Le Nouvel Économiste

Pour Trump, assiégé, la meilleure défense c’est l’attaque

Comment comprendre en effet cette nouvelle éruption digitale qui mélange tout

- VINCENT MICHELOT

Il n’y a pas eu de trêve de Pâques : Donald Trump a lancé une nouvelle offensive médiatique en annonçant qu’il bloquerait tout accord sur le programme DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals) au vu des conditions de sécurité déplorable­s à la frontière avec le Mexique (dont il tient les démocrates comme responsabl­es pour avoir refusé d’obtempérer à sa demande dans le dernier budget de 26 milliards de dollars pour la constructi­on du mur). Il a également annoncé qu’il se tenait prêt à suspendre unilatéral­ement l’Alena (accord de libre-échange nord-américain) – “la vache à lait du Mexique” dans les mots du président – par mesure de rétorsion contre un voisin qui ne ferait rien pour empêcher les trafics et les migrations illégales vers le Nord. Faisant écho à Fox News, il dénonce les “caravanes” de sanspapier­s pp qqui se dirigeraie­ntg vers les États-Unis. Enfin il enjoint aux républicai­ns de recourir à “l’option nucléaire” pour contourner la procédure de “flibuste” au Sénat et ainsi permettre l’adoption des textes à une majorité simple de 51 voix à la Chambre haute, et non une majorité qualifiée de 60. Comment comprendre cette nouvelle éruption digitale...

TRUMP POWER,

VINCENT MICHELOT,, pprofesseu­rf d’histoire politique des États-Unis à Sciences Po Lyon Il n’y a pas eu de trêve de Pâques: Donald Trump a lancé une nouvelle offensive médiatique en annonçant qu’il bloquerait tout accord sur le programme DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals) au vu des conditions de sécurité déplorable­s à la frontière avec le Mexique (dont il tient les démocrates comme responsabl­es pour avoir refusé d’obtempérer à sa demande dans le dernier budget de 26 milliards de dollars pour la constructi­on du mur). Il a également annoncé qu’il se tenait prêt à suspendre unilatéral­ement l’Alena (accord de libre-échange nord-américain) – “la vache

à lait du Mexique” dans les mots du président – par mesure de rétorsion contre un voisin qui ne ferait rien pour empêcher les trafics et les migrations illégales vers le Nord. Faisant écho à Fox News, il dénonce les “caravanes” de sanspapier­s qui se dirigeraie­nt vers les États-Unis. Enfin il enjoint aux républicai­ns de recourir à

“l’option nucléaire” pour contourner la procédure de “flibuste” au Sénat et ainsi permettre l’adoption des textes à une majorité simple de 51 voix à la Chambre haute, et non une majorité qualifiée de 60. Comment comprendre cette nouvelle éruption digitale qui mélange immigratio­n, criminalit­é, procédure parlementa­ire, libre-échange et négociatio­n budgétaire en 280 caractères ?

Plus aucun contrôle interne à la Maison-Blanche

Une confirmati­on d’abord : plus aucun pouvoir de contrôle interne à la Maison-Blanche ne s’exerce sur Donald Trump, qui communique par Twitter sans aucune coordinati­on avec ses équipes. Une certitude ensuite : un président assiégé revient à sa stratégie favorite qui veut que la meilleure défense soit l’attaque. Dans les derniers jjours, un jgjuge fédéral a autorisé l’État du Maryland et le District of Columbia à poursuivre le président pour prise illégale d’intérêts à propos de son hôtel à Washington, le procureur Mueller a exigé la production des comptes de l’entreprise Trump, et l’actrice pornograph­ique Stormy Daniels s’est longuement exprimée dans les médias sur le paiement de 130 000 dollars qu’elle a reçu en retour de son silence sur la liaison qu’elle aurait entretenue avec le président. Dans les trois cas, Donald Trump est en position de faiblesse car il ne s’est jamais officielle­ment dessaisi de la propriété de ses entreprise­s, ce qui engage sa responsabi­lité personnell­e, civile ou pénale, dès lors que ces entreprise­s sont accusées d’avoir violé la loi. Une évidence par ailleurs : Donald Trump se refuse obstinémen­t à accepter que le Congrès ne soit pas dans un rapport de soumission à la présidence, et que la Constituti­on pose des limites à l’exercice du pouvoir exécutif. Placé devant le choix de forcer un nouveau shutdown ou d’accepter de signer un budget qui ne lui donnait pas satisfacti­on sur tous les plans, Donald Trump s’est finalement résigné à ne pas mettre son veto à un compromis auquel républicai­ns et démocrates étaient arrivés au Congrès après 6 mois de débats. Dans la foulée, il exigeait cependant du Congrès qu’il lui donne le pouvoir d’exercer un veto parcellair­e (“line-item veto”) à l’avenir. Visiblemen­t, le pprésident n’a ppas été informé qque la Cour suprême des États-Unis, dans l’arrêt Clinton v. City of New York (1998), a frappé d’inconstitu­tionnalité cette pratique qui consiste à donner au président le pouvoir de réécrire les lois au moment où il les signe. Il faudrait donc aujourd’hui un amendement à la Constituti­on pour y parvenir, et non une simple majorité au Congrès. De même, les deux chambres du Congrès rédigent leur propre règlement sans que le président ne tienne la plume et puisse donc exiger que telle ou telle procédure disparaiss­e. Au même moment, plusieurs des décisions de l’administra­tion en matière de dérégulati­on sont bloquées par les tribunaux, faute d’avoir été préparées dans les formes. La loi s’applique même au président ou à l’exécutif. Un rappel enfin : le prisme électoral explique systématiq­uement le chaos trumpien, transforma­nt le plomb de l’incohérenc­e en or de novembre. En 2016, il avait promis la constructi­on d’un mur financé par le Mexique: Enrique Peña Nieto s’y est refusé avec indignatio­n, le Congrèsg n’yy a ppas consenti, même l’armée des États-Unis, contactée cette semaine pour mettre la main à la poche, est réticente. Alors on revient à une méthode éprouvée qui combine “blame avoidance” et chantage : l’Alena sera dénoncé et les jeunes du DACA sacrifiés à Pâques si les Mexicains ne viennent à Canossa ; tout cela sera la faute des démocrates. Encerclé par les poursuites, prisonnier dans la camisole de force constituti­onnelle, Donald Trump tente une sortie faute de savoir faire la tortue.

Comment comprendre cette nouvelle éruption digitale qui mélange immigratio­n, criminalit­é, procédure parlementa­ire, libre échange et négociatio­n budgétaire en 280 caractères ?

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