anglais, il est tombé amoureux du Périgord ! « Venez je vais vous montrer. » Nous passons derrière l’abbaye, franchissons une grille et là… « Des moines ont habité ici. Ils occupaient ces cavités, ces galeries. Et si vous levez la tête vous voyez tous ces trous, carrés. Ce sont des pigeonniers. Les religieux faisaient voeu de chasteté. Il leur était interdit de manger de la viande rouge, mais pas de la viande blanche, comme celle des pigeons. Autrefois, il y avait des plaques de bois pour l’atterrissage des volatiles. Elles ont été bouffées par la fiente que récupéraient les moines. Ils la mélangeaient à la tourbe et la vendaient comme engrais. Excellent. Et regardez ici… On l’appelle la grotte du jugement dernier. À droite, le basrelief de la crucifixion. Quant à celui du centre, c’est un mystère ! Cet endroit était sans doute un lieu de prière. » Guy connaît Brantôme sur le bout des doigts et les anecdotes qui vont avec. Ainsi, le Périgord n’en finit pas de faire son cinéma : « L’équipe de tournage de “Jappeloup ” est passée par Brantôme. Le dîner entre Guillaume Canet et Marina Hands fut tourné au Moulin de l’Abbaye, étoilé au Michelin. » La gastronomie aussi fait son cinéma, avec le marché aux truffes, installé l’hiver dans l’office de tourisme. Et puisqu’on parle de cuisine, direction Mareuil-en-Périgord et le moulin de Chabaudias, celui de Carine Reijasse et Alain Léguillon. Leur filet de truite fumée est à tomber ! Car leur spécialité c’est la pisciculture. Mais attention ! Ici, le respect pour la vie aquatique passe avant le rendement. Élevage biologique, pas de traitement, et des poissons bien portants qui profitent des nourritures de la rivière, détournée par un bief. Bref une petite production, mais de grande qualité. Au laboratoire Corinne fume le poisson – en moyenne 12 h – à basse température : « Ainsi, il conserve son goût subtil du fumage… » , dit Alain. « Merveilleux à l’apéritif ! Et si vous le trouvez au marché de Mareuil, vous pouvez surtout l’acheter sur place. »
La Mariegoule
De Mareuil, à peine 10 mn vous séparent du « plateau d’Argentine ». Le plateau, 100 ha, connu des botanistes, sert d’aérodrome. « Ici, la flore est riche, donc la faune très variée. Une trentaine d’espèces au mètre carré, au milieu desquelles se faufilent des lézards ocellés. » Ainsi s’exprime Cedric Devilleger, animateur Natura 2000 du plateau. « Par contre, sous le plateau, c’est un vrai gruyère de calcaire. Je conseille à vos lecteurs de faire le plateau le matin et les carrières l’après-midi. L’été, la chaleur est considérable, et les carrières gardent la fraîcheur ! » Et c’est vrai qu’il fait frais dans ces immenses cavités révélées grâce à un parcours fléché. En parlant de fraîche, c’est au petit
matin que nous accueille dans sa châtaigneraie Denis Bourgin ! « Il existe 80 variétés de châtaignes en Dordogne. J’en cultive 17 ! Elles ont de jolis noms. La Mariegoule, la plus connue. Dodue, elle s’épluche bien. Elle est parfaite pour la crème de marrons… Il y a aussi la Bournette, la Bourru, la Bouche de Betizac. » Denis Bourgin est un passionné. Vous le trouvez dans son atelier « Châtaignes Gourmandes », rue du château à Varaignes, un « Beau » village. Un vrai village. Pas un « truc » sous cloche, à touristes, non ! Et vous savez quoi ? La municipalité tolère les camping-cars qui s’installent place d’Alsace, au pied de l’église ! Certes, au mois de juin des volées de martinets animent le bourg et son château. Une superbe bâtisse avec ses tours carrées, sa cour intérieure d’inspiration Renaissance et son musée dédié au tissage et à la fabrication des charentaises de Nontron. Soit dit en passant, le Périgord a encore fait son cinéma dans la boutique, choisie pour y tourner une scène de « Nos jours heureux » avec Jean-Paul Rouve, Omar Sy… Le cinéma n’en finit pas d’être à l’honneur dans ce Périgord Vert. Ainsi, au château de Puyguilhem, « Seul et unique château de Renaissance en Périgord » , me précise Arsène Erhard, son responsable.
Arsène Lupin, Le Pacte des Loups…
« Sa construction fut commanditée par Mondot de La Marthonie, un proche de François 1er. Mondot sera empoisonné. Mais son frère Gaston poursuivra la construction. Une 2e période, très Renaissance. » Il servit de décor à la série « Arsène Lupin », et sa cave au « Pacte des Loups ». « Le Pacte des Loups » encore, où, dans le château de Jumilhac-leGrand fut tourné le mémorable dîner de « la truite velue ». La truite… Luc Dessaint la connaît bien, lui qui arbore son bel écusson de tissu cousu sur la manche de sa chemise, brodé d’un drapeau bleu blanc rouge, signe officiel de sa compétence de « moniteur de la fédération de la pêche à la mouche et au lancer ». Super sympathique, il vous organise un pique-nique, vous mène sur les bords de l’Auvézère et vous apprend à taquiner la truite. La découverte des gorges de cette rivière est un grand moment de votre séjour : un nouveau sentier sur ses rives a été aménagé, sans en dénaturer l’aspect sauvage. Clou de ces installations, deux passerelles qui, étant donné la configuration du terrain, ont carrément été hélitreuillées par hélicoptère. Amis pêcheurs, sachez qu’à cet endroit, le parcours est de « graciation » obligatoire, entendez no kill. Aux forges de Savignac Lédrier – elle se visite toute l’année – vous posez votre véhicule pour déjeuner, dîner, voire dormir : le site improbable est doté d’un parking pour les camping-cars. Votre périple prend fin à Sorges. Vous trouverez là « LE » temple de la truffe, écomusée et maison des villages truffiers. Nous sommes en Périgord Blanc, tout ce qu’il y a de plus Blanc. Les clichés ont donc la vie dure : je, tu, il, nous croyons tous que la truffe est associée au Périgord noir. Erreur ! Car c’est à Sorges que se déroule l’un des plus importants marchés, vrai, de la truffe. Et c’est encore à Sorges que furent trouvées deux très belles truffes, la première 1,147 kg et la deuxième, sur le site de l‘écomusée, 647 grammes. Nous vous l’avions bien dit que ce Périgord Blanc et Vert pèsera lourd dans le choix de votre future destination estivale. À bon entendeur. Adiou !
Remerciements Un grand merci à toute l’équipe de Dordogne-Périgord tourisme.