Loi Travail en faveur de l’emploi accompagné
Accueil circonspect pour les mesures de la loi Travail sur l’accompagnement dans l’emploi des personnes handicapées
Alors qu’ils font leurs preuves en Europe depuis plus de 20 ans, les dispositifs d’emploi accompagné pour les salariés handicapés n’existaient jusqu’à présent en France qu’à titre expérimental. Aujourd’hui, ils sont reconnus juridiquement par
la nouvelle loi Travail. “Nous soutenons ce dispositif qui vient compléter les réponses traditionnelles, pas toujours adaptées en matière d’accès et de maintien dans l’emploi. À ce titre, nous avons financé plusieurs projets expérimentaux portant sur l’emploi accompagné. Onze expérimentations sont
actuellement en cours”, souligne Anne Baltazar, présidente de l’Association de gestion des fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). Cet accompagnement est novateur puisqu’il permet de mixer les compétences du secteur médico-social avec celles des acteurs du service public de l’emploi. Il s’inscrit aussi dans la durée. “Ce progrès significatif permet d’apporter, dans le cadre d’aménagements raisonnables, une véritable mesure appropriée aux besoins des personnes en situation de handicap complexe, ou pour lesquelles la gestion des relations sociales peut être compliquée ponctuellement ou durablement”, précise Alain Rochon, président de l’Association des paralysés de France (APF).
Un accompagnement conjoint
L’article 52 de la loi Travail donne en effet un cadre juridique à des expérimentations qui ont développé, sur la base d’expériences à l’étranger, des moyens similaires. L’objectif, simple, répond à un véritable besoin insuffisamment couvert jusqu’à présent : sécuriser et fluidifier le parcours professionnel d’une personne en situation de handicap en milieu ordinaire de travail, grâce à un accompagnement sur le long terme de la personne et de son employeur. Le dispositif intervient ainsi lors de l’embauche, de l’intégration, puis en fonction des besoins et des évolutions. “Il s’agit sans nul doute d’un progrès, à relativiser toutefois par les difficultés d’application en raison de la complexité de mise en place du dispositif. Il faut espérer que son aspect ‘usine à gaz’ se révèle dans son application sur le terrain plus fluide que dans les textes, et qu’elle ne rebute ni les personnes handicapées, ni les structures en capacité de réaliser cet accompagnement, ni enfin les entreprises”, s’inquiète Arnaud de Broca, secrétaire général de Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath). Concrètement, cet accompagnement est conjoint à l’employeur et à l’employé. Une fois la personne recrutée, un engagement tripartite – signé par l’employeur, l’employé et le service d’accompagnement – est annexé à son contrat de travail. Didier Roche, président et cofondateur de l’Union professionnelle des travailleurs indépendants handicapés (l’Uptih), regrette que cette initiative ait été prise sans concertation avec le monde des entreprises, conduisant à créer un dispositif nouveau alors que selon lui, l’existant pouvait répondre à ce sujet. “Je suis un fervent défenseur de l’accompagnement dans l’emploi des travailleurs handicapés dès lors que c’est nécessaire. Attention cependant à ne pas faire croire qu’avec cette loi, les managers vont pouvoir recruter sans inquiétude puisqu’un accompagnant sera derrière chaque personne. Ce grave retour en arrière bafoue les droits fondamentaux des personnes handicapées pouvant prétendre à être des salariés à part entière, et non entièrement à part”, remarque-t-il. L’Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (L’Adapt) vient de diffuser un guide européen de bonnes pratiques “Sécuriser les parcours pour un véritable marché inclusif du travail”,
L’objectif est de leur permettre d’accéder à l’emploi et de s’y maintenir. Ils visent surtout la sécurisation sur le long terme du parcours professionnel
des personnes “Attention à ne pas faire croire qu’avec cette loi, les managers vont pouvoir recruter sans inquiétude puisqu’un accompagnant sera derrière chaque
personne”
L’Agefiph et le FIPHFP signeront une convention avec l’État qui organisera les conditions de déploiement de ce nouveau dispositif sur les territoires “Restons prudents : en matière d’emploi, beaucoup d’effets d’annonce et peu de résultats sont au rendez-vous, surtout quand l’État se sert dans
la ‘cagnotte handicap’ des fonds pour l’insertion
professionnelle des personnes handicapées !”
