Le Nouvel Économiste

Essence-diesel, le changement d’équilibre ?

Fiscalité et restrictio­ns d’accès aux centres-villes : les pouvoirs publics poussent à la roue les véhicules essence. Comment choisir la bonne motorisati­on pour une flotte d’entreprise en 2018 ?

- ROMAIN THOMAS

Flotte d’entreprise

Motivées notamment par la récupérati­on de la TVA sur l’essence, de plus en plus d’entreprise­s envisagent de développer leur flotte automobile en recourant davantage à ce type de motorisati­on. Cependant, d’après les spécialist­es du secteur, l’essence n’est pas encore en mesure de concurrenc­er le diesel pour un usage intensif. Pour les profession­nels, chaque énergie trouvera donc sa légitimité en fonction de son utilisatio­n. Il reste donc primordial de mesurer tous les paramètres d’usage avant de faire un choix.

L’évolution récente de la fiscalité sur les carburants va-t-elle changer la donne ? Même si “la grande majorité des flottes automobile­s utilisent aujourd’hui une motorisati­on diesel”, comme le rappelle JeanFranço­is Chanal, directeur général d’ALD Automotive France, les choses pourraient être amenées à évoluer rapidement dans les années à venir. Rappelons que depuis le 1er janvier 2017, les entreprise­s sont désormais en mesure de récupérer la TVA sur leur consommati­on d’essence, un avantage fiscal autrefois réservé au gazole. Et même si cet alignement de la fiscalité se fera progressiv­ement d’ici l’année 2021 (le taux actuel de récupérati­on fixé pour cette année à 20 % sera porté à 40 % l’an prochain puis à 60 % en 2020 et enfin à 80 % à partir de 2021), il n’en reste pas moins qu’un pavé a été jeté dans la mare. Ce n’est donc pas un hasard si de plus en plus d’entreprise­s envisagent de recourir davantage aux motorisati­ons essence au sein de leur flotte. Il faut dire qu’à l’usage, les véhicules diesel coûtent généraleme­nt plus cher que les modèles équivalent­s utilisant l’essence. Ainsi, d’après une étude réalisée en 2017 par le magazine ‘Auto Plus’, l’entretien mais surtout les réparation­s ne penchent pas en faveur du gazole, car “certaines pièces mécaniques, plus fragiles, sont à remplacer plus souvent et les avaries potentiell­es sont plus fréquentes que sur l’essence ; le tout générant un surcoût pouvant aller jusqu’à 40 %”. Or l’heure est à l’optimisati­on des coûts dans la gestion des flottes automobile­s, ce qui passe notamment par un suivi rigoureux du TCO (total cost of ownership), ou coût global Depuis le 1er janvier 2017, les entreprise­s sont désormais en mesure de récupérer la TVA sur leur consommati­on d’essence, un avantage fiscal autrefois réservé au gazole de détention. Et même si au fil des années, le TCO s’est complexifi­é pour intégrer davantage de paramètres, sa philosophi­e initiale reste identique, à savoir prendre en compte l’ensemble des dépenses directes et indirectes liées à l’utilisatio­n du véhicule, ce qui inclut bien évidemment les frais liés à l’entretien du véhicule et le poste carburant, une variable surveillée de très près dans les entreprise­s.

Argument écologique

Au-delà de ces aspects économique­s, il s’agit également de tenir compte de la lutte qui s’intensifie contre la pollution atmosphéri­que. En effet, les motorisati­ons diesel sont de plus en plus décriées. Ces dernières années, l’image du gazole s’est progressiv­ement ternie dans l’opinion publique, en raison notamment de son impact sur la santé, à la suite des nombreuses polémiques créées autour des émissions de particules fines et d’oxydes d’azote. D’ailleurs, les véhicules roulant au gazole ont vu l’an dernier leurs ventes reculer en France, en passant pour la première fois depuis 2000 sous la barre de 50 % des immatricul­ations, d’après les données publiées par le Comité des constructe­urs français d’automobile­s (CCFA). Pour ne rien arranger, plusieurs pays européens, comme la Norvège et plus récemment l’Allemagne, ont brisé un tabou en autorisant l’interdicti­on des moteurs diesel les plus polluants dans leurs centres urbains. Une tendance qui gagne également du terrain en France. Ainsi, depuis le 15 janvier 2017, Paris est devenue la plus grande zone de circulatio­n restreinte de France (ZCR). D’autres villes comme Strasbourg, Grenoble ou Lyon ont suivi, en modulant l’accès à leur centre-ville selon la classifica­tion Crit’air des véhicules, calculée en fonction de leurs émissions de polluants atmosphéri­ques. Du coup, de plus en plus d’entreprise­s commencent à s’inquiéter de la mise en place de ces nouvelles mesures, ce qui peut pousser certaines d’entre elles “à faire le choix de ne pas sélectionn­er des voitures diesel afin de réduire le risque de voir leurs salariés ne pas pouvoir accéder à certains centresvil­les”, comme le souligne Christophe Lepont, chef de départemen­t marketing et stratégie Fleet chez Fleet Solutions Volkswagen Group. D’ailleurs, le constructe­ur japonais Toyota a annoncé en mars 2018, à la veille de l’ouverture du dernier salon automobile de Genève en Suisse, qu’il cesserait cette année de vendre en Europe des voitures particuliè­res motorisées au gazole.

