Nouveaux visages funéraires
Grâce à l’essor des nouvelles pratiques et des technologies, la personnalisation des services gagne un secteur funéraire en pleine santé
Affaires publiques
Le marché du funéraire n’en finit pas de croître. Et pour cause : avec l’augmentation de la démographie, on a enregistré près de 603 000 décès en 2017. Mais ce secteur ne se repose pas sur ses lauriers et a su proposer de nouvelles pratiques pour faire évoluer son image. Incinération, personnalisation des cercueils, démarches dématérialisées en ligne, jusqu’aux QR codes sur les pierres tombales… De nombreuses évolutions ont vu le jour, portées par la digitalisation du secteur. Mais elles sont aussi de plus en plus encadrées : avec la loi sur la destination des cendres adoptée en 2008, la dispersion issue d’une crémation est une pratique désormais réglementée.
MARIE LYAN
Avec 603 000 décès en 2017, contre 530 000 dix ans plus tôt, le marché funéraire en France se développe à mesure que notre démographie augmente, depuis son ouverture à la concurrence en 1993. Et la hausse de la démographie promet encore à cette industrie de beaux jours devant elle : “Depuis deux ans, on constate une augmentation du nombre de décès à mesure que l’on entre dans l’ère des baby-boumeurs”, affirme Philippe Martineau, président du réseau Le Choix funéraire. Et si ce secteur existe depuis la nuit des temps, il a également su se mettre aux pratiques du XXIe siècle pour poursuivre son évolution. Parmi les nouvelles tendances, on note une forte progression des contrats de prévoyance et d’obsèques, qu’ils soient commercialisés par les sociétés de pompes funèbres ou par le secteur des banques et assurances. “Près de 40 % des obsèques en France sont aujourd’hui préfinancés grâce à ce type de contrats”, note Philippe
Martineau. “Nous gérons actuellement 400 000 contrats de prévoyance, et ce chiffre augmente”, complète Camille Soustra, directrice de la communication du groupe OGF. Mieux prévoir, c’est désormais le credo de ces clients qui choisissent de consacrer un capital à la planification de leurs obsèques. Avec deux principaux avantages : choisir ce qu’ils souhaitent, mais aussi décharger leurs proches de cette tâche. “La plupart des contrats sont souscrits auprès des banques, car il est plus facile de parler à un banquier
que d’aller voir une entreprise de
pompes funèbres”, note Ophélie Chauffert, responsable marketing et communication de Funeris.
La crémation a le vent en poupe
Alors qu’elle ne représentait encore que 1 % des choix des défunts dans les années 1990, la crémation est désormais plébiscitée par près de 40 % des Français. “54 % des clients choisissent cette formule lorsqu’ils mettent en place un contrat de prévoyance”, constate Camille Soustra. Avec près de 1 100 points de vente à travers l’Hexagone, le groupe OGF possède par exemple son
Parmi les nouvelles tendances, on note une forte progression des contrats de prévoyance et d’obsèques, qu’ils soient commercialisés par les pompes funèbres, ou par les banques et assurances
propre parc de 78 crématoriums en exploitation ou en cours de construction, “ce qui représente la moitié du parc privé français”. Malgré un maillage réparti entre crématoriums privés et publics, la demande dépasse parfois l’offre, comme à Bordeaux, où Philippe Martineau, du Choix Funéraire, ne comptait pas moins de neuf jours d’attente début avril en raison d’un manque de capacité. “Le choix de la crémation dépend aussi des localisations : on observe encore un attachement au cimetière dans les milieux ruraux”, note Ophélie
Chauffert. “Les gens qui possèdent des concessions vont continuer d’inhumer, mais ceux qui n’en ont pas y réfléchiront certainement car cela représente une économie, au lieu d’installer un caveau et un monument”, ajoute Luc Behra, directeur général des opérations du groupe Funecap. Pour autant, les motivations derrière ce choix sont vastes : “certains trouvent cela plus propre ou écologique, tandis que d’autres avancent des considérations philosophiques”, note Philippe Martineau. Pour accompagner cette demande, les fabricants se sont adaptés et proposent même différents designs d’urnes : “on retrouve plus de modernité avec des urnes composées de résine, de bois, de verre”, note Luc Behra. Le choix de la crémation n’est cependant pas forcément une question de budget. Car si l’on peut penser que les tarifs d’une crémation sont moins élevés qu’une inhumation, il existe un certain nombre d’incontournables en matière de services funéraires, comme l’accueil des familles, les soins de conservation ainsi que la prise en charge du convoi, qui demeurent présents lors d’une crémation. “Il faut compter en moyenne 3 000 à 4 000 euros pour une prestation”,
estime Luc Behra.
L’ère de la personnalisation
Comme dans d’autres secteurs, les services funéraires voient apparaître une importante demande pour des offres personnalisées, à commencer par
les cercueils. “Il existait auparavant une vision assez traditionnelle, avec la peur du qu’endira-t-on, mais les Français s’en affranchissent et se réapproprient les obsèques à travers une recherche de personnalisation”, remarque Camille Soustra. En résulte notamment l’essor de nouvelles gammes de cercueils composés de différentes essences de bois, personnalisés par des emblèmes, et qui peuvent également être
colorés, ou accompagnés d’une photo imprimée… “Le plexiglas permet de réaliser une impression numérique représentant une passion ou la photo du défunt, et de personnaliser le cercueil sous 24
à 48 heures”, cite en exemple Ophélie Chauffert chez Funeris. Luc Behra, chez Funecap, évoque le développement de cercueils munis d’un revêtement permettant de laisser un message avec un feutre ou une craie. Les matériaux utilisés ont eux aussi évolué, avec l’arrivée du bois brut et des vernis et colles sans solvants pour développer une vision plus écologique. “Le traitement des cercueils s’oriente vers des vernis à eau, et des capitons avec des intérieurs en coton plutôt qu’en synthétique. Les familles sont sensibles aux matériaux plus naturels, avec par exemple des urnes en bambou”, confirme Philippe Martineau. Grâce à l’essor du numérique, de nouvelles options de personnalisation ont vu le jour, “comme un outil de configuration 3D de monuments grâce auquel les familles choisissent la couleur, la forme et les motifs de chez elles”, ajoute Ophélie Chauffert. S’ajoute aussi la possibilité de concevoir des cérémonies civiles entièrement personnalisées, avec de la musique, des photos, mais aussi
des parfums. “On se dirige de plus en plus vers la théâtralisation des cérémonies, pour mettre en scène le cercueil. On peut par exemple associer une musique de fond et une odeur d’herbe pour évoquer la nature”, résume Luc Behra, à Funecap. De son côté, Philippe Martineau propose un service de streaming afin de personnaliser l’ambiance de sa salle de cérémonie. “On voit même arriver des clés USB dans les salons funéraires afin de pouvoir projeter des souvenirs de la personne qui s’en va.”
Grâce à l’essor du numérique, de nouvelles options de personnalisation ont vu le jour, comme un outil de configuration 3D de monuments “On se dirige de plus en plus vers la théâtralisation des cérémonies, pour mettre en scène le cercueil”