Le Nouvel Économiste

Classes affaires, bataille au sol

Pour pallier l’uniformisa­tion luxueuse de la classe affaires dans les airs, les compagnies aériennes assurent la montée en gamme des services au sol

- DIDIER WILLOT

Compagnies aériennes

Des sièges-lits coûtant plus de 50 000 dollars pièce, des plats préparés par les plus grands chefs étoilés, des grands crus prestigieu­x, des films à la carte par milliers… Pour attirer la clientèle des avions long-courriers qui voyage en classe affaires, les compagnies n’ont désormais plus guère d’autre choix que de faire la différence ppar rapportpp à la concurrenc­e,, et notamment ppar les prestation­s offertes au sol. À cette fin, elles n’ont pas cessé de multiplier les investisse­ments et les innovation­s au cours des dernières années. Objectif : améliorer le coefficien­t de remplissag­e de la classe la plus rentable du transport aérien. Pour 10 % du nombre de passagers, elle représente­rait en moyenne près du tiers du chiffre d’affaires.

Un espace restaurant, un bar détox, deux saunas privatifs, un salon de détente… Tels sont quelques-uns des aménagemen­ts du nouveau salon Business de 3 200 m2 agrandi et totalement rénové que la compagnie aérienne Air France inaugurera officielle­ment en juillet prochain (une première partie est déjà accessible depuis le 25 janvier dernier) dans l’enceinte du hall L du terminal 2 de l’aéroport RoissyChar­les de Gaulle. Réservé, comme ceux des halls G et F, aux passagers de la classe affaires détenteurs de la carte de fidélité Flying Blue Elite, cet équipement constitue l’un des éléments essentiels de la stratégie de montée en gamme suivie depuis quelques années par l’état-major de l’entreprise. Mais il témoigne également de la concurrenc­e que se livrent actuelleme­nt toutes les grandes compagnies du monde pour occuper une place de choix sur le marché du voyage d’affaires, au moment où il retrouve une croissance forte avec la reprise de l’activité économique internatio­nale. C’est ainsi qu’au-delà de la bataille du confort en vol, elles s’efforcent maintenant de faire la différence en offrant à leurs passagers d’accéder à toute une série de services au sol, tant au départ qu’à l’arrivée de leur voyage.

Des cabines de plus en plus confortabl­es

Il est vrai qu’aujourd’hui la quasitotal­ité des appareils assurant des vols longs courriers sont équipés de cabines affaires particuliè­rement confortabl­es. Inventé par Air France en 1978 et très vite agréé par l’associatio­n internatio­nale des transporte­urs aériens-IATA, le concept n’a en effet jamais cessé de s’améliorer depuis lors. Mais c’est surtout au tournant des années 2010 que les progrès les plus notables ont été enregistré­s. C’est ainsi que du fauteuil extra-large au dossier inclinable disposant de repose-pieds et de place pour les jambes, on est passé progressiv­ement au fauteuil-lit, “full-flat” comme disent les experts. Autres éléments de confort de plus en plus répandus : un cloisonnem­ent des cabines qui permet au voyageur d’accéder directemen­t à l’allée centrale pour ses déplacemen­ts et de préserver une réelle intimité pendant son voyage, ainsi qu’un système de divertisse­ment très personnali­sé. “Après un investisse­ment de 200 millions d’euros sur les fauteuils business d’une partie de notre flotte Boeing 777, nous poursuivon­s le programme

d’aménagemen­t de l’ensemble de notre flotte long-courrier visant à moderniser l’équipement des cabines business

sur toutes nos destinatio­ns” confirme Eugénie Audebert, responsabl­e expérience client business chez Air France. De la même façon, on assiste à la montée en gamme de la qualité du service à bord en classe affaires. De la boisson avant le décollage dans un vrai verre au repas servi dans une vraie assiette, avec un vrai couteau et une vraie fourchette, toutes les compagnies ont pris l’habitude de servir des menus gastronomi­ques sur leurs vols long-courriers. C’est le cas d’Air France qui utilise les services des chefs étoilés de la capitale (en organisant une rotation trimestrie­lle) pour élaborer les cartes qui sont proposées aux passagers au départ de Paris. C’est aussi le cas de la compagnie Air Austral qui dessert aujourd’hui un grand nombre de destinatio­ns de l’océan Indien depuis la France, et qui propose sur tous ses vols un choix de 10 grands crus sélectionn­és par des oenologues de renom

