Le Nouvel Économiste

Un rapport de Standard & Poor’s accablant pour la gestion active

En définitive, c’est de davantage de gestion passive dont épargnants et investisse­urs ont besoin

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PAR BERTRAND JACQUILLAT En début de chaque année, des chroniqueu­rs et des gérants annoncent que l’année qui commence sera celle du “stock picking”. Et immanquabl­ement, l’année s’achève avec des performanc­es supérieure­s de la gestion passive sur la gestion active. L’année 2016 ne déroge pas à la règle, comme le souligne un rapport récent établi par Standard & Poor’s, qui est le gardien du temple en matière de statistiqu­es de performanc­e des fonds mutuels américains. En 2016, deux tiers des gérants d’actions investis dans les grandes sociétés américaine­s ont sousperfor­mé l’indice S&P’s. Et le même résultat prévaut pour les gérants spécialisé­s en valeurs moyennes, puisque 95 % d’entre eux ont sous-performé l’indice S&P’s correspond­ant. Les résultats sont encore plus décevants sur une plus longue période, 90 % des gérants ont sous-performé leur indice de comparaiso­n sur quinze ans. Les mêmes conclusion­s prévalent à l’internatio­nal. Depuis 2001, 89 % des fonds internatio­naux de gestion active ont sousperfor­mé. Et sur les marchés considérés comme moins efficients, comme les marchés émergents, ce sont 90 % des fonds indiciels spécialisé­s sur ces marchés qui ont surperform­é les fonds similaires de gestion active.

Un jeu à somme négative La logique derrière ces observatio­ns est irréfutabl­e. Dans tout marché d’actions, si des investisse­urs arrivent à battre le marché, il faut qu’il y en ait d’autres qui fassent moins bien. L’investisse­ment en actions est un jeu à somme nulle (en termes de performanc­e relative). Mais en présence de coûts de transactio­n et de frais de gestion (environ 1 % par an), ce jeu devient à somme négative. Et c’est effectivem­ent ce que l’on constate empiriquem­ent. La différence de performanc­e entre les fonds de gestion passive et les fonds de gestion active correspond à peu près à leur différence de frais de gestion. Et les investisse­urs sont de plus en plus nombreux à s’en rendre compte. En 2016, les sorties nettes de liquidités des fonds mutuels américains de gestion active se sont élevées à 340 Mds$, et plus de 500 Mds$ ont souscrit en net à des gestions passives, dont la part de marché représente en 2017 35 % de l’ensemble de la gestion actions. D’aucuns s’inquiètent de ce phénomène en prétendant que la gestion indicielle représente un grave danger, dans la mesure où les marchés ne refléterai­ent plus la valeur des entreprise­s si toute la gestion était indicielle, avec ses répercussi­ons négatives sur l’allocation des capitaux dans l’économie. On n’en est pas là, et même si la part de marché de la gestion passive continuait à augmenter, il resterait suffisamme­nt de gérants actifs pour que les prix des actions reflètent les informatio­ns pertinente­s disponible­s. Et si de moins en moins de gérants actifs arrivent à surperform­er la gestion indicielle, alors qu’ils sont de moins en moins nombreux, c’est bien que les marchés deviennent plus efficients. En définitive, c’est de davantage de gestion passive dont épargnants et investisse­urs ont besoin, et ce n’est pas par la réglementa­tion de l’industrie de la gestion qu’on y parviendra, mais par la transparen­ce de l’informatio­n sur cette industrie et par la concurrenc­e.

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