Un choix pas forcément tranché

Pourtant, même si le diesel semble être en train de tomber de son piédestal, il a encore une belle carte à jouer, à en croire les profession­nels du secteur. Du reste, pendant très longtemps, les gestionnai­res de parcs automobile­s ne se sont pas posé la

question de savoir quelle énergie choisir entre l’essence et le gazole pour leurs véhicules. Ainsi, comme l’indique François Piot, président de l’Observatoi­re du véhicule d’entreprise (OVE), “le diesel sortait gagnant de tous les arbitrages en raison d’une fiscalité avantageus­e, ainsi que d’un réel avantage en termes de consommati­on et de coût du carburant”. Et

selon Christophe Lepont, “d’un point de vue purement financier, le diesel conservera encore un avantage à court et moyen terme du fait d’un meilleur rendement énergétiqu­e que l’essence, se traduisant par une consommati­on de carburant intrinsèqu­ement inférieure pour un véhicule strictemen­t identique parcourant, dans les mêmes conditions, une distance équivalent­e”. Et ceci, sans compter les efforts des constructe­urs automobile­s qui continuent de développer de nouveaux moteurs diesel toujours plus performant­s en termes de sobriété, tout en

réduisant leurs émissions polluantes. Cependant, il est vrai que la situation actuelle risque d’évoluer à moyen

terme car “avec l’alignement de la fiscalité entre l’essence et le gazole, un rééquilibr­age est en train de se faire, face au tout diesel” selon Jean-Francois

Chanal. Pour l’heure, la question se pose encore. En effet, il reste primordial de mesurer tous les paramètres d’usage avant de prendre une décision en la matière. Ainsi, “les gestionnai­res de parcs doivent faire leurs choix en fonction de l’usage réel des véhicules dont ils ont la charge” précise Gérard

de Chalonge, directeur commercial chez Athlon. Par exemple, pour un volume significat­if de kilomètres – le seuil se situant approximat­ivement à 20 000 kilomètres par an – il est souvent plus pertinent de continuer à recourir à des motorisati­ons diesel qui restent à ce jour sans concurrent. Or, “c’est dans les entreprise­s que l’on trouve les gros rouleurs, avec 30 000 kilomètres en moyenne parcourus chaque année”, rappelle François Piot. En résumé, à l’heure actuelle, le diesel reste un choix raisonnabl­e à condition de rouler beaucoup. D’ailleurs, “le diesel reste encore très largement majoritair­e dans les parcs d’entreprise­s avec une part de

“D’un point de vue purement financier, le diesel conservera encore un avantage à court et moyen terme du fait d’un meilleur rendement énergétiqu­e que l’essence”

marché de près de 85 %, même s’il est vrai que l’essence gagne actuelleme­nt du terrain”, ajoute-t-il. En effet, pour des kilométrag­es plus faibles, principale­ment réalisés dans les agglomérat­ions, des modèles essence ou même électrique­s font parfaiteme­nt l’affaire. Dès lors, on comprend mieux pourquoi les petites citadines ne sont déjà quasiment plus proposées par les constructe­urs avec des motorisati­ons fonctionna­nt au gazole.

L’accessibil­ité des villes en question

Reste que si les entreprise­s s’interrogen­t davantage sur l’énergie à privilégie­r pour leurs véhicules, c’est généraleme­nt moins pour des raisons de coûts d’usage que de menaces sur l’accessibil­ité des véhicules diesel aux centres-villes ou aux grandes métropoles. En effet, “les entreprise­s doivent s’assurer que leurs collaborat­eurs pourront à l’avenir circuler sans difficulté tout en respectant les nouvelles normes environnem­entales, en tenant compte du niveau de pollution de l’air, tout en conservant une motorisati­on de leur véhicule

adaptée à l’usage, lié notamment au nombre de km parcourus/an et le type de trajet”, précise Grégory Libre, directeur commercial et marketing d’Arval France. C’est aussi une des raisons pour laquelle “l’essence et les énergies alternativ­es gagnent actuelleme­nt du terrain au sein des flottes

automobile­s”, ajoute-t-il. Et à terme, ce type de motorisati­on devrait progressiv­ement céder sa place à l’électrique, ou à défaut à l’hybride essence, notamment pour les salariés effectuant majoritair­ement leurs trajets en ville. Gardons à l’esprit que la mairie de Paris a récemment affirmé son intention de bannir des rues de la capitale tous les véhicules à moteurs thermiques, qu’il s’agisse de motorisati­ons essence ou diesel, à l’horizon 2030.

Pour des kilométrag­es plus faibles, principale­ment réalisés dans les agglomérat­ions, des modèles essence ou même électrique­s font parfaiteme­nt l’affaire

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“Avec l’alignement de la fiscalité entre l’essence et le gazole, un rééquilibr­age est en train de se faire, face au tout diesel.” Jean-Francois Chanal, ALD.
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Fleet Solutions Volkswagen Group.
“Certaines entreprise­s font le choix de ne pas sélectionn­er des voitures diesel afin de réduire le risque de voir leurs salariés ne pas pouvoir accéder à certains centres-villes.” Christophe Lepont, Fleet Solutions Volkswagen Group.
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Gérard de Chalonge, Athlon.
“Les gestionnai­res de parcs doivent faire leurs choix en fonction de l’usage réel des véhicules dont ils ont la charge.” Gérard de Chalonge, Athlon.

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