pour accompagne­r les repas servis à

bord. “Depuis quelques années, nous présentons également, à côté de notre

Aujourd’hui, la quasi-totalité des appareils assurant des vols longs courriers sont équipés de cabines affaires particuliè­rement confortabl­es

offre traditionn­elle, une gamme de repas disponible­s en précommand­e afin d’offrir davantage de choix aux

passagers de la classe affaires” précise Jean-Marc Grazzini, directeur général adjoint en charge des affaires commercial­es d’Air Austral, fondée en 1974 à l’île de la Réunion.

Un espace calme et cosy

On l’a compris, la cabine business constitue désormais un espace bien isolé, calme et cosy, dans lequel le passager a également la possibilit­é, s’il le souhaite, de travailler confortabl­ement. Non seulement il dispose d’un espace pour ranger ses effets personnels et d’une tablette pour poser son ordinateur, mais surtout l’arrivée de la wi-fi gratuite sur la plupart des vols long-courriers offre des conditions de travail en vol comparable­s à celles du bureau. Bref, si l’on ajoute l’attention que le personnel navigant porte à la qualité du service qu’il offre à sa clientèle (Air France a mis au point un programme de formation spécifique à cet égard), les standards du confort en vol de la classe affaires (parfois appelée classe club par certaines compagnies) tendent à s’uniformise­r et à ressembler de plus en plus souvent à ceux de la première classe d’autrefois. Telle est la raison pour laquelle un certain nombre de compagnies tendent à se différenci­er en offrant à la clientèle un certain nombre de services complément­aires au sol. Objectif : accompagne­r le voyageur avant qu’il ne monte dans l’avion et après qu’il en est descendu. C’est ainsi que la compagnie française OpenSkies, filiale de la British Airways créée en 2008, qui assure des liaisons régulières entre Paris et New York, met à la dispositio­n de ses passagers un service de transport en voiture privée depuis le centre de Paris jusqu’à l’aéroport d’Orly. Autre avantage : les passagers de la classe affaires bénéficien­t normalemen­t d’un accès prioritair­e pour les opérations d’embarqueme­nt ainsi que pour les formalités de contrôles de sécurité ou de police qui leur permet de gagner beaucoup de temps. Dans la même logique, la plupart des grandes compagnies offrent aux voyageurs le droit d’accéder, avant l’embarqueme­nt, à un salon dans lequel ils peuvent patienter en travaillan­t, en lisant ou en regardant la télévision dans des fauteuils confortabl­es. Ils peuvent même de plus en plus souvent, s’ils le souhaitent ou s’ils en ont le temps, prendre une collation ou un vrai repas. “Dans la quasi-totalité des aéroports que nous desservons, nous offrons dans les salons la possibilit­é aux passagers qui préfèrent dormir plus longtemps à bord de prendre un vrai repas à table, comme dans un restaurant” confirme Thierry Lhoyer, directeur commercial et marketing de Cathay Pacific. Un service qui est de plus en plus apprécié, notamment lorsque l’horaire ou la durée du vol s’y prête.

Un salon d’accueil à l’arrivée

Ce que les compagnies aériennes peuvent offrir avant l’embarqueme­nt, elles peuvent également l’offrir une fois l’appareil arrivé à destinatio­n. C’est le cas tout d’abord des opérations de contrôle de police ou de livraison des bagages pour lesquelles des priorités sont généraleme­nt organisées. C’est le cas ensuite du transfert des aéroports vers le centre des villes pour lequel certaines compagnies assurent un service à la demande de limousine avec chauffeur. C’est le cas enfin des espaces de repos pour lesquels les compagnies mettent à la dispositio­n des passagers de la classe affaires un salon dans lequel ils ont la possibilit­é de prendre une douche ou un repas avant de quitter l’aéroport et de se rendre à leur premier rendez-vous. “Nous nous efforçons toujours d’offrir un service le plus personnali­sé possible pour tous nos passagers qui débarquent

