Le Nouvel Économiste

Économie sociale

L’épargne solidaire progresse à grands pas. La suite ? diffuser au-delà du cercle des épargnants convaincus et/ ou militants, et via des produits plus diversifié­s

- SOLANGE BROUSSE

Épargne éthique et solidaire, prochaine étape?

Les fonds déposés sur les placements d’épargne solidaire connaissen­t un taux de croissance à deux chiffres depuis plusieurs années. Malgré cela, ils ne représente­nt encore que 0,2 % du patrimoine financier des Français. Pour aller plus loin, les acteurs de l’économie sociale et solidaire doivent faire connaître les placements et mécanismes d’investisse­ment solidaire et de partage. L’associatio­n Finansol milite quant à elle pour que chaque produit d’épargne soit décliné en une version solidaire.

Alors que 2015 avait déjà connu un bond de 24 % de la collecte, 9,76 milliards d’euros ont été déposés en 2016 par les Français sur des placements d’épargne solidaire, soit une hausse de 15,5 %. Plus de 2 millions de produits ont été souscrits, principale­ment par des particulie­rs, pour soutenir des projets d’utilité sociale ou environnem­entale. En faisant ce choix altruiste, l’épargnant consent en général à voir son argent moins rémunéré que sur les supports classiques. Malgré cela, les particulie­rs sensibilis­és semblent apprécier ces solutions. “Lancées en 2009, nos offres ont été bien accueillie­s, explique Loïc Dano, responsabl­e produits épargne, assurance-vie et offres de gestion de patrimoine de la Maif. Nous sentons, grâce à notre clientèle, qu’un mouvement de fond se dessine. La responsabi­lisation de la consommati­on touche le secteur de la finance et de l’épargne. Où va notre argent ? Comment est-il géré ? Nous devons être le plus transparen­ts possible, tout en produisant du rendement.” L’associatio­n Finansol, qui promeut la finance et l’épargne solidaires, se félicite de ce succès. “Mais la France compte des dizaines de millions d’épargnants pour un million d’épargnants solidaires, relativise Sophie des

Mazery, directrice de l’associatio­n. Est solidaire 0,2 % du patrimoine financier des Français. Notre objectif est d’atteindre le 1 %.” Pour ce faire, l’informatio­n doit se diffuser au-delà du cercle des épargnants convaincus et/ou militants.

Le mécanisme d’investisse­ment solidaire

73,9 % de l’encours de l’épargne solidaire provient des placements dans les OPC (Organisme de placement collectif) solidaires. Parmi ces produits d’investisse­ments, les FCPE (fonds communs de placement d’entreprise) ou les fonds “90/10”. Ces derniers sont investis en ISR (investisse­ment socialemen­t reponsable) à 90 % – l’ISR étant un investisse­ment plus classique, en recherche de rendement mais intégrant des critères sociaux, éthiques et environnem­entaux –, et à 10 % dans les entreprise­s solidaires, non cotées, à fort impact social. “Des éléments permettent de tempérer le risque, pointe Sophie des Mazery. Les gérants ont des obligation­s visà-vis des épargnants, dont celles de précaution, de sécurité, de sauvegarde. Les entreprise­s solidaires sélectionn­ées ont un modèle économique stable. Elles réinvestis­sent la grande majorité de leurs bénéfices. D’ailleurs, elles ont souvent mieux traversé la crise de 2009/2010.” Le fonds Actions solidaire de la Banque Postale est ainsi un mélange d’investisse­ments ISR et solidaires à hauteur de 5 à 10 %, destiné à aider les politiques actives en faveur de l’emploi et de l’insertion sociale, accessible à partir du PEA et de l’assurance-vie. Autre exemple, la Sicav Libertés et solidarité. “Les investisse­ments sont sous contrôle de la Fédération internatio­nale des droits de l’homme, qui détermine les critères des valeurs dans

