Le Nouvel Économiste

Quelle structure philanthro­pique créer ?

Les quatre véhicules philanthro­piques généralist­es répondent à des profils et besoins différents du futur philanthro­pe

- JESSICA BERTHEREAU

Economie sociale

Il existe en France quatre statuts généralist­es permettant la création d’une structure philanthro­pique : la fondation reconnue d’utilité publique, la fondation d’entreprise, la fondation sous égide et le fonds de dotation. La première est la structure reine, offrant le plus d’avantages mais supposant aussi de plus grandes responsabi­lités. La complexité de sa création en fait une structure difficilem­ent accessible aux particulie­rs, à l’inverse du fonds de dotation et de la fondation sous égide, plus simples à créer et nécessitan­t une dotation plus faible. Pour les entreprise­s, qui ont accès aux quatre statuts, le choix se fait souvent entre la fondation d’entreprise et le fonds de dotation.

En France, quatre statuts généralist­es permettent la création d’une structure philanthro­pique: la fondation reconnue d’utilité publique (FRUP), la fondation d’entreprise (FE), la fondation sous égide (FSE) et le fonds de dotation (FDD). Parce qu’ils sont les plus simples à créer et qu’ils nécessiten­t une dotation plus modeste, ces deux derniers véhicules sont les plus nombreux : il y a ainsi 2 600 fonds de dotation et 1 600 fondations sous égide, contre 650 FRUP et 400 fondations d’entreprise, selon les chiffres du Centre français des fonds et fondations (CFF) publiés dans une étude de novembre 2017. Le CFF y soulignait justement le remarquabl­e essor des fondations sous égide, ou fondations abritées, dont le nombre a presque triplé depuis 2001. Pour Frédéric Théret, directeur du développem­ent de la Fondation de France, cette hausse montre que “la philanthro­pie est une valeur en hausse, En France, il y a 2 600 fonds de dotation, 1 600 fondations sous égide, 650 fondations reconnues d’utilité publique et 400 fondations d’entreprise dans une société où l’on constate de plus en plus d’inégalités­g et où l’on sait que l’État-providence ne pourra pas répondre à tous les besoins”. Même si la croissance du nombre de fondations abritées s’est accélérée depuis

la loi Tepa d’août 2007 instituant la réduction d’ISF (désormais IFI), l’incitation fiscale est loin d’être la seule motivation. “Un certain nombre de nos fondateurs savent qu’ils peuvent optimiser leur situation fiscale le cas échéant, mais ce n’est pas ce qui les guide. C’est plutôt l’idée que leur argent ne va pas dormir sur un compte en banque mais servir des causes justes”, rapporte Christophe Rousselot, délégué général de la Fondation Notre Dame. Ingénieur patrimonia­l chez UBS France, Hugues Soler fait la même

observatio­n: “nos clients, principale­ment des chefs d’entreprise ou des personnes qui viennent de céder leur structure, ont envie de partager les gains de leur réussite et de donner du sens à leur capital”. Évidemment, “il n’est pas nécessaire de créer une structure philanthro­pique pour faire de la philanthro­pie”, aime rappeler Nathalie

Sauvanet, responsabl­e du conseil en philanthro­pie individuel­le de BNP Paribas Wealth Management. Mais si les montants dépassent quelques milliers d’euros et que l’on souhaite structurer son engagement, la question de la création d’un véhicule se

pose. “L’important est de bien réfléchir à son projet en amont car ce n’est pas la structure qui va créer le projet philanthro­pique, souligne-t-elle. Par ailleurs, il n’y a pas de structure miracle, il n’y a que des véhicules plus ou moins adaptés aux besoins, aux attentes et à la personnali­té du futur philanthro­pe.”

Libéralise­r l’investisse­ment privé

Ainsi, “le fonds de dotation est un outil extrêmemen­t apprécié des entreprene­urs parce qu’il est rapide à créer et offre une certaine indépendan­ce”, souligne Nathalie Sauvanet. C’est un outil souple de la philanthro­pie

créé en 2008 et dont la dotation minimale est de 15 000 euros. Une simple déclaratio­n assortie du dépôt des statuts en préfecture suffit pour le créer. “Au moment du dépôt du dossier, la préfecture a la possibilit­é d’apprécier si le fonds est bien au service d’une mission d’intérêt général”, prévient Hugues Soler, qui préconise de bien s’entourer au moment de la rédaction des statuts. Le FDD peut être assez lourd à gérer administra­tivement : au terme de chaque exercice, il faut adresser au préfet un rapport d’activité, les comptes annuels et le rapport du commissair­e aux comptes (si le montant total des ressources

dépasse 10 000 euros).

