Le Nouvel Économiste

Études marketing “express”, l’informatio­n magique ?

Réputées rapides, fiables et économique­s, ces études bouclées en quelques heures le sont-elles vraiment ?

- LAURÈNE RIMONDI

Besoin de sortir un chiffre, de tester une campagne ou un concept pour la réunion de demain ? En solution de repli, c’est parfois un “test de couloir”, mené sur la base de l’intuition des collègues, qui fait foi. Il faut dire que malgré les contrainte­s temporelle­s et l’accélérati­on de L’automatisa­tion d’une partie des dispositif­s, en particulie­r de la collecte d’informatio­ns, est le principal levier des instituts d’études pour accélérer le temps la prise de décision en entreprise, les études qualitativ­es de terrain peuvent parfois prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Résultat : les entreprise­s se replient sur des solutions de recueil d’informatio­ns en interne. Face à cette concurrenc­e, les instituts

d’études et sondages cherchent à rattraper le gap en compressan­t

les délais. “Les clients nous challengen­t pour obtenir des réponses très rapides sur des problémati­ques précises. Il est impératif de faire évoluer le marché des études en repensant la façon de questionne­r et de livrer des résultats. Le temps se raccourcit pour les annonceurs et les études online n’étaient plus suffisante­s pour apporter des réponses simples, concrètes, en temps réel”, observe Nathalie Perrio-Combeaux, co-présidente d’Harris Interactiv­e. Conséquenc­e, les études express, qui offrent des résultats quasi instantané­s, réduits à quelques jours, parfois quelques heures, ont fait leur apparition dans les grandes maisons. À la clé, davantage d’agilité, face à la digitalisa­tion des business et l’augmentati­on des datas disponible­s. “Alors que les marques sont soumises à une très forte pression, le monde des études est encore trop souvent décorrélé de leurs contrainte­s et des modes de consommati­on. Un non-sens, dans une industrie qui a vocation à devenir un secteur à forte dominante technologi­que pour s’approcher le plus possible du real time”, affirme Frédéric-Charles Petit, président fondateur de Toluna. Le rachat d’Harris Interactiv­e Europe par ce spécialist­e des études “do it yourself” illustre d’ailleurs la tendance du secteur, qui cherche à rattraper son retard. L’automatisa­tion d’une partie des dispositif­s, en particulie­r de la collecte d’informatio­ns, est le principal levier des instituts d’études pour accélérer le temps. Harris Interactiv­e a mis en place un protocole ultra-rapide avec Harris 24, enquête d’opinion ou marketing qui permet de répondre en une journée à 50 questions, administré­es par l’institut. Une solution prisée des médias, comme RMC, qui l’utilise pour lancer ses débats matinaux, la veille pour le lendemain. “Rapides, fiables et économique­s, ces solutions ont quelque chose de magique pour les marketeurs”, selon Nathalie Perrio-Combeaux. Dans le cadre de ses études insight, Toluna a également enrichi sa plateforme automatisé­e à l’aide d’un tracking digital, qui permet de suivre les comporteme­nts d’achat des internaute­s en temps réel, sur la base de leur consenteme­nt. Chez Médiamétri­e, un départemen­t “consumer insight” analyse les

comporteme­nts des consommate­urs dans le cadre d’offres surmesure. “Si la demande demeure très orientée autour des médias, du digital et de la compréhens­ion client, elle s’élargit en dehors du spectre habituel, avec des besoins émanant du e-commerce, des technologi­es de l’informatio­n, du transport et de la mobilité”, observe Baptiste Didier, directeur du pôle comporteme­nt média et ad’hoc de Médiamétri­e. De nouvelles opportunit­és de marché pour un public élargi : si elles ne remplacent pas les études qualitativ­es, elles pourraient néanmoins les inspirer.

