Paris à flux tendu
Grâce à un cycle favorable aux vendeurs, l’immobilier de luxe voit la vie en rose, notamment à Paris, mais les biens se raréfient et les prix repartent à la hausse
Loin d’être atone pendant plusieurs mois, comme de coutume lors des périodes électorales, le marché de l’immobilier de luxe parisien a vécu un début 2017 dynamique “C’est le bon moment pour vendre, car cela se vend rapidement et les négociations moins
nombreuses”
L’immobilier de luxe se porte à merveille. La reprise du marché, entamée en 2016, se poursuit allègrement et devrait perdurer en 2017, à Paris notamment. La raison : un cycle redevenu favorable aux vendeurs, avec des taux d’intérêt encore bas et des acquéreurs qui anticipent leur remontée. Des acheteurs principalement français, y compris sur le très haut de gamme, et, nouveauté, résidant en France. Revers de la médaille : un marché moins fluide en raison d’une raréfaction des biens, et une augmentation des prix qui s’amorce.
“Le vent, quand il vient à Paris, n’a plus qu’un seul souci, c’est d’aller musarder dans tous les beaux quartiers de Paris”, chantait Yves Montand. Il souffle effectivement comme un vent d’optimisme sur l’immobilier de luxe, notamment parisien. Loin d’être atone pendant plusieurs mois, comme de coutume lors des périodes électorales, celui-ci a vécu un début 2017 dynamique. “Les biens se vendent comme des petits pains”, se félicite Marcus Walthaner, directeur général d’Engel & Völkers France, dont l’enseigne a vu bondir ses ventes de 150 % au premier trimestre 2017. “Plusieurs agences ont déjà atteint leur chiffre d’affaires 2016 au deuxième trimestre 2017”, renchérit Alexander Kraft, Pdg de Sotheby’s International Realty France & Monaco. Autre signal positif : l’augmentation des demandes d’estimation des biens, et donc des projets de vente à court terme.
Un vent favorable aux vendeurs
Pour la profession, cette situation s’explique par un cycle immobilier redevenu favorable aux vendeurs, après plusieurs années difficiles. Et ce en raison d’un environnement macroéconomique propice et un ajustement des prix revenus à un niveau plus raisonnable ces dernières années. “Les taux d’intérêt sont encore faibles, mais les acheteurs anticipent leur remontée”, explique Marcus Walthaner. “Les acquéreurs étaient restés en stand-by depuis 2012. Ils ont
épargné et ont commencé à rechercher un logement à partir de 2016”, analyse Alexis Caquet, directeur général de Vaneau Immobilier. Un contexte qui explique la baisse du stock de biens accumulés entre 2014 et 2016. “Le stock est en train de diminuer, car les vendeurs sont motivés. C’est le bon moment pour vendre, car cela se vend rapidement et les négociations moins nombreuses”, précise Alexander Kraft. “Indépendamment de la loi Alur qui a rallongé les délais de vente, les délais de transactions diminuent et reviennent au niveau que l’on connaissait en 2003-2004”, reconnaît Laurent Demeure, Pdg de Coldwell Banker France & Monaco. En cas de bonne adéquation entre le bien et le prix, un logement peut partir en une journée.
La contraction du marché
Conséquence immédiate : la demande devient supérieure à l’offre et les biens se raréfient. “Le marché est moins fluide, car il y a peu de stocks”, déclare Jean-Philippe Roux directeur de John Taylor Paris. Une rareté des produits qui n’est pas sans poser problème. “En cas de manque de biens dans un secteur, nous élargissons la recherche à d’autres quartiers.
Les recherches évoluent”, tempère Nathalie Garcin, directrice générale d’Emile Garcin. En outre, les stocks ne se renouvelant pas aussi vite que les ventes, les prix de l’immobilier de luxe parisien sont tendus. “Il existe une contraction du marché car la demande est supérieure à l’offre, ce qui aboutit mécaniquement à une augmentation des prix”, indique
Alexis Caquet. “Depuis 2016, les prix grimpent à nouveau, mais nous n’avons pas encore retrouvé le niveau de 2012”, note Marcus Walthaner. En revanche, pour l’exceptionnel, les prix augmentent. “La hausse est de 10 à 15 % sur ce segment”, indique Alexis Caquet, dont le réseau a vendu un appartement de 300 m2 dans le quartier de Passy pour près de 4 millions d’euros. “Pour des biens vraiment exceptionnels, la moitié des visiteurs sont des Français. Cela est assez révélateur de l’état du marché”, confirme Jean-Philippe Roux. “Le très haut de gamme sort de la crise. Il existe une catégorie de personnes qui ont les moyens et qui auront toujours plus de moyens”, confie Marcus Walthaner.
