Russie : des sanctions pour quoi faire ?
La réalité n’est pas aussi manichéenne, avec un méchant – nécessairement russe – et de gentils Occidentaux
Les Européens ont prolongé vendredi dernier pour un an, en l’espèce jusqu’au 23 juin 2017, les sanctions décidées contre la Russie après l’annexion par cette dernière de la Crimée en 2014. La décision de reconduction n’est pas une surprise en soi, tant les relations entre Moscou et les capitales occidentales peuvent être considérées comme mauvaises. L’absence de progrès dans la mise en oeuvre des accords de Minsk II destinés à solutionner la question du Donbass y est pour beaucoup. De même la posture de Moscou, jugée agressive par l’Otan, influence-t-elle aussi le choix du Conseil européen. Les Occidentaux se plaignent en effet du renforcement des capacités militaires de la Russie sur sa frontière ouest et de la menace qu’il ferait peser sur les membres orientaux de l’Alliance les plus à l’est, Pologne et pays baltes au premier chef. Toutefois, force est de constater que la réalité n’est pas aussi manichéenne, avec un méchant (nécessairement la Russie) et de gentils Occidentaux. Dans le cas de l’Ukraine, il est clair que Kiev porte elle aussi une responsabilité dans l’échec de la mise en oeuvre des accords de Minsk II, en remettant systématiquement en cause l’agenda et la chronologie, pourtant validée par Berlin et Paris, des points successifs à atteindre, notamment en ce qui concerne le retour sous son contrôle de sa frontière orientale. Et de fait, l’absence de retour à la normale et la possibilité de se poser en agressé permanent par l’ours russe l’autorisent à solliciter un soutien, y compris économique et financier, auprès des Occidentaux. Une aide qu’autrement, eu égard notamment à la corruption généralisée qqui pprévaut dans ce pypays y comprisp au pplus haut niveau de l’État, aujourd’hui comme hier, il aurait du mal à obtenir. Pour ce qui est de la rhétorique de l’Otan dénonçant les menaces russes à l’encontre des membres orientaux, il est clair qu’elle constitue évidemment un moyen pour Washington de maintenir la pression sur les Européens, notamment ceux de l’Est qui croient davantage en l’Amérique qu’au projet européen, malgré leur adhésion à l’Union européenne il y a quelques années. Aucun expert sérieux n’imagine aujourd’hui en effet Moscou se lancer dans une aventure militaire dans la région balte ou en Pologne. Pour quel(s) but(s) et quel(s) profit(s) ? En revanche, la Russie peut légitimement se sentir inquiète de voir à ses frontières des forces croissantes, qui plus est perçues comme adoptant des postures hostiles. N’oublions pas que lors de l’éclatement du bloc soviétique, prélude à celui de l’URSS elle-même, tous les grands acteurs internationaux s’étaient accordés pour décider que jamais l’Otan ne chercherait à s’étendre à l’Est, encore moins jusqu’à toucher les frontières de la Russie postsoviétique. L’accord était clair… et n’a pas été respecté. Moscou s’est légitimement sentie trahie – on la comprend – de l’avancée progressive de l’Otan à ses portes. Et ce n’est pas la pression de Washington, renouvelée il y a tout juste quelques jours, à déployer en Europe de l’Est, et notamment en Pologne, son bouclier anti-missile – alors même qu’il était présenté comme destiné à anticiper une agression balistique iranienne qui n’a plus lieu d’être aujourd’hui depuis l’accord intervenu sur la question nucléaire – que Moscou perçoit comme une menace directe sur sa sécurité, qui fera baisser la tension et les risques de dérapages. Bien au contraire. Dans ce contexte, il est évident que la reconduction des sanctions ne va pas dans le sens de l’apaisement. Les chancelleries le savent : jamais Moscou ne renoncera à la Crimée, qui est une vielle terre russe dont l’Ukraine a hérité un peu par hasard lors de l’éclatement de l’Union soviétique. Croire que les sanctions affaiblissent l’économie russe est également illusoire. Au-delà de certains secteurs qui souffrent réellement, une économie de substitution se met en place qui, lorsque lesdites sanctions seront levées, interdira à nos produits de retrouver leur place en Russie. Qui plus est, la Chine opère aujourd’hui une offensive économique majeure qui amène la Russie à regarder de plus en plus à l’Est, ce qui n’est ni son intérêt ni le nôtre sur le long terme.