Le Nouvel Économiste

Trésor de guerre djihadiste

Frapper Daech au portefeuil­le plus que jamais d’actualité

- SAM JONES & GUY CHAZAN LONDRES, ERIKA SOLOMON BEYROUTH, FT

Une année de bombardeme­nts, plus de 10 600 frappes et une coalition de plus de soixante pays, ne sont pas parvenues à réduire de façon notable le trésor de gguerre de l’organisati­ong État islamique. Les revenus tirés du pétrole, sa principale ressource, atteindrai­ent 500 millions de dollars par an. Les chiffres de production communiqué­s par des ouvriers sur les champs pétrolifèr­es, croisés avec les estimation­s des services secrets occidentau­x, indiquent que de 34 000 à 40 000 barils par jour sont produits sur les territoire­s contrôlés par Daech, ce qui génère jusqu’à 1,5 million de dollars par jour. Lors d’un étonnant aveu d’échec de la guerre menée par les États-Unis contre Daech, de hauts diplomates occidentau­x et des représenta­nts des services secrets ont communiqué, à propos d’une récente évaluation de la puissance financière des jihadistes, que l’objectif de réduire leurs ressources de façon à freiner leurs opérations est toujours à l’ordre du jour. Cette informatio­n est corroborée par des dizaines d’entretiens du FT avec des personnes impliquées dans la chaîne de production de revenus pour Daech, en Syrie et en Irak. Les revenus du pétrole excèdent ses autres sources de revenus, telles que taxes, extorsions et commerce d’objets d’art volés dans les sites archéologi­ques. Des membres haut placés de la coalition, en Europe, au Moyen-Orient et à Washington, reconnaiss­ent que l’organisati­on s’est adaptée aux frappes aériennes et poursuit ses activités de négoce dans la plus totale impunité, siphonnant des millions de dollars dans les puits de pétrole comme s’il s’agissait d’une compagnie nationale du pétrole. “Cette année, nous avons calculé qu’ils ont généré quarante millions de dollars (avec le pétrole) en l’espace de seulement un mois” a reconnu un officiel américain. “Et cela, même après les frappes aériennes.” La résilience du négoce de pétrole de Daech, sous les bombardeme­nts qui ont ciblé à répétition ses raffinerie­s et oléoducs, souligne le challenge auquel font face ses adversaire­s dans leur mission pour le déloger du pouvoir. Nous sommes loin du succès qque les États-Unis et ses alliés avaient obtenu pour saper la puissance financière d’al-Qaïda après les attentats du 11 septembre. Contrairem­ent à son rival, Daech peut lever la plus grande partie de l’argent dont il a besoin à l’intérieur de ses frontières et ne dépend pas de transferts occultes de fonds depuis l’étranger. Le pétrole est désormais raffiné dans des centaines de petites installati­ons de fortune, selon des habitants vivant à proximité des puits de pétrole en Syrie, et dans certains cas, il est tout simplement brûlé dans des fosses à ciel ouvert. “Nous n’avons pas réduit leurs revenus du pétrole autant que nous l’espérions” dit un officiel européen du Renseignem­ent. “Ils ont été en mesure de réparer tout ce que nous avons endommagés.” Parmi les dizaines d’infrastruc­tures restantes, beaucoup fonctionne­nt avec des ouvriers locaux sans affiliatio­n au groupe terroriste. Les chauffeurs qui conduisent les camions de brut et de pétrole raffiné à travers les territoire­s occupés par Daech (et dont les convois sont souvent visibles d’avion) n’en font pas nécessaire­ment partie, ce qui place les militaires face à un dilemme. “On ne peut pas distinguer le réseau de transport [du pétrole] des autres camions normaux, selon un diplomate occidental. Donc nous ne pouvons pas les bombarder.” “Vous tuez le chauffeur, vous produisez une famille de djihadiste­s, expliquetV­ous courrez le risque de radicalise­r la population.” Interrompr­e le flux de pétrole traversant les frontières des territoire­s où se trouve Daech a eu un effet limité. Il y a toujours l’énorme marché intérieur et il en détient le monopole. “Ils font un monstrueux paquet d’argent en interne” selon cet officiel américain. Parmi les options retenues par la coalition : fournir du pétrole moins cher aux groupes non-daech en Syrie, ou inonder le marché nord-irakien de pétrole brut à bas prix pour court-circuiter les jihadistes. Les diplomates et les services de renseignem­ent européens sont certains que les finances de l’EI atteindron­t un “point critique”. Mais la question du “quand” reste posée. “Il y a un an, nous espérions que ce serait plus ou moins en ce moment” répond l’officier du renseignem­ent. “Mais nous avons réajusté nos prévisions. Ils sont toujours en aussi bonne position. Ils possèdent toujours également une grande réserve résiduelle et de cash.”

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