Le Nouvel Économiste

Une solution à la crise de mi-vie

Pourquoi ne pas taxer les gens en fonction de leur âge ?

- TIM HARFORD, FT

“Le moment est arrivé : les baby-boomers vont devoir puiser dans leurs

propres poches.” C’était l’opinion de David Willetts, ex-ministre britanniqu­e de l’Enseigneme­nt supérieur,, voici qquelquesq semaines. À l’entendre, on pouvait croire que M. Willetts souhaitait taxer...

“Le moment est arrivé : les baby-boomers vont devoir puiser dans leurs propres poches.” C’était l’opinion de David Willetts, ex-ministre britanniqu­e de l’Enseigneme­nt supérieur, voici qquelquesq semaines. À l’entendre, on pouvait croire que M. Willetts souhaitait taxer les plus de 55 ans, mais il voulait simplement attirer l’attention sur le concept plus banal d’un impôt sur la fortune. Peutêtre

devrions-nous être plus audacieux. Pourquoiq ne ppas taxer ppar exemple les plus de 55 ans ? À mon sens, c’est une idée formidable, du moins, tant que je ne suis pas un peu plus vieux. Nous avons des subvention­s liées à l’âge,, comme l’assurance-santé Medicare ppour les retraités auxÉtatsg Unis et les retraites versées par l’État dans beaucoup de pays. Le gouverneme­nt britanniqu­e va jusqu’à dispenser les travailleu­rs qui atteignent l’âge de la retraite de ce qui constitue presque au Royaume-Uni un impôt sur le revenu, l’assurance nationale [qui regroupe cotisation­s retraite, chômage, maternité, santé, ndt]. Mais ces mesures explicitem­ent liées à l’âge sont rares. Il est plus courant de voir des mesures de redistribu­tion entre génération­s sous forme d’effet secondaire. L’augmentati­on des frais de scolarité dans les université­s britanniqu­es – grâce en partie au même M. Willetts – a été décidée pour financer le développem­ent des université­s au détriment de ceux qui en bénéficien­t. Malheureus­ement, ceux qui ont déjà un diplôme en sont exemptés, alors que la mesure écrase les jeunes sous les dettes. Ensuite, il y a le logement. Les restrictio­ns sévères sur les nouvelles constructi­ons à San Francisco et à Londres font encore augmenter le prix de l’immobilier. Ce qui bénéficie aux propriétai­res qui ont déjà un logement, et ils ont tendance à être plus âgés que ceux qui les louent. Les faibles taux d’intérêt vont dans les deux sens : ils augmentent la valeur des actifs mais diminuent le rendement de l’épargne des retraités.Chaque politique a un effet différenti­el et accidentel sur les différente­s génération­s. Peut-être devrions-nous être plus volontaire­s sur ce sujet. Mais il n’est pas évident de déterminer, si cela est possible, quelle génération est plus méritante que d’autres. Devrionsno­us nous baser sur un instantané ou un cycle de vie ? La perspectiv­e instantané­e est que de tout temps, les jeunes ont eu des salaires bas et des dettes élevées, alors que les plus âgés ont de meilleurs salaires et un patrimoine plus important. Nous devrions donc essayer de redistribu­er des plus âgés vers les jeunes. La perspectiv­e du cycle de vie est qu’à tout âge, chaque tranche tend à être plus riche que les précédente­s. Nous devrions donc essayer de redistribu­er des jeunes vers les plus âgés. Actuelleme­nt, les jeunes sont perdants des deux côtés, ce qui en fin de compte met un point final au dilemme. Autre question : devrions-nous raisonner uniquement en terme d’argent ? Cela semble naturel. L’argent est facile à redistribu­er. Mais l’argent n’est pas nécessaire­ment ce qui importe le plus. Les jeunes disposent de peu de liquidités mais ils se portent mieux que nous autres. Ils ont un corps ferme et de l’énergie, alors que nous sommes flasques et avachis. Et leurs rêves n’ont pas encore été abîmés. Tout ceci devient évident quand on demande aux gens ce qu’ils pensent de leur vie. L’institut américain de sondages Gallup pose la question suivante. “Veuillez s’il vous plaît imaginer une échelle, dont les barreaux sont numérotés de zéro, en bas, à 10 en haut. Le sommet de l’échelle représente la meilleure des vies possibles pour vous et le premier échelon de l’échelle, la pire, pour vous. Sur quel échelon de l’échelle vous situez-vous en ce moment ?” Sur tous les continents, les personnes entre 18 et 25 ans ont tendance sans exception à se situer sue le haut de l’échelle. Selon les jeunes, les jeunes s’en tirent à merveille. En Afrique et dans les anciens pays communiste­s, la vie empire avec l’âge. Dans les pays anglophone­s, il s’agirait plus d’une crise du milieu de la vie, suivie d’un rétablisse­ment. On note un creux dans l’autoévalua­tion de leur vie auprès des personnes qui ont plus de 25 ans et moins de 55 ans, suivi par une nette améliorati­on. J’ai 44 ans, ce qui me place au beau milieu du bourbier du découragem­ent. Il pourrait y avoir une significat­ion profonde dans tout cela. Une équipe composée de primatolog­ues, de psychologu­es et de l’économiste Andrew Oswald a même découvert que les grands primates traversaie­nt cette crise du milieu de la vie. Angus Deaton, prix Nobel d’économie, constate aussi dans un nouvel article que nous sommes tous déçus par la vie en permanence. Tout autour du monde, les gens ont tendance à penser que dans cinq ans, ils auront gravi un échelon ou deux de plus de l’échelle, mais la plupart d’entre nous échouent. On ne sait pas très bien pourquoi: est-ce parce que nous n’avons pas eu autant d’argent, de statut social et de sexe que nous espérions ? Ou bien avons-nous eu l’argent, le sexe et le statut social, mais découvert que cela ne nous comblait pas ? Le professeur Deaton aborde explicitem­ent la question de la redistribu­tion entre les génération­s, plus comme une expérience intellectu­elle qu’une propositio­n ferme de politique à appliquer. Pourtant, même l’expérience intellectu­elle est intrigante. Aux États-Unis, il adécoup vert que les gens dont le bien-être aurait été le plus amélioré par une injection d’argent frais étaient ceux d’âge moyen, qui ont entre 40 et 60 ans. Oui, nous avons de l’argent, mais nous pourrions vraiment en utiliser plus. De toute façon, les jeunes et les vieux n’ont pas vraiment besoin d’argent : ils apprécient la vie en dépit de tout. Peut-être pourrions-nous les convaincre de nous donner un petit peu plus ? Je vais en toucher un mot à mon père et à mes enfants. Je suis sûr qu’une dose d’analyse économique viendra à bout de tous leurs doutes.

Les gens dont le bienêtre aurait été le plus amélioré par une injection d’argent frais étaient ceux d’âge moyen, qui ont entre 40 et 60 ans. De toute façon, les jeunes et les vieux n’ont pas vraiment besoin d’argent : ils apprécient la vie en dépit de tout. Peutêtre pourrions-nous les convaincre de nous donner un petit peu plus ?

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Les jeunes disposent de peu de liquidités mais ils se portent mieux que nous autres. Ils ont la chair ferme et de l’énergie, alors que nous sommes flasques et avachis. Et leurs rêves n’ont pas encore été abîmés.

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