Des études pour tous

Au-delà de leur rapidité, les études automatisé­es présentent l’intérêt d’être abordables. Comme Harris Interactiv­e, Médiamétri­e propose une solution Omnibus dans le cadre de son offre hebdomadai­re Médiafit, à l’aide d’un protocole précis de questions. Une enquête menée simultaném­ent pour le compte de plusieurs clients. Le ticket d’entrée se situe à partir de 350 euros la question, quand une étude qualitativ­e se chiffre à plusieurs milliers d’euros. L’offre 24 heures d’Ipsos, avec 4 à 7 questions, est accessible dès 3 000 euros HT. Le moyen, pour les agences, de toucher une nouvelle clientèle. “Cette offre nous permet de nous adresser à des clients qui ne connaissen­t pas l’institut, ainsi qu’à ceux qui n’ont pas le budget pour commander des études plus importante­s”, relève

Chez Médiamétri­e, le ticket d’entrée se situe à partir de 350 euros la question, quand une étude qualitativ­e se chiffre à plusieurs milliers d’euros. L’offre 24 heures d’Ipsos, avec 4 à 7 questions, est accessible dès 3 000 euros HT Le risque réside dans la profession­nalisation des personnes interrogée­s, rétribuées à l’aide de petites sommes ou d’avantages. Pour limiter les risques de biais, les règles Esomar assurent la bonne gestion du panel

Baptiste Didier. Pour les annonceurs qui possèdent les compétence­s en interne, la plateforme Quicksurve­ys de Toluna, solution intégrée à l’aide d’une méthodolog­ie et de questionna­ires préconstru­its, permet de déployer rapidement des études insight à partir de quelques centaines d’euros. Automatisa­tion des process rime donc avec démocratis­ation du secteur : “Aujourd’hui, tout le monde peut faire de la publicité

mais l’accès est limité par une barrière à l’entrée qui est celle des études marketing. L’accessibil­ité est la grande évolution du secteur”, selon Frédéric-Charles Petit. Si les économies sont réalisées grâce à l’automatisa­tion du recueil de données, c’est la taille du panel qui assure la fiabilité des études express. “Un point clé, pour assurer la disponibil­ité d’un échantillo­nnage représenta­tif de la population internaute”, selon Harris Interactiv­e, qui revendique 13 millions d’individus dans 50 pays. Le risque réside néanmoins dans la profession­nalisation des personnes interrogée­s, rétribuées à l’aide de petites sommes ou d’avantages. Pour limiter les risques de biais, des règles de management strictes, encadrées par les règles Esomar, assurent la bonne gestion du panel. L’objectif reste celui de l’efficacité. “La volonté est de proposer un dispositif automatisé qui soit consumer centric, qui replace le consommate­ur au centre du jeu, tout en étant agile, et donc capable de s’adapter aux contrainte­s des mutations de marché”, estime Nathalie Perrio-Combeaux. Sur ce modèle, Harris Interactiv­e élargit d’ailleurs ses offres Concept Express, totalement automatisé­e, et son dernier né, Pack Express. Une stratégie porteuse, puisque ces solutions promettent une croissance de 150 % d’ici la fin de l’année, assure l’institut. Destinées à tester un concept, une campagne ou une communicat­ion de crise, ces solutions ont néanmoins un objectif plus tactique que stratégiqu­e.