en Inde, où nous comptons 44 destinatio­ns, ainsi que dans l’une de nos 20 autres destinatio­ns dans le monde” assure Michel Simiaut, directeur général France de Jet Airways. Même approche au sein du Lufthansa Group qui, outre la grande compagnie allemande Lufthansa, rassemble quatre entreprise­s européenne­s : Swiss Internatio­nal Air Lines, Austrian Airlines, Eurowings et Brussels Airlines. “Au départ de tous nos aéroports d’Europe, notre mot d’ordre est d’assurer une véritable fluidité du voyage, depuis l’achat du billet

jusqu’à l’arrivée” explique Michael Gloor, senior director sales du groupe pour la France, le Luxembourg et les Pays-Bas. Pour cela, au-delà du confort de la cabine et de la qualité du service à bord, la compagnie mise largement sur le concept de digitalisa­tion et de personnali­sation. C’est ainsi qu’elle a investi récemment des sommes importante­s dans la création d’applicatio­ns susceptibl­es d’accompagne­r le passager tout au long de son voyage en lui permettant, par exemple, de recevoir sa carte d’embarqueme­nt, d’enregistre­r ses bagages, d’accéder au contenu de certains journaux, de visionner les films de son choix ou encore de lire tel ou tel ouvrage…

La fidélité récompensé­e

Si l’on ajoute à toutes ces attentions les programmes de fidélité que les compagnies aériennes ont mis en place il y une bonne trentaine d’années déjà (des voyages gratuits sont offerts selon un barème indexé sur le nombre de vols payants effectués), on constate que la clientèle de la classe affaires constitue un enjeu essentiel pour le transport aérien au lendemain de la crise qu’il a traversée au cours des dernières années. Tous les opérateurs rivalisent d’imaginatio­n pour améliorer leurs positions sur ce marché actuelleme­nt en pleine croissance. À tel point que la qualité des services tend à s’uniformise­r. Néanmoins ‘Le Journal de l’Aviation’ a publié récemment son classement annuel des meilleures classes affaires pour les 54 compagnies aériennes qui effectuent régulièrem­ent des vols long-courriers au départ de la France. Critères pris en compte : la taille des lits, l’espace dans les allées, la qualité du service, la dimension des écrans… C’est ainsi qu’en 2017, il a placé en tête deux compagnies d’Extrême-Orient: Singaporep Airlines, la compagniep­g du petit État de Singapour, et lacomg pagnie thaïlandai­se Thaï Airways. Elles devancent de peu deux compagnies basées dans le golfe Persique : Oman Air, la compagnie du sultanat d’Oman, et Etihad Airways,y la compagnie des Émirats arabes unis. Dans le reste du top 10, on trouve ANA (All Nippon Airways), la compagnie nationale japonaise, Air Canada, Openskies et Air France-KLM.

“Nous offrons dans les salons la possibilit­é aux passagers qui préfèrent dormir plus longtemps à bord de prendre un vrai repas à table, comme dans un restaurant” OpenSkies met à la dispositio­n de ses passagers un service de transport en voiture privée depuis le centre de Paris jusqu’à l’aéroport d’Orly

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d’une partie de notre flotte Boeing 777, nous poursuivon­s le programme d’aménagemen­t de l’ensemble de notre flotte long-courrier.” Eugénie Audebert,
Air France.
“Après un investisse­ment de 200 millions d’euros sur les fauteuils business d’une partie de notre flotte Boeing 777, nous poursuivon­s le programme d’aménagemen­t de l’ensemble de notre flotte long-courrier.” Eugénie Audebert, Air France.
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classe affaires.” Jean-Marc Grazzini, Air Austral.
“Nous présentons, à côté de notre offre traditionn­elle, une gamme de repas disponible­s en précommand­e afin d’offrir davantage de choix aux passagers de la classe affaires.” Jean-Marc Grazzini, Air Austral.
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“Au départ de tous nos aéroports d’Europe, notre mot d’ordre est d’assurer une véritable fluidité du voyage, depuis l’achat du billet jusqu’à l’arrivée.” Michael Gloor, Lufthansa Group.

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