ainsi qu’un référentiel de formation “Sécurisation des parcours professionnels et emploi accompagné”. “Il s’agit ici de favoriser l’accès le plus direct vers l’emploi en proposant des stratégies d’accompagnement adaptées à la fois à l’employeur et au travailleur handicapé. L’une des nouveautés est que cette aide s’inscrit dans un délai raisonnable, adapté aux différentes parties concernées. Enfin, par l’emploi accompagné, il s’agit d’inclure et de maintenir durablement les personnes en situation de handicapp dans le marché du travail”, précise Éric Blanchet, directeur général de L’Adapt. “Il est essentiel d’avoir au sein de l’entreprise des accompagnateurs référents qui font le lien entre les personnes en situation de handicap et l’employeur, leur permettant de trouver leurs places dans l’entreprise. J’ai visité récemment la société Andros qui, depuis trois ans, s’est lancé le défi d’intégrer des salariés autistes au sein de l’une de ses usines. Cette initiative sociétale est à tout à fait exemplaire”, indique Guillaume Sarkozy, président de la fondation Malakoff Médéric Handicap, créée en 2013 par le groupe Malakoff Médéric, chez qui les personnes en situation de handicap représentent plus de 6 % des salariés. La fondation consacre 2 millions d’euros par an à des actions concrètes favorisant l’accès aux soins et à l’emploi des personnes en situation de handicap.
Prudence et expérimentation
L’Agefigpph et le FIPHFP signerontg une convention avec l’État qui organisera les conditions de déploiement de ce nouveau dispositif sur les territoires, dont le succès repose sur un bon maillage de compétences et d’expertises des différents acteurs, ainsi que sur la mutualisation des ressources. “Restons prudents : en matière d’emploi, beaucoup d’effets d’annonce et peu de résultats sont au rendez-vous, surtout quand l’État se sert dans la ‘cagnotte handicap’ des fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph,
FIPHFP) ! La loi Travail diminue les ressources des instances représentatives du personnel : comment peut-on à la fois réduire les moyens et augmenter les missions ?”, s’interroge Henri Galy, président du Comité pour le droit au travail des handicapés et l’égalité des droits (CDTHED). Il faut dire que ce dispositif relève davantage de l’expérimentation grandeur nature. Au regard du budget débloqué par l’Agefiph et le FIPHFP en complémentp de celui proposé par l’État, environ 1 500 personnes pourront en bénéficier. “Si les quelque 500 000 travailleurs handicapés en recherche d’emploi n’ont pas forcément besoin d’un tel dispositif, on se rend compte à quel point, aussi intéressant soit-il, il ne constitue qu’une réponse parmi d’autres. Malheureusement, les moyens mis en oeuvre ne résolvent pas la problématique de l’emploi des travailleurs handicapés”, insiste Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fnath. Frédéric Karinthi, administrateur de la Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles (Fegapei) veut rester optimiste. “Dans les deux prochaines années, cet accompagnement concernera un maximum de 1 000 à 1 500 personnes. D’ici 2020, si les résultats se révèlent concluants – sur la base des conclusions d’une première évaluation courant 2019 et compte tenu des besoins mis en lumière par une étude d’opportunité réalisée en 2015 –, il en concernera davantage. Nous pourrions multiplier ce dispositif par 10 ou par 20. Il progressera donc grâce à sa mise en oeuvre car simple à mettre en place, autant pour l’employeur que pour le salarié”, note-t-il.
Diversité des situations et des réalités
Bien du chemin reste à parcourir malgré une société française globalement inclusive. Le handicap peut inspirer un changement positif dans l’environnement du
travail. “L’expérience montre que lorsque l’on arrive à intégrer des personnes en situation de handicap dans une entreprise, sa productivité augmente et une solidarité nouvelle naît entre les employés. Nous devons nous donner la chance de percevoir tout ce que ces salariés différents peuvent apporter à la collectivité”, soutient Guillaume Sarkozy. Le handicap survient souvent au cours de la vie, puisque seulement 15 % des handicaps sont de naissance. Lutter en faveur
de l’insertion professionnelle représente un véritable enjeu de société dans un contexte d’allongement de la durée des carrières. “De même, il ne faut pas hésiter à se tourner vers des secteurs nouveaux, performants et qui recrutent. Parfois les personnes handicapées elles-mêmes ne se sentent pas toujours aptes à s’orienter vers tel ou tel métier, précise Anne
Baltazar de l’Agefiph. Nous avons de très belles réussites, par exemple dans les secteurs du luxe, de l’aéronautique, de la banque, qui démontrent qu’en mettant en place des réponses concrètes, on obtient des résultats qui prouvent que les personnes handicapées font preuve de compétences réelles et de talent.”