Distribution d’innovations
Nouvelles technologies et nouvelles machines pour (re) conquérir de nouveaux marchés
Si la pause-café a toujours le vent en poupe, l’usage des distributeurs de boissons chaudes s’essouffle. Depuis quelques années, le secteur de la distribution automatique (DA) demeure atone, avec un chiffre d’affaires qui plafonne autour de 2 milliards d’euros en France. “Depuis la crise de 2008, nous observons un tassement des ventes et un recul de la
croissance”, déplore Pierre Albrieux, président de la Navsa, la chambre syndicale nationale de vente et services automatiques. Ce qui se répercute directement sur l’activité des différents acteurs de ce marché : les fabricants de machines, les fournisseurs de produits alimentaires et les gestionnaires qui achètent les machines, les installent chez leurs clients et gèrent leur approvisionnement et leur entretien. “La DA suit les courbes de l’emploi et du chômage. Un salarié représente un consommateur. Une hausse du chômage se répercute donc forcément sur notre activité”, explique Pierre Albrieux. Ce marché est effectivement fortement lié au secteur privé puisque 80 % des distributeurs automatiques sont implantés dans les entreprises. Côté produits, les boissons chaudes (le café en tête) arrivent largement en première position, puisqu’elles
représentent 88 % des ventes journalières des DA, contre 12 % pour les boissons fraîches et les snacks. “Il existe actuellement une forte concurrence entre les différents gestionnaires qui se battent sur les pprix ppour attirer des clients”,” analyse de son côté Éric Froger, gérant de FD Conseil et DA Mag. Par ailleurs, le contexte législatif tend à impacter le secteur (voir encadré). De même, l’engouement pour les machines à café personnelles type Nespresso, qui ont pris de plus en plus d’importance en entreprise, a également grignoté
des parts de marché à la DA. “Ce phénomène se tasse car cela implique que le consommateur gère les commandes et les éventuelles pannes de machines. En outre, les systèmes privatifs de café et les bouilloires à thé consomment une quantité d’énergie phénoménale et peuvent aussi entraîner des risques d’incendie. Ils sont de plus en plus interdits au sein des entreprises”, tempère Pierre Albrieux.
Émergence des coffee corners
Pour rebondir, face à des consommateurs de plus en plus exigeants, la qualité est désormais de mise. “Aujourd’hui, les clients privilégient une expérience et des produits de qualité. Ils vont davantage aller vers des marques emblématiques”, confirme Anthony Giron, directeur général France de Selecta. Fort de ce constat, le leader de la DA a noué en 2014 un partenariat avec Starbucks pour lancer le concept Starbucks on the go. Objectif : proposer en libre-service une sélection de spécialités du géant du café dans les lieux publics (aires d’autoroute, universités, hôpitaux, cinémas) et les entreprises. Dans ces concepts dits de “coffee corner”, les distributeurs sont plus petits et intégrés dans le mobilier. “Nous passons progressivement des machines freestanding [grands automates, ndlr] vers des machines plus petites, appelées table top, qui ont l’avantage d’offrir plus de transparence aux clients ainsi qu’un côté artisanal, avec par exemple des grains de café visibles”, explique Anthony Giron. Surfant sur la même tendance, la chaîne de café britannique Costa Coffee a également développé des concepts de coffee corners avec son automate Costa Express. “Les coffee corners permettent de créer de la valeur. Pour le moment, ce phénomène concerne les grandes métropoles. Les gestionnaires doivent s’y intéresser car ils pourront être confrontés à de nouveaux entrants sur le secteur”, constate Éric Froger.
