Le Nouvel Économiste

BITCOIN, LE BUG

Une nouvelle étude apporte une maigre consolatio­n à ses adeptes et investisse­urs

- THE ECONOMIST

Le rapport de Barclays décrit la technologi­e cryptograp­hique comme “une solution qui cherche encoare un problème”

Plus les prix augmentent rapidement, plus les espoirs des investisse­urs sont déraisonna­bles et plus l’infection se propage. En fin de compte, le marché est à court de participan­ts potentiels et la hausse des prix ralentit. Une fois que les cours commencent à chuter, les détenteurs perdent l’espoir de gains importants et commencent à vendre. L’épidémie est endiguée

Depuis la fin de la phase d’ivresse de fin 2017 à janvier 2018, les monnaies cryptograp­hiques sont en déclin. Le cours du bitcoin, spécimen le plus connu, n’est plus qu’à un tiers de la valeur atteinte à son apogée. Mais les monnaies numériques conservent beaucoup d’adeptes. Ces derniers soulignent que les cours restent bien supérieurs aux niveaux de 2016. Et l’intérêt des investisse­urs institutio­nnels demeure assez important pour inciter les analystes à chercher un sens au phénomène de la crypto-monnaie. La dernière banque à s’y être essayée est Barclays, qui consacre une bien plus grande partie de son rapport ‘Equity Gilt Study 2018’ à l’impact des changement­s technologi­ques sur la finance et l’économie qqu’aux actions ou aux emprunts d’État britanniqu­es. Le document décrit la technologi­e cryptograp­hique comme “une solution qui cherche encore un problème”. Il identifie quatre défis en particulie­r. Le premier concerne la confiance. Dans la plupart des pays, les consommate­urs et les entreprise­s font confiance aux monnaies émises par le gouverneme­nt. Le second tient à la souveraine­té : en raison du risque d’évasion fiscale et de perte de contrôle financier, ni les gouverneme­nts ni les banques centrales ne souhaitent voir décoller les crypto-monnaies axées sur la protection de la vie privée. Un troisième défi touche à la protection de la vie privée. Bien qu’elles puissent être utilisées sous un pseudonyme, les monnaies cryptograp­hiques sont moins anonymes que l’argent liquide, car la blockchain qui les sous-tend enregistre toutes les transactio­ns. Si un pseudonyme est piraté et l’identité de l’utilisateu­r découverte, l’historique de ses achats est révélée. Un quatrième défi concerne l’impossibil­ité de défaire une transactio­n en cas d’erreur ou de fraude – il est difficile d’inverser les transactio­ns sur la blockchain. Au-delà de tous ces problèmes, force est de constater que les alternativ­es existantes semblent fonctionne­r parfaiteme­nt bien. Il est facile d’effectuer des paiements et de transférer de l’argent en un instant. D’où vient donc l’attrait des nouveaux venus numériques ? Les crypto-monnaies axées sur la protection de la vie privée peuvent s’avérer intéressan­tes dans les sociétés où la confiance est faible, lorsque les gouverneme­nts ne sont pas disposés ou incapables de fournir des moyens d’échange fiables – en temps de guerre ou en cas de défaut souverain, par exemple. Barclays suggère également que dans les pays où les possibilit­és d’investisse­ment sont limitées, “les monnaies cryptograp­hiques peuvent être l’un des rares moyens de diversifie­r l’épargne en dehors des actifs nationaux”. Ces conditions ne sont pas réunies dans les pays riches. Mais elles le sont sur certains marchés émergents. Dans les pays développés, les criminels pourraient aussi alimenter la demande (bien qu’ils privilégie­ntg désormais largement g l’argent liquide). À partird’hypop thèses optimistes sur la taille de ces marchés à faible confiance et ceux liés à la criminalit­é, Barclays estime la valeur totale maximale de toutes les monnaies cryptograp­hiques entre 660 et 780 milliards de dollars. Cela correspond peu ou prou au niveau des cours début 2018. La valeur maximale n’est pas synonyme de juste prix. Les enquêtes indiquent que la plupart des personnes qui achètent des bitcoins le font à titre d’investisse­ment. Seuls 8 % des Américains qui détiennent des bitcoins les utilisent pour des achats ou des paiements. Cela permet de comprendre que la principale motivation dans l’achat des cryptomonn­aies est la spéculatio­n, ce qui explique aussi les récentes hausses et baisses spectacula­ires des crypto-monnaies, comme en ont connues tant de bulles avant elles, de la spéculatio­n sur les tulipes autrefois aux Pays-Bas aux valeurs technologi­ques de la bulle Internet. Les bulles spéculativ­es sont difficiles à modéliser : comment trouver un moyen rationnel d’évaluer l’irrational­ité ? Mais Barclays utilise l’ingénieuse analogie de la maladie infectieus­e. Une bulle commence avec un petit nombre de détenteurs d’actifs (les “infectés”). Les nouveaux acheteurs sont attirés (ou attrapent le virus) parce qu’ils observent des hausses de prix et qu’ils craignent de passer à côté d’une opportunit­é. Une grande partie de la population est immunisée et ne succombera jamais. Pour déterminer un objectif de cours, les investisse­urs se fondent sur une combinaiso­n tenant compte du cours actuel et d’une projection à partir de l’augmentati­on récente du cours. Plus les prix augmentent rapidement, plus les espoirs des investisse­urs sont déraisonna­bles et plus l’infection se propage. En fin de compte, le marché est à court de participan­ts potentiels et la hausse des prix ralentit. Une fois que les cours commencent à chuter, les détenteurs perdent l’espoir de gains importants et commencent à vendre. L’épidémie est endiguée. Le modèle de Barclays correspond assez bien à l’histoire du cours du bitcoin. Et il prédit de tristes perspectiv­es à long terme pour le cours des monnaies cryptograp­hiques. Après tout, beaucoup d’investisse­urs auront acheté au cours des derniers mois, alors que l’enthousias­me était à son apogée. Certains auront pris des risques excessifs pour acheter la devise, via le “spread betting” ou d’autres types de paris hasardeux. En lieu et place des profits qu’ils espéraient, ils panseront leurs pertes. Certains voudront vendre leurs actifs. Mais les nouveaux acheteurs seront plus difficiles à tenter maintenant que les cryptomonn­aies ne s’apparenten­t plus à un pari gagnant et garanti. Tout cela est une bonne nouvelle. Peut-être que la blockchain s’avérera utile à d’autres fins – par exemple, l’enregistre­ment des transactio­ns immobilièr­es. Mais il était difficile de réfléchir à de telles innovation­s potentiell­es alors que tous les projecteur­s étaient braqués sur un cours en perpétuell­e augmentati­on. La fièvre cryptograp­hique est enfin retombée.

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