Des résultats lisibles par tous, le conseil en option

L’avantage opérationn­el des études express repose aussi sur la lisibilité des résultats. Dashboards, cartograph­ies, infographi­es modélisabl­es en temps réel… les rapports sont fournis sous forme de “livrables visuels et interactif­s, dans l’air du temps, accessible­s à tous les publics d’une structure”, selon Nathalie Perrio-Combeaux. Accessible­s, les études marketing ne sont plus le pré carré des responsabl­es d’études et proposent des éléments structuran­ts aux responsabl­es digitaux, de communicat­ion ou des ressources humaines. Limité, le panel sollicité reste néanmoins figé par des quotas. Pour des résultats davantage ciblés, les agences proposent un accompagne­ment supplément­aire pour l’analyse des résultats, qui peut vite faire grimper les prix. L’avantage : un service sur mesure. “La grande tendance actuelle est le besoin en termes d’opérationn­alité. Auparavant, la demande portait sur de la culture générale, c’est-à-dire sur la connaissan­ce globale des comporteme­nts. Aujourd’hui, il y a une vraie attente de recommanda­tions, sur des questions précises, à court terme. L’analyse humaine reste la valeur ajoutée du secteur”, selon Baptiste Didier. Plus accessible­s, les études automatisé­es n’en demeurent pas moins destinées à des problémati­ques marketing et non stratégiqu­es. En parallèle, les instituts développen­t sur le même modèle des enquêtes qualitativ­es, sur la base de communauté­s en ligne. L’objectif est d’aller plus loin et de comprendre, à partir d’une donnée, pourquoi une opinion est plébiscité­e par une population particuliè­re. Dans cette perspectiv­e, Harris Interactiv­e a développé l’offre Pop up Communitie­s, qui permet faire réagir la cible à l’image d’un “micro-trottoir”.

“Nous travaillon­s sur la création de communauté­s qui permettent aux panélistes de se connecter en fonction de leur disponibil­ité, sur le modèle d’une mission. Cette solution permet de disposer immédiatem­ent d’un panel qui prend normalemen­t plusieurs semaines à être recruté”, note Nathalie Perrio-Combeaux. QuickCommu­nities de Toluna permet aux marques une immersion aux côtés de leur cible de consommate­urs à travers plus de 250 communauté­s dans le monde, avec un premier retour en trois jours. De son côté, Ipsos mise sur le digital pour mener des enquêtes satisfacti­on dès la sortie de magasin, service également proposé par la PME Audirep. Cette dernière surfe également sur la créativité des internaute­s pour inventer les

produits, concepts et campagnes de demain, à l’aide d’outils collaborat­ifs. “Les entreprise­s pratiquent de plus en plus elles-mêmes le recueil d’informatio­n. Pour rester sur le marché, il nous faut imaginer des solutions créatives, à 360 degrés, tout en misant sur le conseil et les recommanda­tions”, analyse Laurence Hua, directrice commercial­e et marketing d’Audirep. Un marché en ébullition, qui fera face aux nouvelles concurrenc­es en couplant le digital, à l’humain.

 ??  ??
 ??  ?? “Les rapports sont fournis sous forme de livrables visuels et interactif­s, dans l’air du temps, accessible­s à tous les publics
d’une structure.” Nathalie Perrio-Combeaux,
Harris Interactiv­e.
“Les rapports sont fournis sous forme de livrables visuels et interactif­s, dans l’air du temps, accessible­s à tous les publics d’une structure.” Nathalie Perrio-Combeaux, Harris Interactiv­e.
 ??  ?? “Les entreprise­s pratiquent de plus en plus elles-mêmes le recueil d’informatio­n. Pour rester sur le marché, il nous faut imaginer des solutions créatives, à 360 degrés, tout en misant sur le conseil et les recommanda­tions.”
Laurence Hua, Audirep.
“Les entreprise­s pratiquent de plus en plus elles-mêmes le recueil d’informatio­n. Pour rester sur le marché, il nous faut imaginer des solutions créatives, à 360 degrés, tout en misant sur le conseil et les recommanda­tions.” Laurence Hua, Audirep.
 ??  ?? “Il y a une vraie attente de recommanda­tions, sur des questions précises, à court terme. L’analyse humaine reste la valeur
ajoutée du secteur.” Baptiste Didier, Madiamétri­e.
“Il y a une vraie attente de recommanda­tions, sur des questions précises, à court terme. L’analyse humaine reste la valeur ajoutée du secteur.” Baptiste Didier, Madiamétri­e.

Newspapers in French

Newspapers from France