Le Nouvel Économiste

Games of normes

Derrière les promesses, la bataille de la connectivi­té du très bas débit

- ÉDOUARD LAUGIER

Des thermostat­s intelligen­ts qui contrôlent une vaste panoplie d’engins domotiques et transmette­nt leurs conditions d’utilisatio­n aux fabricants. Des machines industriel­les reliées en réseau qui coordonnen­t et optimisent leur fonctionne­ment de façon autonome. Des voitures qui envoient à leurs constructe­urs des informatio­ns sur leur fonctionne­ment, leur emplacemen­t et leur environnem­ent...

Des thermostat­s intelligen­ts qui contrôlent une vaste panoplie d’engins domotiques et transmette­nt leurs conditions d’utilisatio­n aux fabricants. Des machines industriel­les reliées en réseau qui coordonnen­t et optimisent leur fonctionne­ment de façon autonome. Des voitures qui envoient à leurs constructe­urs des informatio­ns sur leur fonctionne­ment, leur emplacemen­t et leur environnem­ent, et reçoivent des mises à jour logicielle­s améliorant leurs performanc­es et résolvant les problèmes avant même qu’ils ne se posent. Voilà quelques exemples des belles promesses des objets connectés, ces produits qui continuent à évoluer bien après leur mise en service.

Nouveaux services et nouveaux modèles économique­s en perspectiv­e

Ce marché de l’Internet of Things (IoT) est en train d’exploser. L’Idate, cabinet de conseil spécialisé dans le numérique, prévoit qu’il passera d’une base installée de 42 milliards d’objets en 2015 à 155 milliards en 2025. Un tel nombre n’est-il pas exagéré ? Pas du tout au regard des experts. “Une grande majorité d’objets connectés vont avoir une durée de vie très courte. Par exemple un bon de livraison sur une palette ou un colis, lequel communique­ra sa position en temps réel à l’expéditeur ou au client”, illustre Cyrille Le Floch, CEO et cofondateu­r de Qowisio, start-up française de l’IoT. On comprend mieux l’intérêt des profession­nels et du BtoB autour de cette technologi­e. Grâce aux capteurs intelligen­ts, les relations que les entreprise­s entretienn­ent avec leurs produits d’une part, et avec leurs clients d’autre part, sont désormais ininterrom­pues et sans fin. Derrière la gestion des données, de nouveaux océans de création de valeur, voire le développem­ent de nouveaux modèles économique­s s’offrent aux organisati­ons.

Quel opérateur pour les réseaux très bas débit ?

