Quelle structure philanthropique créer ?
Les quatre véhicules philanthropiques généralistes répondent à des profils et besoins différents du futur philanthrope
Economie sociale
Il existe en France quatre statuts généralistes permettant la création d’une structure philanthropique : la fondation reconnue d’utilité publique, la fondation d’entreprise, la fondation sous égide et le fonds de dotation. La première est la structure reine, offrant le plus d’avantages mais supposant aussi de plus grandes responsabilités. La complexité de sa création en fait une structure difficilement accessible aux particuliers, à l’inverse du fonds de dotation et de la fondation sous égide, plus simples à créer et nécessitant une dotation plus faible. Pour les entreprises, qui ont accès aux quatre statuts, le choix se fait souvent entre la fondation d’entreprise et le fonds de dotation.
En France, quatre statuts généralistes permettent la création d’une structure philanthropique: la fondation reconnue d’utilité publique (FRUP), la fondation d’entreprise (FE), la fondation sous égide (FSE) et le fonds de dotation (FDD). Parce qu’ils sont les plus simples à créer et qu’ils nécessitent une dotation plus modeste, ces deux derniers véhicules sont les plus nombreux : il y a ainsi 2 600 fonds de dotation et 1 600 fondations sous égide, contre 650 FRUP et 400 fondations d’entreprise, selon les chiffres du Centre français des fonds et fondations (CFF) publiés dans une étude de novembre 2017. Le CFF y soulignait justement le remarquable essor des fondations sous égide, ou fondations abritées, dont le nombre a presque triplé depuis 2001. Pour Frédéric Théret, directeur du développement de la Fondation de France, cette hausse montre que “la philanthropie est une valeur en hausse, En France, il y a 2 600 fonds de dotation, 1 600 fondations sous égide, 650 fondations reconnues d’utilité publique et 400 fondations d’entreprise dans une société où l’on constate de plus en plus d’inégalitésg et où l’on sait que l’État-providence ne pourra pas répondre à tous les besoins”. Même si la croissance du nombre de fondations abritées s’est accélérée depuis
la loi Tepa d’août 2007 instituant la réduction d’ISF (désormais IFI), l’incitation fiscale est loin d’être la seule motivation. “Un certain nombre de nos fondateurs savent qu’ils peuvent optimiser leur situation fiscale le cas échéant, mais ce n’est pas ce qui les guide. C’est plutôt l’idée que leur argent ne va pas dormir sur un compte en banque mais servir des causes justes”, rapporte Christophe Rousselot, délégué général de la Fondation Notre Dame. Ingénieur patrimonial chez UBS France, Hugues Soler fait la même
observation: “nos clients, principalement des chefs d’entreprise ou des personnes qui viennent de céder leur structure, ont envie de partager les gains de leur réussite et de donner du sens à leur capital”. Évidemment, “il n’est pas nécessaire de créer une structure philanthropique pour faire de la philanthropie”, aime rappeler Nathalie
Sauvanet, responsable du conseil en philanthropie individuelle de BNP Paribas Wealth Management. Mais si les montants dépassent quelques milliers d’euros et que l’on souhaite structurer son engagement, la question de la création d’un véhicule se
pose. “L’important est de bien réfléchir à son projet en amont car ce n’est pas la structure qui va créer le projet philanthropique, souligne-t-elle. Par ailleurs, il n’y a pas de structure miracle, il n’y a que des véhicules plus ou moins adaptés aux besoins, aux attentes et à la personnalité du futur philanthrope.”
Libéraliser l’investissement privé
Ainsi, “le fonds de dotation est un outil extrêmement apprécié des entrepreneurs parce qu’il est rapide à créer et offre une certaine indépendance”, souligne Nathalie Sauvanet. C’est un outil souple de la philanthropie
créé en 2008 et dont la dotation minimale est de 15 000 euros. Une simple déclaration assortie du dépôt des statuts en préfecture suffit pour le créer. “Au moment du dépôt du dossier, la préfecture a la possibilité d’apprécier si le fonds est bien au service d’une mission d’intérêt général”, prévient Hugues Soler, qui préconise de bien s’entourer au moment de la rédaction des statuts. Le FDD peut être assez lourd à gérer administrativement : au terme de chaque exercice, il faut adresser au préfet un rapport d’activité, les comptes annuels et le rapport du commissaire aux comptes (si le montant total des ressources
dépasse 10 000 euros).
