L’État en France a toujours eu un rôle clé. Il doit continuer à s’occuper de culture car il est garant du bien commun et du service public. De de Gaulle à Chirac, il y a une grande continuité. Depuis Nicolas Sarkozy, qui a fait la preuve que l’on pouva
avant les contenus.
Le rôle de l’audiovisuel public
Le but d’une télévision de service public n’est pas de gagner de l’argent mais de remplir une mission d’intérêt général dans les domaines de l’information, du documentaire, de la fiction, de la culture ou du sport. Quand France 2 veut concurrencer TF1 en termes d’audience, il perd le but de sa mission. Le service public de la télévision doit diffuser des programmes que les autres ne proposent pas. Il doit être différencié et créatif. Les critères retenus pour le choix des dirigeants de l’audiovisuel public n’insistent pas assez sur cette donnée. La tendance est de choisir des managers en fonction de leur capacité de gestion, de résultat et de rendement, alors que ce n’est pas ça l’objectif. Il faudrait choisir des individus qui ont une ambition culturelle et un projet éditorial. Les gestionnaires viennent après. Inverser l’ordre des valeurs, quelle erreur !
La politique européenne de la culture
Le bilan est médiocre. Il n’existe pas de vision européenne de la culture partagée, ou alors elle est très insuffisante. Une fois de plus, la France doit défendre l’idée que la culture n’est pas une marchandise comme les autres. Je suis inquiet de la négociation transatlantique, le Tafta [Transatlantic Free Trade agreement]. Les différentes façons de percevoir la culture en Europe nous affaiblissent par rapport à la position américaine. Pour beaucoup de pays parmi les 28, la culture n’est pas un sujet politique. Dans une tradition anglo-saxonne ou scandinave, ils considèrent que ce n’est pas à l’État de s’en occuper. Il n’existe pas de ministère de culturels du Conseil de l’Europe. Le bilan n’est pas totalement négatif, mais il faut reconnaître que la culture n’a jamais été mise au rang des priorités politiques en Europe, chacun ayant sa conception, ses valeurs qui restent prioritairement nationales, mais il n’y a pas d’accord pour conduire des politiques communes ambitieuses en dehors de l’économie, de la finance et de la sécurité. Est-ce assez pour le bonheur des Européens ?
L’élection 2017
Le rôle d’un Président est de proposer un projet de société. Dans ce projet, il devra avoir la préoccupation de laisser une place importante à la culture. Les candidats à l’élection présidentielle doivent prendre en compte les dimensions transcendantes des aspirations de l’homme à autre chose : la beauté, la poésie, l’imaginaire. Le Président de demain devra porter un projet de monde meilleur dans lequel la culture a une place, à commencer par l’éducation artistique pour les jeunes, les enfants et les familles. On parle beaucoup de l’urgence écologique. Notre planète est en danger. Mais la culture est également fragile. Il y a des cultures qui disparaissent, ou des activités majeures comme le cinéma en Italie. “Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles”, a écrit Paul Valéry. Il y a aujourd’hui une urgence culturelle. Je dis aux candidats à l’élection présidentielle et au futur Président : faites attention à la culture, prenez-en grand soin, c’est vital ! Et je dis aux citoyens : “soyez vigilants sur ces questions. Le projet politique doit être un projet culturel, sinon c’est la démocratie qui sombrera”.
* “L’urgence culturelle”. Ed. Grasset 2016