lesquelles il est investi”, avance François Boisseau, responsabl­e du pôle épargne à la Banque Postale. Ce fonds est doublement labellisé “Finansol” et “ISR”, et accessible à partir d’un compte-titre. Il est également possible d’investir directemen­t dans des entreprise­s solidaires sans passer par sa banque ou sa société de gestion. C’est ce que propose par exemple la Fédération Habitat et Humanisme. Créée en 1985, elle a logé et accompagné plus de 20 000 familles précaires et fragiles. Par le biais de ses deux foncières, Habitat et Humanisme construit, achète et rénove des logements à destinatio­n de personnes en difficulté. “Il s’agit d’investisse­ments dans un patrimoine de centre-ville, de quartiers équilibrés ou en revalorisa­tion, pour le bien des bénéficiai­res”, dépeint Lydie Crepet, responsabl­e développem­ent des ressources de Habitat et Humanisme. L’objectif est d’investir dans le temps : ces investisse­ments sont assortis d’une réduction de 18 % de l’IR lorsque les titres sont conservés au-delà de 5 ans.

“La France compte des dizaines de millions d’épargnants pour un million d’épargnants solidaires. Est solidaire 0,2 % du patrimoine financier des Français. Notre objectif est d’atteindre le 1 %”

L’épargnepg de partagep g s’apparente au don

Actuelleme­nt, un huitième de l’encours provient des livrets d’épargne (livret A, LDDS – livret de développem­ent durable et solidaire), soit 1,18 milliard d’euros. La solidarité fonctionne selon un mécanisme de partage : les épargnants abandonnen­t tout ou partie de leurs intérêts au profit de l’économie sociale et solidaire. La Banque Postale propose ainsi un “service intérêts solidaires” depuis 2 ans. “Ce service permet de verser les intérêts aux associatio­ns que la Banque Postale a sélectionn­ées, détaille François Boisseau.

C’est une solution qui s’apparente au don, avec les avantages fiscaux classiques.” La banque se focalise sur le thème de l’inclusion bancaire, “car nous sommes

la banque du livret A”, rappelle Mouna Aoun, directrice des clientèles mass market et spécifique­s. L’assiette du mécanisme est large, son fonctionne­ment souple (on verse de 25 à 100 % des revenus), simple, avec une défiscalis­ation des revenus. L’an dernier, la majorité des clients de la Banque Postale a versé 100 % des intérêts, dons abondés par la banque. La Maif propose de son côté une gamme d’épargne intégralem­ent solidaire. Sur leur livret Autrement, labellisé Finansol, les épargnants abandonnen­t 25 % de leurs intérêts à un fonds solidaire Maif, qui va les reverser sous forme de dons à des associatio­ns sélectionn­ées. Pionnier de l’épargne solidaire, Habitat et Humanisme est quanant à elle présente dans une grande partie des réseaux bancaires et premier bénéficiai­re de l’épargne de partage. “Pour informer sur la rentabilit­é sociale de nos actions, nous envoyons aux sympathisa­nts (investisse­urs, épargnants, donateurs) une newsletter d’informatio­n, explique Lydie

Crepet. Nous sommes contents du développem­ent de la collecte car le solidaire mobilise, même s’il existe une inquiétude sur l’évolution de la réglementa­tion fiscale et la fin annoncée de l’ISF.” Du côté des obstacles, le taux d’intérêt des livrets réglementé­s à 0,75 % n’est pas des plus favorables. “Il faudrait plus de rendements pour ces produits !”, s’exclame Mouna Aoun. Et selon François Boisseau, une partie des Français préfère donner directemen­t, sans passer par un produit financier. “On retrouve un penchant ppour le circuit court”, notetÀ noter que les titulaires de LDDS auront la possibilit­é de faire don, en plus des intérêts, d’une partie de leur capital… dès lors que seront publiés les décrets d’applicatio­n. En 2016, l’épargne de partage a permis de reverser plus de 5 millions d’euros de dons.

Développer­pp l’assurance-vie solidaire

Pour l’épargne de long terme, la Maif propose un contrat d’assurance-vie responsabl­e et solidaire, en gestion libre ou pilotée.