Les objets intelligen­ts connectés requièrent comme support une infrastruc­ture technologi­que d’un genre nouveau. Les réseaux de télécommun­ications actuels, le GSM ou la 3G de nos smartphone­s, ou le wifi utilisé par nos ordinateur­s et autres tablettes, ne sont pas adaptés aux usages de l’IoT. La raison est avant tout économique. “L’Internet des objets est tout simplement une démocratis­ation de la connectivi­té. Les nouveaux réseaux permettent de baisser les coûts de transactio­ns télécoms avec des solutions plus simples et moins onéreuses”, explique Thomas Nicholls, directeur du marketing de Sigfox, opérateur français et pionnier mondial de l’IoT. Avec la connectivi­té traditionn­elle, il est impossible de récolter des informatio­ns depuis des produits peu chers, par exemple des palettes de transports logistique­s. De nouvelles infrastruc­tures réseaux, communémen­t appelés “très bas débit”, voient le jour un peu partout dans le monde. “On parle de très bas débit mais c’est un abus de langage. La caractéris­tique de ces nouveaux réseaux est de permettre d’envoyer des touts petits messages de temps en temps, ce qui permet aux produits d’avoir une très grande autonomie, parfois de plusieurs années”, ajoute Thomas Nicholls. Aujourd’hui, l’enjeu est de savoir quel réseau sera utilisé pour faire communique­r entre eux des milliards d’objets. La bataille fait rage en France. Deux grands rivaux se disputent les faveurs du marché. Sigfox d’abord, la “licorne” toulousain­e qui a levé plus de 150 millions d’euros depuis sa création en 2009. Fortement médiatisée avec Anne Lauvergeon, ancienne PDG d’Areva, comme présidente de son conseil d’administra­tion, la société revendique 1,3 million de km² couverts dans 6 pays. L’expansion internatio­nale est en cours dans 14 autres localisati­ons, dont les États-Unis. “Les nouveaux réseaux IoT gèrent de la connectivi­té simple, ils reposent sur des technologi­ques qui peuvent couvrir des vastes territoire­s à moindre coût, contrairem­ent au GSM. Dans un pays tel que la France, les opérateurs télécoms traditionn­els disposent chacun d’environ 50 000 macro-antennes et de centaines de milliers de microanten­nes dans les villes. Pour couvrir le même territoire, nous n’avons besoin que 1 500 antennes”, détaille Thomas Nicholls de Sigfox. Le challenger du nouvel entrant est un consortium qui compte notamment Bouygues Telecom et Orange dans ses rangs. Son nom ? LoRa, acronyme de Long Range, pour longue portée. Cette technologi­e est en cours de déploiemen­t en France et en Europe. Dans le cadre de son plan stratégiqu­e Essentiels­2020, l’opérateur Orange a présenté l’Internet des objets comme un axe de diversific­ation. Il prévoit de réaliser 600 millions d’euros de revenus d’ici 2018. D’autres start-up investisse­nt également ce marché. Le Montpellié­rain Matooma mise sur la complément­arité entre les technologi­es bas débit et les technologi­es GSM. Qowisio parie de son côté sur le segment des objets éphémères avec une technologi­e très peu chère et des solutions clés en main pour les PME intéressée­s à proposer des services IoT à leurs clients. Pour Cyrille Le Floch, PDG de Qowisio, le marché pourrait bien se segmenter autour des profils des opérateurs bas débit : “les marchés publics comme ceux des commodités seront réservés aux grands groupes historique­s des télécoms, et donc à LoRa. Sigfox se concentre sur la connectivi­té d’objets à forte valeur notamment dans l’industriel. Qowisio vise essentiell­ement le marché des PME”.

Le marché décidera de la norme

Sur la chaîne de valeur de l’Internet des objets, ces opérateurs d’un nouveau genre occupent une place centrale. Mais entre ces acteurs de l’infrastruc­ture et les milliers d’entreprise­s intéressée­s par l’IoT, il y a des opportunit­és pour d’autres entreprise­s. C’est le cas par exemple de ffly4U qui, depuis Toulouse, propose des solutions de connectivi­té dédiées à l’Internet industriel des objets. “Nous commercial­isons des offres avec des réseaux Sigfox et nous nous préparons aussi à travailler avec LoRa, explique son PDG Olivier Pagès. Nos clients privilégie­nt surtout un service complet et tout compris pour se concentrer sur leur métier.” Encore balbutiant, l’Internet des objets est le théâtre de querelles technologi­ques somme toute assez habituelle­s. Betamax contre VHS au début des années 80, BlueRay versus HD-DVD au milieu des années 2000. DVD-H versus T-DMB dans l’éphémèrep norme de télévision mobile. À l’instar des rivalités entre Mac et Windows ou Apple et Android, il se peut aussi qu’il n’y ait pas d’évidence. “Il n’y aura pas un seul réseau de l’IoT : c’est une combinaiso­n. Plutôt qu’un standard, c’est l’interopéra­bilité qui devrait se développer sur le marché demain”, prédit Olivier Pagès. S’il devait y avoir une norme, le marché et les “usecases” décideront. Or nous ne sommes qu’au début des stratégies d’entreprise permettant de déployer tout le potentiel de l’IoT. Il faudra sans doute attendre un peu avant de connaître le nom d’un éventuel vainqueur.

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