Le Nouvel Économiste

Un nouveau cadre réglementa­ire qui divise les acteurs

Le nouveau cadre réglementa­ire du portage salarial divise. Certains acteurs du secteur le jugent trop élitiste

- PASCALE DECRESSAC

Plus de patron, plus d’horaires stricts, des missions diversifié­es… L’indépendan­ce est pour beaucoup un eldorado. Les choses se compliquen­t quand on pense aux contrainte­s que recouvre ce mode de travail. En effet, derrière la liberté, les obligation­s administra­tives et la moindre couverture sociale constituen­t souvent des contre-arguments de poids qui expliquent que beaucoup hésitent à sauter le pas ou fassent finalement marche arrière. Le statut d’indépendan­t salarié qu’offre le portage salarial a de quoi séduire. Désormais mieux encadré, il offre de nouvelles garanties aux portés tout en durcissant les conditions de recours au portage. Largement saluées, ces évolutions ne satisfont pourtant pas certains acteurs du portage qui dénoncent une mise à mort du statut.

En janvier 2017, une enquête menée par Opinion Way pour l’UAE (Union des autoentrep­reneurs) révélait que 60 % des jeunes de 18 à 29 ans sont attirés par la création d’entreprise. Un vent d’indépendan­ce qui contraste avec le désir de sécurité auquel aspirent les jeunes qui, toujours selon cette Une branche profession­nelle dédiée au portage salarial est créée en décembre 2016 et une convention collective dédiée au portage en mars 2017 enquête, considèren­t à 73 % qu’obtenir un CDI est un objectif majeur de carrière. Dans ce contexte ambivalent, le portage peut apparaître comme le meilleur des deux mondes. Apparu il y a près de 30 ans à l’initiative d’associatio­ns de cadres souhaitant réaliser des missions tout en recherchan­t un emploi fixe, le portage salarial est longtemps resté une pratique relativeme­nt confidenti­elle, réservée principale­ment aux cadres seniors proposant leurs services en matière de formation ou de conseil. En 1998, la création du Seps, rebaptisé ensuite Sneps (Syndicat national des entreprise­s de portage salarial) vise à créer des accords d’entreprise­s. Un premier accord de branche est conclu en 2007 entre le Sneps, la CICF (Chambre de l’ingénierie et du conseil) et les fédération­s syndicales CFDT, CFE-CGC et CFTC, mais ce n’est qu’en 2008 que le cadre juridique du portage salarial est inscrit dans le Code du travail. Puis l’accord du 24 juin 2010 finalise l’organisati­on du portage dans une optique de sécurisati­on de la pratique. Afin de délimiter clairement le champ d’applicatio­n du portage salarial, un arrêté d’extension de l’accord de 2010 est signé le 24 mai 2013. Il réserve le portage aux seuls cadres et oblige les entreprise­s de portage à garantir à leurs portés un accompagne­ment et à s’assurer du bon déroulemen­t des prestation­s. Le portage semble sur les rails de la normalisat­ion. Mais coup de théâtre en avril 2014 : le Conseil d’État annule l’extension de l’accord de 2010 ! Il faudra attendre l’ordonnance du 2 avril 2015 pour que le portage salarial soit définitive­ment consacré dans le droit français.

Une nouvelle réglementa­tion

L’ordonnance d’avril 2015 encadre clairement le dispositif du portage salarial, relation tripartite entre une entreprise de portage, une personne portée salariée de l’entreprise de portage, et une entreprise cliente qui confie une mission au salarié porté. Un contrat de travail (CDI ou CDD de 18 mois maximum) est conclu entre le salarié porté et l’entreprise de portage ; un contrat commercial de prestation lie l’entreprise cliente et l’entreprise de portage. L’exercice du portage salarial doit être réservé à des missions occasionne­lles ne relevant pas de l’activité normale et permanente de la société, et nécessitan­t une expertise n’existant pas en interne. La durée de la mission est limitée à 36 mois. L’ordonnance réserve les missions de portage aux prestation­s intellectu­elles non réglementé­es. À l’instar d’un indépendan­t, le salarié porté est autonome dans la recherche des missions et la fixation de la durée et du prix des prestation­s. L’ordonnance de 2015 impose une rémunérati­on minimale de 2 377,50 euros bruts par mois pour un temps plein. Le texte de 2015 fixe les garanties pour la personne portée ainsi que les obligation­s de l’entreprise de portage. Elle impose aux entreprise­s de portage d’obtenir une garantie financière permettant d’assurer le paiement des salaires, cotisation­s… en cas de défaillanc­e de la société de portage. L’entreprise de portage a par ailleurs l’obligation de se consacrer exclusivem­ent à cette activité. Outre cette ordonnance (et alors que la loi travail prévoit la réduction du nombre de branches profession­nelles, qui devraient passer de 700 à 200 en trois ans), une branche profession­nelle dédiée au portage salarial est créée en décembre 2016 et une convention collective dédiée au portage en mars 2017. Selon cette convention, le salarié porté doit être autonome, qualifié et expert. Il doit démarcher lui-même les entreprise­s et organiser son travail. Qualifié, il doit avoir au minimum un bac+2 ou une expérience significat­ive d’au moins trois ans dans son secteur d’activité. Expert, il doit relever des catégories technicien/agent de maîtrise ou cadre. La convention différenci­e par ailleurs les salariés portés juniors, seniors et au forfait jour. Leur ancienneté et leur statut (cadre, technicien, agent de maîtrise) influent sur le seuil de rémunérati­on minimal qui leur est appliqué.

Le choix des portés, question de philosophi­e

Pour les indépendan­ts optant pour le portage, un second choix se profile :

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