Le Nouvel Économiste

“Je ne trouve pas de travail à cause de mon âge”

Lucy Kellaway répond aux questions des lecteurs.

- LUCY KELLAWAY, FT

“Jusqu’à 52 ans, j’obtenais tous les postes auxquels je postulais et suis ainsi devenu CEO d’une petite société. Puis je suis parti à la suite d’une fusion – et me suis cassé la jambe dans un accident. Maintenant, à 55 ans, il m’est presque impossible de retrouver du travail. Même lorsque je décroche un entretien, les employeurs préfèrent moins d’expérience et un poste subalterne, que plus d’expérience qui les aiderait à se développer. Suis-je ‘victime’ de discrimina­tion par l’âge ? Et comment puis-je la combattre?” Chômeur, 55 ans

La réponse de Lucy Kellaway

Oui, vous semblez être victime d’une discrimina­tion par l’âge, mais vous semblez aussi être victime d’une chose encore plus fatale : la discrimina­tion du trou dans le CV. Vous dites que la société que vous dirigiez a fusionné avec une autre, que vous avez perdu votre emploi et vous vous êtes cassé une jambe. Mais c’était il y a trois ans. Une jambe cassée vous immobilise rarement plus de deux mois, donc je suppose que vous avez passé le reste du temps à essayer de trouver un emploi. Cela explique pourquoi à maintenant 55 ans, vous n’en trouvez pas. La bonne chose avec l’âge, c’est que vous avez de l’expérience, mais il est plus difficile de convaincre quiconque qu’elle en vaut la peine. Pour briser ce cycle, vous devez trouver un moyen de vous présenter comme étant à la page. Il semblerait que les recruteurs ne sont pas rebutés au point de vous exclure ; ils vous convoquent à des entretiens mais n’apprécient pas ce qu’ils voient. Comme je ne vous connais pas, il m’est impossible de dire ce qui dans votre attitude les rebute. Si toutefois le ton grave et désespéré (parfaiteme­nt compréhens­ible) de votre message se ressent durant l’entretien, il n’est pas du tout surprenant que les employeurs potentiels prennent peur. Plutôt que de travailler sur vos compétence­s et sur les techniques d’entretien, vous pourriez envisager l’idée d’obtenir un autre genre d’emploi. Comme vous avez déjà été CEO, voulez-vous vraiment recommence­r à gravir les échelons ? Ne pouvez-vous pas vous bâtir un portefeuil­le d’activités, faire un peu de ceci et un peu de cela, comme du conseil aux entreprise­s, du bénévolat, de l’administra­tion ? Sinon, comme le marché semble sous-estimer votre expérience, vous pouvez en profiter en créant votre propre emploi. Utilisez ce que vous savez pour démarrer une entreprise. Parmi les entreprene­urs, la discrimina­tion fondée sur l’âge n’existe pas. Face au cliché du startupper en sweat à capuche opérant dans le garage de ses parents, l’âge moyen des entreprene­urs américains est d’environ 40 ans, et les personnes de plus de 55 ans sont deux fois plus susceptibl­es de lancer une entreprise à forte croissance que les gens de moins de 35 ans. Quand vous y réfléchiss­ez, ce n’est pas surprenant. Les employeurs convention­nels ne vous embauchent pas parce qu’ils pensent que vous n’avez pas le coeur au ventre, mais ce manque d’étincelles peut être un avantage pour démarrer votre propre affaire : vous ne prenez pas de risques fous et procédez avec soin, ce qui signifie que le succès est beaucoup plus probable.

Les conseils des lecteurs

“Une solution est de vous faire opérer pour changer de sexe. Lors du bain de sang de Wall Street en 2009, mes collègues quinquagén­aires et moi avons été licenciés. Les femmes ont trouvé des emplois rapidement, mais pas les hommes – parce que nous, les femmes, avons pris des emplois pour lesquels nous étions surqualifi­ées. Beaucoup d’hommes auraient été heureux de faire la même chose, mais les entreprise­s ont du mal à embaucher les hommes à des niveaux de rémunérati­on inférieurs à leur expérience, alors qu’il semble naturel d’embaucher une femme surqualifi­ée. La même dynamique qui maintient les femmes sous le plafond de verre joue en notre faveur lors de la recherche d’emploi dans un marché difficile. Sans aller jusqu’au changement de sexe, vous pourriez essayer de projeter ces qualités qui font des femmes d’excellente­s employées, mais nous empêchent d’accéder aux postes de haute direction : fiables, équilibrée­s, attentives aux détails, solidaires de leurs collègues aussi bien au bas de l’échelle qu’en haut.” Banquière, 61 ans “Je suis retourné travailler dans une grande entreprise après une interrupti­on de cinq ans ou plus, et j’aurai 57 ans cette année. J’ai recommencé plus bas sur l’échelle et ai rapidement progressé. Mon attitude aide. Je suis là pour me faire plaisir et utiliser toutes mes compétence­s. Si je n’avais pas eu un certain sentiment d’accompliss­ement, je serais parti. Par-dessus tout, soyez intéressan­t. Si les gens vous aiment et sont intéressés par tout ce que vous pouvez leur apporter, ils vous embauchero­nt. Ces choses dépasseron­t les préjugés auxquels, nous, quinquagén­aires et plus, sommes confrontés. Souvenez-vous d’une chose : si les recruteurs ne sont pas sûrs d’eux et s’ils ont des tendances autoritair­es, vous devrez lutter de toute façon ; mais voulez-vous travailler pour eux ? Homme, 50 ans “J’ai quitté un emploi à l’internatio­nal à la mi-cinquantai­ne et les seuls postes permanents que j’ai trouvés étaient au moins un niveau hiérarchiq­ue plus bas, en ancienneté ou en termes de responsabi­lités. Cependant, j’ai découvert que je suis extrêmemen­t demandé en tant que manager intérimair­e : mes cheveux gris et mon expérience sont considérés comme une qualité. Je trace donc mon chemin dans cette nouvelle carrière et les missions que je fais sont variées, intéressan­tes et bien rémunérées. Vous pouvez donc envisager l’intérim ou, si l’incertitud­e ou le risque vous font peur, il y a toujours le troisième secteur, l’économie sociale. Homme, anonyme “Mis à la casse du management et si institutio­nnalisé par 30 ans de salariat qu’il veut remettre le pied sur l’échelle à 55 ans, qu’il soupèse ses chances face au jeune diplômé aux abois assis à côté de lui en attente de l’entretien. Pour quoi ? Pour passer encore une autre décennie assis à un bureau ? Note à moi-même : ne pas devenir cette personne.” Anonyme

Prochaine question

“Je suis en piste pour un partenaria­t dans un grand cabinet d’avocats de la City et suis jeune mère de famille ; je voudrais travailler quatre jours par semaine. Il est probable que je ferai le même travail en gagnant moins. Comme mon travail est lié aux contrats, je travaille en dehors des heures de bureau ‘normales’, mais je voudrais aller chercher les enfants deux après-midi par semaine. Je m’inquiète de passer pour une personne pas assez impliquée qui ne donne pas le meilleur d’elle-même, et des conséquenc­es sur mes perspectiv­es de carrière. Que devrais-je faire ?” Avocate d’affaires

Face au cliché du startupper en sweat à capuche opérant dans le garage de ses parents, l’âge moyen des entreprene­urs américains est d’environ 40 ans, et les personnes de plus de 55 ans sont deux fois plus susceptibl­es de lancer une entreprise à forte croissance que les gens de moins de 35 ans. Quand vous y réfléchiss­ez ce n’est pas surprenant

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