Pour Hugues Soler, “le fonds de dotation est un outil très efficace, qui a libéralisé les investisse­ments privés. Mais on constate que certains se retrouvent un peu démunis et esseulés après avoir mis en place un fonds de dotation. C’est là où la fondation abritée peut être une alternativ­e intéressan­te”. Dépourvue de la personnali­té morale, une fondation sous égide est créée par la signature d’une convention entre son ou ses fondateurs et la fondation abritante, qui prévoit notamment les caractéris­tiques de l’apport (dotation ou flux), sa durée de vie (limitée ou pérenne) ou encore sa gouvernanc­e. “Être abrité offre la garantie d’un accompagne­ment juridique, fiscal, comptable, mais aussi et surtout sur les causes à défendre”, souligne Frédéric

Théret.

Développer la confiance

Pour ceux qui veulent s’épargner la gestion administra­tive et se faire conseiller sur les projets à soutenir, créer une fondation abritée est donc une bonne option. “Certains fondateurs ont une idée très précise de la thématique mais n’identifien­t pas forcément les associatio­ns qui portent les projets qu’ils pourront soutenir. Nous faisons donc cette identifica­tion pour eux”, explique Christophe Rousselot, de la Fondation Notre Dame qui compte près de 40 fondations sous égide. “La confiance qui se développe entre les fondateurs et la fondation abritante peut mener très loin, développeG­râce à la qualité du travail effectué, on en vient à financer des projets d’une ampleur qui n’a plus rien à voir avec l’intention de départ.” Il arrive que des entreprise­s optent la fondation abritée plutôt qu’une fondation d’entreprise. La Fondation de France compte ainsi 100 fondations sous égide créées par des entreprise­s parmi les 850 qu’elle abrite. Mais souvent, pour un chef d’entreprise, le choix se fait entre fondation d’entreprise et fonds de dotation, indique Hugues Soler. “Le fonds de dotation est financé par le fondateur et peut faire appel à la générosité publique, mais ne peut pas recevoir de subvention­s publiques. À l’inverse, la fondation d’entreprise est éligible à des

subvention­s publiques mais peut recevoir uniquement les dons des salariés

et dirigeants de la société”, précise-t-il. La dotation est bien plus importante dans le cadre d’une fondation d’entreprise: le ou les fondateurs doivent libérer au moins 150 000 euros sur cinq ans. Par ailleurs, la FE nécessite une véritable autorisati­on de la préfecture.

Cette dernière “veille à ce que l’intérêt général poursuivi au travers de la fondation d’entreprise ne soit pas au service du développem­ent commercial de la société”, souligne Hugues Soler.

Grands avantages, g grandes responsabi­lités

Des quatre statuts généralist­es, la structure reine reste la fondation

reconnue d’utilité publique. “C’est la ‘tsarine’ des fondations : c’est le statut le plus ancien, celui qui offre le plus d’avantages et de respectabi­lité,

indique Nathalie Sauvanet. C’est aussi la structure la plus complexe à monter.” La demande de reconnaiss­ance d’utilité publique est instruite par les ministères de l’Intérieur et de tutelles, et accordée ppar décret après p avis du Conseil d’État. La fondation reconnue d’utilité publique dispose d’une personnali­té juridique pleine et bénéficie du plus large panel de dispositif­s fiscaux avantageux qu’une structure à but non lucratif peut avoir. La pratique veut que sa dotation initiale (non-consomptib­le) soit de 1,5 million d’euros. Ainsi, la FRUP “ne correspond pas très bien aux particulie­rs”, souligne Frédéric Théret, qui rappelle que les fondateurs sont minoritair­es au conseil d’administra­tion, où l’État est représenté. Et Hugues Soler de conclure : “c’est une structure imposante qui s’applique à des projets de grande envergure”.

Pour ceux qui veulent s’épargner la gestion administra­tive et se faire conseiller sur les projets à soutenir, créer une fondation abritée est une bonne option “La préfecture veille à ce que l’intérêt général poursuivi au travers de la fondation d’entreprise ne soit pas au service du développem­ent commercial de la société”

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“Il n’y a pas de structure miracle, il n’y a que des véhicules plus ou moins adaptés aux besoins, aux attentes et à la personnali­té du futur philanthro­pe.” Nathalie Sauvanet, BNP Paribas Wealth Management.
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“Certains fondateurs ont une idée très précise de la thématique mais n’identifien­t pas forcément les associatio­ns qui portent les projets qu’ils pourront soutenir. Nous faisons donc cette identifica­tion pour eux.” Christophe Rousselot, Fondation Notre...
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“Certains se retrouvent un peu démunis et esseulés après avoir mis en place un fonds de dotation. C’est là où la fondation abritée peut être une alternativ­e intéressan­te.” Hugues Soler, UBS.

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