Le Nouvel Économiste

Démocrates et Républicai­ns, le champ de ruines

Les deux patients sont dans un état critique, avec un parti de l’éléphant en soins palliatifs et un parti de l’âne en réanimatio­n

- TRUMP POWER, VINCENT MICHELOT,, pprofesseu­rf d’histoire politique des États-Unis à Sciences Po Lyon

Avec un parti de l’éléphant en soins palliatifs et un parti de l’âne en réanimatio­n

Les élections intermédia­ires du mardi 7 novembre ont livré de nombreux enseigneme­nts sur la santé des partis démocrate et républicai­n. Le diagnostic va encore s’affiner le mardi 12 décembre avec l’élection sénatorial­e partielle dans l’Alabama pour remplacer Jeff Sessions, nommé ministre de la Justice par le président Trump. On peut le dire : les deux patients sont dans un état critique, avec un parti de l’éléphant en soins palliatifs et un parti de l’âne en réanimatio­n. D’abord, ni l’un ni l’autre ne sont parvenus à garder la maîtrise du processus de désignatio­n

Les partis politiques, comme les syndicats, jouent un rôle fondamenta­l de médiateurs. (…) Sans eux, la porte est grand ouverte à l’autoritari­sme et à la démagogie.

de leur candidat(e) à la présidence: Donald Trump n’était évidemment pas soutenu par l’establishm­ent républicai­n ; il a fait campagne contre son propre parti en s’appuyant sur un segment minoritair­e mais influent de sa base conservatr­ice. Hillary Clinton, elle, a fondé toute sa stratégie sur une capture préemptive de l’appareil démocrate pour empêcher à l’avance toute forme de réelle joute électorale lors des primaires.

Démocrates sans programme, ni stratégie et porte-parole

Donna Brazile, la présidente par intérim du parti démocrate de juillet 2016 à février 2017, laisse entendre dans son dernier ouvrage, ‘Hacks’, que les primaires démocrates auraient été “truquées”, et Bernie Sanders continue, un an après l’élection, à régler ses comptes avec un parti qui a eu le plus grand mal, cet hiver, à élire un pprésident. Tom Perez, l’ancien secrétaire d’État au travail de Barack Obama, est depuis sa désignatio­n porté disparu, laissant le devant de la scène médiatique aux deux figures de proue du parti que sont Nancy Pelosi, la leader de la minorité démocrate à la Chambre des représenta­nts, et Chuck Schumer, son homologue au Sénat. QQuasiment absent dans deux tiers des États américains àl’excepg tion des zones urbaines, le parti a reconquis le 7 novembre 27 siègesg dans les assemblées législativ­es des États après en avoir perdu plus de 1 000 lors des derniers scrutins. Il est aussi privé de programme économique, de stratégie politique et de porte-parole, guidé par la jouvence sénescente de Jo Biden, 74 ans, et Bernie Sanders, 74 ans.

Républicai­ns fracturés comme jamais

Côté républicai­n, les fractures sont multiples: au Congrès, le Freedom Caucus, groupe de représenta­nts issus de la mouvance Tea Party, joue le rôle de commissair­e politique d’un conservati­sme libertarie­n, identitair­e et nationalis­te d’une rigidité absolue, et donc d’empêcheur de légiférer en rond pour Mitch McConnell, le leader des républicai­ns à la Chambre haute et Paul Ryan, le speaker. Le leadership du parti à l’échelle nationale est en conflit permanent avec les structures fédérées du parti, qui ne tolèrent plus un conservati­sme “mou” et “inefficace”. Lorsqu’il désigne et soutient un candidat dans une primaire, il lui accroche une cible dans le dos pour que les inconditio­nnels de Donald Trump exercent sur lui leurs droits de porter des armes électorale­s. Sans doute instruits par les statistiqu­es qui sont terribles pour le parti d’un président à moins de 50 % de popularité lors des élections de mi-mandat, un nombre sans précédent d’élus républicai­ns dans les deux chambres, en particulie­r dans des États ou descircons­cripp tions réellement compétitif­s, ont annoncé leur retrait de la politique. Enfin, si Donald Trump a bien pris le contrôle du parti, c’est par la menace, non par l’adhésion à une doctrine, une stratégie ou un programme. L’explicatio­n de la très faible productivi­té législativ­e d’un parti qui a la majorité dans les deux chambres et qui occupe la Maison-Blanche se trouve là. Et puis il y a Roy Moore, deux fois démis de ses fonctions de président de la Cour suprême de l’Alabama ppour avoir refusé d’appliquerp­pq la jjurisprud­ence p de la Cour suprême des États-Unis, grand pourfendeu­r de l’homosexual­ité, qui remporta, Bible en bandoulièr­e, la primaire sénatorial­e républicai­ne en Alabama. Aujourd’hui visé par des accusation­s détaillées d’attoucheme­nts sur mineures dans sa jeunesse, il refuse de se retirer de la course et lance ainsi une bombe à fragmentat­ion chez les républicai­ns. Les partis politiques, comme les syndicats, jouent un rôle fondamenta­l de médiateurs. Ils filtrent les candidatur­es, coordonnen­t l’action à l’intérieur d’un système institutio­nnel complexe, établissen­t priorités et hiérarchie­s dans les politiques publiques, entretienn­ent le lien entre les élus et les électeurs et patrouille­nt à la frontière entre le dicible et l’indicible dans la sphère publique. Sans eux, la porte est grand ouverte à l’autoritari­sme et à la démagogie.

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