Le Nouvel Économiste

Le market timing

Un exercice très rémunérate­ur mais qui requiert un certain autisme

- BERTRAND JACQUILLAT

L’éditoriali­ste des marchés financiers du ‘Financial Times’, John Authers, livrait récemment les résultats d’une méthode d’investisse­ment s’appuyant sur les tendances générales des marchés (market timing). Le modèle qu’il utilisait reposait sur deux ETF (Exchange Traded Funds)...

L’éditoriali­ste des marchés financiers du ‘Financial Times’, John Authers, livrait récemment les résultats d’une méthode d’investisse­ment s’appuyant sur les tendances générales des marchés (market timing). Le modèle qu’il utilisait reposait sur deux ETF (Exchange Traded Funds) : un ETF actions sur l’indice S&P’s 500, et un ETF en obligation­s du Trésor américain. Il est tentant de se livrer à cet exercice de market timing qui consiste à investir en actions dès que le marché d’actions a atteint un plus bas, et inverser sa position lorsqu’il a atteint un plus haut. Et symétrique­ment pour les obligation­s, à acheter l’ETF lorsque les taux sont à la baisse et à le vendre à découvert lorsque les taux sont à la hausse. Depuis 2003, il aurait suffi qu’il ne modifie sa position que cinq fois pour faire fructifier 100 $ devenus 5 888 $ 15 ans plus tard, alors qu’avec l’achat pur et simple de l’ETF S&P’s 500, ses 100 $ ne seraient devenus que 440 $. Cette parcimonie est confirmée par une stratégie équivalent­e conduite avec l’un des indicateur­s du modèle Trival d’Associés en Finance, la prime de marché, qui mesure la différence entre les “promesses” de rentabilit­é qu’offrent les actions françaises et le taux des OAT, puis les actions de la zone euro et le taux du Bund à compter de la création de la zone euro. Si la prime de marché est élevée, l’indicateur donne le signal de se porter sur le marché des actions. Ce fut notamment le cas en décembre 1982, décembre 1995, septembre 2001 et décembre 2008. Si la prime de marché est faible, c’est le signal de sortir du marché des actions, tel fut le cas en septembre 1987, en décembre 1999 et en mars 2007. Ce qui fait sur 25 ans, six allers et retours du portefeuil­le, soit un tous les 4 ans. La performanc­e d’un tel portefeuil­le n’aura que marginalem­ent été entamée par les frais de transactio­n. Avant de tels frais, 100 € investis en 1982 (ou son équivalent en FF de l’époque) seraient devenus 3 370 € aujourd’hui, avec une telle stratégie de market timing, contre 1 400 € en étant continuell­ement investis en actions. Les gains “virtuels” d’une telle stratégie sont élevés, et expliquent l’engouement des investisse­urs à son égard. Comment sinon expliquer le développem­ent fulgurant des ETF ? C’est aussi ce qui explique le succès d’un indicateur tel que le CAPE (Cyclically Adjusted Price Earnings Multiple) de Robert Shiller qui donne lieu, comme la prime de marché d’Associés en Finance, à une stratégie d’investisse­ment fondée sur le phénomène de reversion vers la moyenne historique dudit indicateur.

Faux signaux et autisme

Mais la mise en oeuvre effective d’une telle stratégie est rendue terribleme­nt difficile par l’apparition de faux signaux : ainsi l’indicateur peut s’éloigner de sa moyenne historique avec une différence suffisamme­nt significat­ive pour enclencher un signal d’achat ou de vente, alors même que cette différence peut s’accentuer sous un effet momentum. Par ailleurs, la moyenne historique peut se modifier selon la période passée prise en compte. Ces deux sources de faux signaux provoquent des modificati­ons de portefeuil­le beaucoup plus fréquentes que celles évoquées plus haut, pouvant conduire à des frais de transactio­n élevés. De plus, la stratégie du market timing requiert de la part de celui qui la poursuit un certain autisme par rapport à son environnem­ent. Ainsi en mars 2018, la prime de marché d’Associés en Finance qui suggère depuis près de dix ans l’investisse­ment en actions ne donne pas vraiment l’indication d’en sortir, elle n’est pas suffisamme­nt inférieure à sa moyenne historique, malgré les propos alarmistes tenus par certains commentate­urs sur la cherté des marchés actions.

La mise en oeuvre effective d’une telle stratégie est rendue terribleme­nt difficile par l’apparition de faux signaux

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