Études marketing “express”, l’information magique ?
Réputées rapides, fiables et économiques, ces études bouclées en quelques heures le sont-elles vraiment ?
Besoin de sortir un chiffre, de tester une campagne ou un concept pour la réunion de demain ? En solution de repli, c’est parfois un “test de couloir”, mené sur la base de l’intuition des collègues, qui fait foi. Il faut dire que malgré les contraintes temporelles et l’accélération de L’automatisation d’une partie des dispositifs, en particulier de la collecte d’informations, est le principal levier des instituts d’études pour accélérer le temps la prise de décision en entreprise, les études qualitatives de terrain peuvent parfois prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Résultat : les entreprises se replient sur des solutions de recueil d’informations en interne. Face à cette concurrence, les instituts
d’études et sondages cherchent à rattraper le gap en compressant
les délais. “Les clients nous challengent pour obtenir des réponses très rapides sur des problématiques précises. Il est impératif de faire évoluer le marché des études en repensant la façon de questionner et de livrer des résultats. Le temps se raccourcit pour les annonceurs et les études online n’étaient plus suffisantes pour apporter des réponses simples, concrètes, en temps réel”, observe Nathalie Perrio-Combeaux, co-présidente d’Harris Interactive. Conséquence, les études express, qui offrent des résultats quasi instantanés, réduits à quelques jours, parfois quelques heures, ont fait leur apparition dans les grandes maisons. À la clé, davantage d’agilité, face à la digitalisation des business et l’augmentation des datas disponibles. “Alors que les marques sont soumises à une très forte pression, le monde des études est encore trop souvent décorrélé de leurs contraintes et des modes de consommation. Un non-sens, dans une industrie qui a vocation à devenir un secteur à forte dominante technologique pour s’approcher le plus possible du real time”, affirme Frédéric-Charles Petit, président fondateur de Toluna. Le rachat d’Harris Interactive Europe par ce spécialiste des études “do it yourself” illustre d’ailleurs la tendance du secteur, qui cherche à rattraper son retard. L’automatisation d’une partie des dispositifs, en particulier de la collecte d’informations, est le principal levier des instituts d’études pour accélérer le temps. Harris Interactive a mis en place un protocole ultra-rapide avec Harris 24, enquête d’opinion ou marketing qui permet de répondre en une journée à 50 questions, administrées par l’institut. Une solution prisée des médias, comme RMC, qui l’utilise pour lancer ses débats matinaux, la veille pour le lendemain. “Rapides, fiables et économiques, ces solutions ont quelque chose de magique pour les marketeurs”, selon Nathalie Perrio-Combeaux. Dans le cadre de ses études insight, Toluna a également enrichi sa plateforme automatisée à l’aide d’un tracking digital, qui permet de suivre les comportements d’achat des internautes en temps réel, sur la base de leur consentement. Chez Médiamétrie, un département “consumer insight” analyse les
comportements des consommateurs dans le cadre d’offres surmesure. “Si la demande demeure très orientée autour des médias, du digital et de la compréhension client, elle s’élargit en dehors du spectre habituel, avec des besoins émanant du e-commerce, des technologies de l’information, du transport et de la mobilité”, observe Baptiste Didier, directeur du pôle comportement média et ad’hoc de Médiamétrie. De nouvelles opportunités de marché pour un public élargi : si elles ne remplacent pas les études qualitatives, elles pourraient néanmoins les inspirer.