Pour Hugues Soler, “le fonds de dotation est un outil très efficace, qui a libéralisé les investissements privés. Mais on constate que certains se retrouvent un peu démunis et esseulés après avoir mis en place un fonds de dotation. C’est là où la fondation abritée peut être une alternative intéressante”. Dépourvue de la personnalité morale, une fondation sous égide est créée par la signature d’une convention entre son ou ses fondateurs et la fondation abritante, qui prévoit notamment les caractéristiques de l’apport (dotation ou flux), sa durée de vie (limitée ou pérenne) ou encore sa gouvernance. “Être abrité offre la garantie d’un accompagnement juridique, fiscal, comptable, mais aussi et surtout sur les causes à défendre”, souligne Frédéric
Théret.
Développer la confiance
Pour ceux qui veulent s’épargner la gestion administrative et se faire conseiller sur les projets à soutenir, créer une fondation abritée est donc une bonne option. “Certains fondateurs ont une idée très précise de la thématique mais n’identifient pas forcément les associations qui portent les projets qu’ils pourront soutenir. Nous faisons donc cette identification pour eux”, explique Christophe Rousselot, de la Fondation Notre Dame qui compte près de 40 fondations sous égide. “La confiance qui se développe entre les fondateurs et la fondation abritante peut mener très loin, développeGrâce à la qualité du travail effectué, on en vient à financer des projets d’une ampleur qui n’a plus rien à voir avec l’intention de départ.” Il arrive que des entreprises optent la fondation abritée plutôt qu’une fondation d’entreprise. La Fondation de France compte ainsi 100 fondations sous égide créées par des entreprises parmi les 850 qu’elle abrite. Mais souvent, pour un chef d’entreprise, le choix se fait entre fondation d’entreprise et fonds de dotation, indique Hugues Soler. “Le fonds de dotation est financé par le fondateur et peut faire appel à la générosité publique, mais ne peut pas recevoir de subventions publiques. À l’inverse, la fondation d’entreprise est éligible à des
subventions publiques mais peut recevoir uniquement les dons des salariés
et dirigeants de la société”, précise-t-il. La dotation est bien plus importante dans le cadre d’une fondation d’entreprise: le ou les fondateurs doivent libérer au moins 150 000 euros sur cinq ans. Par ailleurs, la FE nécessite une véritable autorisation de la préfecture.
Cette dernière “veille à ce que l’intérêt général poursuivi au travers de la fondation d’entreprise ne soit pas au service du développement commercial de la société”, souligne Hugues Soler.
Grands avantages, g grandes responsabilités
Des quatre statuts généralistes, la structure reine reste la fondation
reconnue d’utilité publique. “C’est la ‘tsarine’ des fondations : c’est le statut le plus ancien, celui qui offre le plus d’avantages et de respectabilité,
indique Nathalie Sauvanet. C’est aussi la structure la plus complexe à monter.” La demande de reconnaissance d’utilité publique est instruite par les ministères de l’Intérieur et de tutelles, et accordée ppar décret après p avis du Conseil d’État. La fondation reconnue d’utilité publique dispose d’une personnalité juridique pleine et bénéficie du plus large panel de dispositifs fiscaux avantageux qu’une structure à but non lucratif peut avoir. La pratique veut que sa dotation initiale (non-consomptible) soit de 1,5 million d’euros. Ainsi, la FRUP “ne correspond pas très bien aux particuliers”, souligne Frédéric Théret, qui rappelle que les fondateurs sont minoritaires au conseil d’administration, où l’État est représenté. Et Hugues Soler de conclure : “c’est une structure imposante qui s’applique à des projets de grande envergure”.
Pour ceux qui veulent s’épargner la gestion administrative et se faire conseiller sur les projets à soutenir, créer une fondation abritée est une bonne option “La préfecture veille à ce que l’intérêt général poursuivi au travers de la fondation d’entreprise ne soit pas au service du développement commercial de la société”