Le retour en force des Français
Autre nouvelle de taille en cette année 2017, les Français reviennent en force. “Nous assistons à un retour en force des Français sur le marché de l’immobilier de luxe, amorcé en 2016, que ce soit sur le haut de gamme ou le très haut de gamme, pour les résidences principales comme secondaires”, déclare Jean-Philippe Roux, dont l’enseigne a vendu notamment deux appartements rénovés entre 10 et 15 millions d’euros dans les VIIe et VIIIe arrondissements, et un hôtel particulier de plus de 10 millions d’euros, toujours dans le VIIIe. “Historiquement, notre clientèle était composée de 65 à 70 % d’étrangers, aujourd’hui les Français sont à parité avec les étrangers”, ajoutet“85 % de nos acheteurs sont Français, ce qui est exceptionnel. Il y a un véritable retour des Français qui soutiennent le marché”,
Le portrait-robot du Français actuellement
acquéreur est une personne de 40 à 50 ans, qui a fait fortune dans la
nouvelle économie
En dépit de stocks en diminution et de prix qui repartent à la hausse, les professionnels n’anticipent pas de risque de surchauffe et encore moins de bulle
immobilière
confirme Alexander Kraft. “Avec la disparition de la taxe à 75 %, les Français ont repris confiance”, précise le directeur général d’Engel & Völkers France, dont la base d’acquéreurs est constituée de Français à près de 75 %. Pour certains professionnels, l’effet Brexit joue quelque peu. “De très nombreux Français expatriés investissent en France, notamment ceux installés à Londres et qui anticipent le Brexit”, affirme Nathalie Garcin. Mais l’essentiel de ces nouveaux acquéreurs sont des Français
résidant dans l’Hexagone. “Cette clientèle investit dans une résidence plus grande ou mieux située, ou encore dans une résidence secondaire”, indique Alexander Kraft. “La typologie des clients s’est modifiée. Le marché est soutenu par des propriétaires et non par des investisseurs”, déclare Alexis Caquet. “Le portrait-robot du Français acquéreur est une personne de 40 à 50 ans, qui a fait fortune dans la nouvelle économie. Ce sont les fortunes récentes qui arrivent actuellement sur le marché de l’immobilier de luxe”, explique le directeur de John Taylor Paris. Des Français également présents sur le très haut de gamme “Les Français fortunés ont compris le raisonnement des investisseurs étrangers et
choisissent le beau et la localisation. Sur le long terme, ce type de biens est un investissement sur lequel on ne peut pas se tromper”, affirme Jean-Philippe Roux. Une présence des Français dans le très haut de gamme qui devrait encore s’accentuer, selon Laurent Demeure.
Côte d’Azur et grandes métropoles Si l’immobilier de prestige a le vent en poupe à Paris, l’analyse vaut également pour la Côte d’Azur et certaines métropoles régionales. “La dynamique est la
même, mais est plus faible”, souligne Alexis Caquet. Sotheby’s, qui ouvrira prochainement une nouvelle agence à Bonifacio et une seconde à Gordes dans le Lubéron, a vendu une propriété les pieds dans l’eau en Corse pour plus de 5 millions d’euros. “Cette tendance
va se poursuivre”, précise son Pdg. “Les résidences secondaires sont tout à fait abordables, que ce soit vers Aix-en-Provence ou Saint-Tropez, sauf pour l’exceptionnel”, indique Nathalie Garcin. Pour Alexander Kraft, l’optimisme est également de rigueur dans certaines métropoles : “c’est le moment de profiter du stock disponible, notamment à Lyon et à Bordeaux. Dans ces métropoles, le choix est large, les prix sont encore assez bas et les vendeurs aptes à négocier 10 à 15 %”, indique-t-il.
Avec l’IFI, pas de risque de bulle
En dépit de stocks en baisse et d’une tendance haussière des prix, les professionnels n’anticipent pas de risque de surchauffe et encore moins de bulle spéculative. “Les prix se maintiennent mais ne flambent pas, car les personnes
investissent mais ne font pas n’importe quoi”, souligne Nathalie
Garcin. “En outre, la remontée des taux d’intérêt limite cette possibilité”, déclare Alexis Caquet, qui
ajoute “la volonté du nouveau président de remplacer l’ISF par l’IFI (impôt sur les fortunes immobilières) pourrait également limiter ce risque. Cela va contraindre certains investisseurs purs à arbitrer entre l’immobilier et les placements financiers, et donc sans doute permettre d’avoir davantage de produits sur le marché immobilier, ce qui pourrait éviter le risque de surchauffe, voire de bulle immobilière”. Le directeur général de Vaneau Immobilier veut donc voir dans l’IFI une mesure plutôt favorable, sauf pour les investisseurs réels et les acheteurs potentiels de résidences secondaires. “Un arbitrage sera fait, mais sur une petite partie du stock”, précise JeanPhilippe Roux. La fièvre acheteuse dans l’immobilier de prestige devrait perdurer dans les mois à venir. “Le marché reste fort. On n’a pas connu cela depuis 2012”, déclare
Alexis Caquet. “Le marché reprend confiance, la stabilité est retrouvée et les étrangers vont revenir”, p précise Jean-Philippe Roux. À comg mencer par les Américains, de nouveau présents à Paname. “Les étrangers reviennent, notamment les Américains grâce à la parité entre le dollar et l’euro. Chaque semaine, nous avons des acheteurs américains. Les Américains ont toujours aimé Paris”, conclut Laurent
Demeure.