“C’est un contrat multisuppo­rts

(fonds en euros et unités de compte) avec un taux d’intérêt à 2,30 % en 2016, soit dans le haut du marché”, développe Loïc Dano. Les équipes de gestion investisse­nt selon des critères ISR, sur des supports cotés, à 85 %. 1 % de l’encours du contrat est investi dans des unités de compte responsabl­es et solidaires (Fonds Maif Impact Solidaire). Pour l’assurance-vie, le mécanisme de partage peut aussi fonctionne­r, en versant une partie des droits d’entrée au moment de la souscripti­on, ou une partie des bénéfices. Mais quoi qu’il en soit, le placement préféré des

Français (avec le livret A) n’est pas encore très développé dans

sa version solidaire. “Tous les produits d’épargne devraient avoir leur déclinaiso­n solidaire. 40 % de l’épargne est investie dans l’assurance-vie, soit 1 500 milliards d’euros, mais il existe très peu de produits solidaires” regrette Sophie des Mazery. Selon Finansol, la méconnaiss­ance des mécanismes au sein des banques et assurances explique cette frilosité. “Il

faut avancer sur ces sujets, ajoutetNou­s sommes intimement persuadés que c’est possible. Avant la mise en place des dispositif­s obligatoir­es, les banques et assureurs estimaient déjà que le solidaire était trop compliqué.”elle. L’associatio­n espère le soutien des pouvoirs publics, et même une réglementa­tion en ce sens, tout en discutant avec les acteurs économique­s. “Il faut avancer pour mieux faire connaître ces entreprise­s solidaires qui ont une économie pérenne et un impact majeur sur la société”, soutient Sophie des Mazery. Faire oeuvre de pédagogie s’avère indispensa­ble. “Dans les banques, les conseiller­s ne sont pas forcément à l’aise pour parler de ces produits, analyse Mouna

Aoun. Le don d’intérêts diminue

la performanc­e financière, ce n’est

pas facile à vendre.” La Banque Postale forme ainsi ses collaborat­eurs à ces thématique­s. “Les clients sont plus enclins à répondre aux thématique­s affinitair­es ou communauta­ires, relève Mouna

Aoun. Il faut aussi penser à donner des feedbacks aux clients, qui recherchen­t une histoire, un retour qualitatif et quantitati­f sur l’impact de leur don.”

Il est également possible d’investir directemen­t dans des entreprise­s solidaires sans passer par sa banque ou sa société de gestion. C’est ce que propose par exemple la Fédération Habitat et Humanisme “Il faut avancer pour mieux faire connaître ces entreprise­s solidaires qui ont une économie pérenne et un impact majeur sur la société”

 ??  ??
 ??  ?? “Où va notre argent ? Comment est-il géré ? Nous devons être le plus transparen­ts possible, tout en produisant du
rendement.” Loïc Dano, Maif.
“Où va notre argent ? Comment est-il géré ? Nous devons être le plus transparen­ts possible, tout en produisant du rendement.” Loïc Dano, Maif.
 ??  ?? “Le taux d’intérêt des livrets réglementé­s à 0,75 % n’est pas des plus favorables. Il faudrait plus de rendements
pour ces produits !” Mouna Aoun, Banque Postale.
“Le taux d’intérêt des livrets réglementé­s à 0,75 % n’est pas des plus favorables. Il faudrait plus de rendements pour ces produits !” Mouna Aoun, Banque Postale.
 ??  ?? “Tous les produits d’épargne devraient avoir leur déclinaiso­n solidaire. 40 % de l’épargne est investie dans l’assurancev­ie, soit 1 500 milliards d’euros, mais il existe très peu de produits solidaires.”
Sophie des Mazery, Finansol.
“Tous les produits d’épargne devraient avoir leur déclinaiso­n solidaire. 40 % de l’épargne est investie dans l’assurancev­ie, soit 1 500 milliards d’euros, mais il existe très peu de produits solidaires.” Sophie des Mazery, Finansol.

Newspapers in French

Newspapers from France