Des études pour tous
Au-delà de leur rapidité, les études automatisées présentent l’intérêt d’être abordables. Comme Harris Interactive, Médiamétrie propose une solution Omnibus dans le cadre de son offre hebdomadaire Médiafit, à l’aide d’un protocole précis de questions. Une enquête menée simultanément pour le compte de plusieurs clients. Le ticket d’entrée se situe à partir de 350 euros la question, quand une étude qualitative se chiffre à plusieurs milliers d’euros. L’offre 24 heures d’Ipsos, avec 4 à 7 questions, est accessible dès 3 000 euros HT. Le moyen, pour les agences, de toucher une nouvelle clientèle. “Cette offre nous permet de nous adresser à des clients qui ne connaissent pas l’institut, ainsi qu’à ceux qui n’ont pas le budget pour commander des études plus importantes”, relève
Chez Médiamétrie, le ticket d’entrée se situe à partir de 350 euros la question, quand une étude qualitative se chiffre à plusieurs milliers d’euros. L’offre 24 heures d’Ipsos, avec 4 à 7 questions, est accessible dès 3 000 euros HT Le risque réside dans la professionnalisation des personnes interrogées, rétribuées à l’aide de petites sommes ou d’avantages. Pour limiter les risques de biais, les règles Esomar assurent la bonne gestion du panel
Baptiste Didier. Pour les annonceurs qui possèdent les compétences en interne, la plateforme Quicksurveys de Toluna, solution intégrée à l’aide d’une méthodologie et de questionnaires préconstruits, permet de déployer rapidement des études insight à partir de quelques centaines d’euros. Automatisation des process rime donc avec démocratisation du secteur : “Aujourd’hui, tout le monde peut faire de la publicité
mais l’accès est limité par une barrière à l’entrée qui est celle des études marketing. L’accessibilité est la grande évolution du secteur”, selon Frédéric-Charles Petit. Si les économies sont réalisées grâce à l’automatisation du recueil de données, c’est la taille du panel qui assure la fiabilité des études express. “Un point clé, pour assurer la disponibilité d’un échantillonnage représentatif de la population internaute”, selon Harris Interactive, qui revendique 13 millions d’individus dans 50 pays. Le risque réside néanmoins dans la professionnalisation des personnes interrogées, rétribuées à l’aide de petites sommes ou d’avantages. Pour limiter les risques de biais, des règles de management strictes, encadrées par les règles Esomar, assurent la bonne gestion du panel. L’objectif reste celui de l’efficacité. “La volonté est de proposer un dispositif automatisé qui soit consumer centric, qui replace le consommateur au centre du jeu, tout en étant agile, et donc capable de s’adapter aux contraintes des mutations de marché”, estime Nathalie Perrio-Combeaux. Sur ce modèle, Harris Interactive élargit d’ailleurs ses offres Concept Express, totalement automatisée, et son dernier né, Pack Express. Une stratégie porteuse, puisque ces solutions promettent une croissance de 150 % d’ici la fin de l’année, assure l’institut. Destinées à tester un concept, une campagne ou une communication de crise, ces solutions ont néanmoins un objectif plus tactique que stratégique.
Des résultats lisibles par tous, le conseil en option
L’avantage opérationnel des études express repose aussi sur la lisibilité des résultats. Dashboards, cartographies, infographies modélisables en temps réel… les rapports sont fournis sous forme de “livrables visuels et interactifs, dans l’air du temps, accessibles à tous les publics d’une structure”, selon Nathalie Perrio-Combeaux. Accessibles, les études marketing ne sont plus le pré carré des responsables d’études et proposent des éléments structurants aux responsables digitaux, de communication ou des ressources humaines. Limité, le panel sollicité reste néanmoins figé par des quotas. Pour des résultats davantage ciblés, les agences proposent un accompagnement supplémentaire pour l’analyse des résultats, qui peut vite faire grimper les prix. L’avantage : un service sur mesure. “La grande tendance actuelle est le besoin en termes d’opérationnalité. Auparavant, la demande portait sur de la culture générale, c’est-à-dire sur la connaissance globale des comportements. Aujourd’hui, il y a une vraie attente de recommandations, sur des questions précises, à court terme. L’analyse humaine reste la valeur ajoutée du secteur”, selon Baptiste Didier. Plus accessibles, les études automatisées n’en demeurent pas moins destinées à des problématiques marketing et non stratégiques. En parallèle, les instituts développent sur le même modèle des enquêtes qualitatives, sur la base de communautés en ligne. L’objectif est d’aller plus loin et de comprendre, à partir d’une donnée, pourquoi une opinion est plébiscitée par une population particulière. Dans cette perspective, Harris Interactive a développé l’offre Pop up Communities, qui permet faire réagir la cible à l’image d’un “micro-trottoir”.
“Nous travaillons sur la création de communautés qui permettent aux panélistes de se connecter en fonction de leur disponibilité, sur le modèle d’une mission. Cette solution permet de disposer immédiatement d’un panel qui prend normalement plusieurs semaines à être recruté”, note Nathalie Perrio-Combeaux. QuickCommunities de Toluna permet aux marques une immersion aux côtés de leur cible de consommateurs à travers plus de 250 communautés dans le monde, avec un premier retour en trois jours. De son côté, Ipsos mise sur le digital pour mener des enquêtes satisfaction dès la sortie de magasin, service également proposé par la PME Audirep. Cette dernière surfe également sur la créativité des internautes pour inventer les
produits, concepts et campagnes de demain, à l’aide d’outils collaboratifs. “Les entreprises pratiquent de plus en plus elles-mêmes le recueil d’information. Pour rester sur le marché, il nous faut imaginer des solutions créatives, à 360 degrés, tout en misant sur le conseil et les recommandations”, analyse Laurence Hua, directrice commerciale et marketing d’Audirep. Un marché en ébullition, qui fera face aux nouvelles concurrences en couplant le digital, à l’humain.