MÉCOMPTES PUBLICS
Retenue à la source : arrêter la machine infernale
L’intérêt du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (IR) sera très limité pour les ménages, puisqu’il obligera la plupart d’entre eux à payer des acomptes plus élevés. En outre, le prélèvement de ces acomptes sera bien plus compliqué. Cette réforme ne changera rien à la déclaration, au calcul et au paiement de l’impôt, qui auront toujours lieu l’année suivante. En effet, un IR progressif ne peut pas être prélevé en temps réel et il ne l’est dans aucun pays, car c’est un impôt dont le taux augmente avec le revenu annuel. Pour déterminer le taux de prélèvement de l’IR, il faut connaître tous les revenus, de tous les membres du ménage en France, sur toute l’année, ce qui n’est possible que l’année suivante. Contrairement à ce que laisse entendre l’expression trompeuse “prélèvement à la source”, cette réforme ne concerne que les acomptes dus au titre de l’IR. Aujourd’hui, c’est très simple : l’administration prélève sur le compte du contribuable chaque mois un dixième, ou chaque trimestre un tiers de l’impôt payé l’année précédente ; les entreprises ne sont en rien concernées.
Le casse-tête d’un profond changement Avec cette réforme, les entreprises prélèveront ces acomptes sur les salaires et les reverseront à l’administration, qui devra contrôler ces opérations. Pour les entreprises, ce sera bien plus compliqué qu’ajouter une ligne à leur déclaration sociale. En effet, s’agissant des cotisations sociales et de la CSG, elles appliquent la même formule de calcul à tous les salaires pendant toute l’année ; avec la retenue à la source, elles devront appliquer un taux de prélèvement différent pour chacun de leurs salariés, taux qui pourra être modifié en cours d’année si, par exemple, le salarié déclare la naissance d’un enfant. Pour les ménages, au lieu d’un seul prélèvement mensuel, s’ils sont mensualisés, ils pourront subir plusieurs prélèvements mensuels, pas nécessairement simultanés, soit un sur chaque source de revenu (une retenue sur les salaires de chaque membre du foyer, des “acomptes contemporains” sur les revenus non salariaux…). Il n’y aura aucune “année blanche”. En 2017 sera payé l’impôt sur les revenus de 2016 ; en 2018 seront payés des acomptes au titre des revenus de 2018, acomptes le plus souvent supérieurs à ce qu’aurait été l’impôt sur les revenus de 2017, et un impôt sur les revenus exceptionnels de 2017. La définition des revenus exceptionnels risque de donner lieu à bien des litiges. Une telle réforme ne peut pas être “expérimentée”. La gestion de deux années de transition successives dans des sens opposés serait un casse-tête, notamment parce que cette réforme requiert de profonds changements des systèmes d’information des administrations et des nouveaux collecteurs de l’impôt. La seule question qui se posera au nouveau gouvernement sera de savoir si la machine administrative peut encore être arrêtée ou si le saut dans l’inconnu est inévitable.
La seule question qui se posera au nouveau gouvernement sera de savoir si la machine administrative peut encore être arrêtée ou si le saut dans l’inconnu
est inévitable