Des technologies porteuses
Les nouvelles technologies apparaissent également comme un relais de croissance pour le secteur. Les automates munis d’écrans tactiles
Dans ces concepts dits de “coffee corner”, les distributeurs sont plus petits et intégrés dans le mobilier
“Au niveau de l’approvisionnement, la connectivité représente également une petite révolution car elle nous permet d’avoir une vision en temps réel du stock”
fleurissent dans les lieux publics. “Ces machines génèrent un chiffre d’affaires plus élevé, ce qui permet d’amortir leur prix d’achat, logiquement supérieur”, révèle Anthony Giron. Et de préciser : “le gros avantage des écrans pour les clients c’est qu’ils leur permettent d’obtenir des informations relatives aux produits : leur provenance, les ingrédients, le nombre de calories, etc.”. Certains de ces écrans sont connectés à des applications smartphones, ce qui
permet de tracer le consommateur et de mettre en place des systèmes de fidélisation. “Au niveau de l’approvisionnement, la connectivité représente également une petite révolution car elle nous permet d’avoir une vision en temps réel du stock”, raconte le DG France de Selecta. Outre les écrans, l’effort technologique porte aussi sur les moyens de paiement. Bien des ventes ont été perdues car le consommateur n’avait pas suffisamment de monnaie sur lui. D’où l’intérêt pour les gestionnaires de proposer des alternatives comme le paiement par carte bancaire, par badge privatif au sein des entreprises ou encore par ticket restaurant. Les terminaux de paiement sans contact, intégrant une puce NFC, sont aussi de plus en plus intégrés aux machines. “Le sans contact entraîne une augmentation des ventes de l’ordre de 20 à 30 %. Cela se traduit immédiatement pour les opérateurs par une hausse de leur chiffre d’affaires”, détaille Venceslas Cartier, directeur marketing Europe et Afrique pour la division Unatended d’Ingenico. Avant d’ajouter : “avec la généralisation des cartes sans contact au niveau européen, ce type de paiement a atteint 4 milliards de transactions sur les 12 derniers mois, soit 3 fois plus que les 12 mois précédents”. Et l’arrivée des services de paiement sur mobile comme Apple Pay ou Google Pay devrait encore accentuer le développement du sans contact. “L’ensemble des terminaux d’Ingenico accepte de nombreux moyens de paiements du marché, comme les cartes de crédit et les badges privatifs, mais aussi désormais les smartphones ou les montres
connectées”, précise Venceslas Cartier. L’émergence de solutions innovantes de paiement pourrait aussi aboutir à de nouveaux concepts de distribution automatique. Ainsi, le géant Amazon teste actuellement un magasing entièrement automatisé aux États-Unis. Nommée Amazon Go, cette petite supérette ne dispose d’aucune caisse car le paiement y est totalement dématérialisé. Avant de rentrer, le client devra scanner une application qui l’identifiera. Des caméras et des capteurs suivront ensuite chacun de ses mouvements et détecteront les produits choisis. Une fois la porte de la boutique franchie, chaque produit “acheté” par le client sera débité sur son compte Amazon.
Quand la DA s’ouvre à d’autres horizons
Autre axe de développement de la DA : l’ouverture à d’autres produits. “Depuis six mois, nous proposons en test dans les distributeurs de stations de métro parisiennes une gamme de produits d’hygiène : mouchoirs, baumes à lèvres et gels désinfectants”, informe Anthony Giron. De même,
la marque Benefit a mis en place des distributeurs de produits de maquillage dans plusieurs aéroports américains depuis quelques années. Toujours dans la beauté, Sephora propose depuis septembre un distributeur de cosmétiques dans la gare de Lyon, à Paris. “Une autre tendance qui se développe est l’utilisation de la DA dans le domaine de l’événementiel”, souligne Sylvie Gaudy. À l’instar de L’Oréal, qui avait lancé une opération de buzz fin 2013 en installant pendant quelques semaines un distributeur interactif dans le métro new-yorkais. Il était capable d’analyser le style et la couleur des vêtements de la consommatrice pour lui proposer un produit de beauté adapté. “Dans les zones rurales, la DA peut également apparaître comme un circuit de distribution pertinent”, ajoute Sylvie Gaudy. Ainsi certains boulangers, agriculteurs ou autres commerçants ont recours à des machines automatiques pour distribuer plus facilement leurs produits. “Ce sont des marchés assez isolés, exploités par des petits commerçants”, souligne cependant Pierre Albrieux. “Il faut un vrai business model avant de se lancer dans la DA, surtout quand on sait que le prix d’un distributeur de pain ou de pizza est de l’ordre de 30 000 à 45 000 euros, soit 10 fois plus cher que les machines de boissons chaudes et snacks”, avertit de son côté Éric Froger. Produit star, le café n’est donc pas encore prêt à être détrôné dans la DA.
L’utilisation de la DA dans le domaine de l’événementiel se développe. À l’instar de L’Oréal, qui avait lancé une opération de buzz fin 2013 en installant pendant quelques semaines un distributeur interactif dans le métro new-yorkais “Les machines à écran tactile génèrent un chiffre d’affaires plus élevé, ce qui permet d’amortir leur prix d’achat, logiquement supérieur”