Ressources humaines
Team building et collectif au quotidien
Pôle emploi recense aujourd’hui quelque 500 000 personnes handicapées inscrites dans ses fichiers. Avec un taux de chômage de 19 %, deux fois supérieur à la moyenne nationale, cette population peine encore à trouver sa place au sein des entreprises, avec un taux d’activité des personnes déficientes d’à peine de 43 %. En outre, le pourcentage de travailleurs handicapés au sein des entreprises atteint faiblement les 4 %, alors que la loi impose aux sociétés un quota des 6 %. Il est dès lors évident que la formation et l’apprentissage demeurent trop souvent des leviers insuffisamment activés pour combler ce déficit. Soucieuse de faire tomber les idées reçues, Karine Reverte, directrice du CCAH (Comité national coordination
action handicap), rappelle
que “85 % des personnes recrutées en situation de handicap ne nécessitent pas d’aménagement de poste”.
Et elle ajoute : “concrètement, c’est le sourcing des candidats qui reste la préoccupation première des entreprises. Il peut être difficile de trouver des profils adaptés aux besoins des recruteurs”.
Identifier les bons candidats
Avec un taux de chômage de 19 %, deux fois supérieur à la moyenne nationale, cette population peine encore à trouver sa place au sein des entreprises
C’est un constat que partagent plusieurs entreprises françaises parmi lesquelles Sopra Steria, entreprise de services du numérique. Cette dernière a d’ailleurs lancé plusieurs programmes, “Handitutorat” avec des écoles d’ingénieurs et “Atouts pour tous” avec des universités, car Sopra Steria ne parvenait pas à trouver de candidats formés et qualifiés. “En 2012, nous avons signé notre premier accord handicap. Lorsque nous nous sommes lancés dans le recrutement de salariés en situation de handicap, nous ne
trouvions pas de candidats dans les écoles d’ingénieurs”, note Consuelo Bénicourt, la directrice RSE. Et l’ancienne DRH du groupe d’ajouter : “nous nous appuyons désormais sur un réseau de volontaires (des étudiants d’écoles d’ingénieurs et d’universités ainsi que des managers de Sopra Steria), qui assurent un soutien scolaire à des lycéens en situation de handicap. Notre programme compte près de 50 lycéens accompagnés chaque année. Déjà sept écoles d’ingénieurs nous font confiance ainsi que les universités d’Ile-de-France (Paris, Créteil, Versailles)”. De son côté, l’Adapt (Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées) privilégie également les dispositifs de l’emploi accompagné. Cela passe avant tout par la mise en place d’un tuteur ou d’un référent
entre l’entreprise et le jeune handicapé. “La notion d’accompagnement et de parrain est essentielle. Car les jeunes handicapés sont souvent en rupture scolaire. Il faut encourager le recrutement de personnes qui font le lien entre les différents acteurs et qui empêchent la situation de se dégrader”, explique Éric Blanchet, direcg teur de l’Adapt. D’autres initiatives parmi lesquelles le salon virtuel pour l’emploi “Hello Handicap” et la SEEPH (Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées), créée par l’Adapt en 1997, permettent aux demandeurs d’emploi d’être mis en relation avec des employeurs.
Opter pour l’alternance
Ces initiatives ne doivent surtout pas faire oublier la nécessité d’une meilleure formation chez les personnes handicapées pour pouvoir accéder à l’emploi. Serge Ebersold, sociologue et titulaire de la chaire accessibilité au Cnam (Conservatoire national des arts et métier), a montré dans une étude menée pour le compte de l’OCDE que dans certains pays, l’accès à l’enseignement supérieur augmente de 30 % la possibilité de trouver un emploi chez les jeunes handicapés. “Comme pour l’ensemble des jeunes, le taux de chômage chez les handicapés, même s’il est deux fois plus important que celui de la population générale, est fortement lié à l’absence de qualification”, analyse le sociologue. Et celui-ci de rappeler que 86 % des jeunes handicapés français inscrits en lycée le sont dans des lycées professionnels. Pour certains organismes, parmi lesquels l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées), l’alternance demeure une véritable opportunité, y compris pour les employeurs. “Elle offre l’opportunité d’accéder directement à l’emploi tout en travaillant sur la montée en qualification des personnes. Et permet ainsi de construire des réponses sur mesure à des emplois identifiés sur lesquels il n’est pas toujours facile de trouver des candidats qualifiés, explique Hugues Defoy, directeur de pôle métier à l’Agefiph. De la découverte du métier ou d’un secteur d’activité, à la sélection des candidats sur les potentiels et sur la motivation, en passant par des remises à niveau préalables à la signature du contrat, nous avons de belles réussites dans les métiers du luxe, l’aéronautique, l’assurance ou encore les métiers de la propreté.” L’Agefiph verse d’ailleurs une aide financière aux employeurs qui recrutent par le biais du contrat de professionnalisation et d’apprentissage. En février dernier, l’association a ainsi lancé une campagne de communication destinée à promouvoir l’alternance (contrat d’apprentissage et de professionnalisation). La majorité des spécialistes de la question s’accorde pour dire que les dispositifs d’apprentissage doivent être adaptés aux spécificités des travailleurs handicapés. “Cette population a un niveau de qualification initiale plus faible que la moyenne. Près de 80 %
des travailleurs handicapés n’ont pas le bac ou équivalent. C’est pourquoi il peut être intéressant de les adosser à des POE (préparation opérationnelle à l’emploi) qui leur permettent ainsi d’acquérir les savoirs de base”, note Antoine Dezalay, responsable qualité de vie au travail & diversité du groupe SOS. Et ce dernier de poursuivre : “dans la mesure où près de la moitié des travailleurs handicapés ont plus de 50 ans, il a été décidé qu’il n’y aurait pas de limite d’âge pour les recruter en alternance ou en contrat
de professionnalisation”. En matière de formation continue, le groupe SOS s’efforce ainsi de rendre ses actions accessibles à tous. Cela nécessite de former à l’accueil de personnes en situation de handicap, mais aussi de proposer des supports accessibles (vidéos e-learning sous-titrées, etc.)
Tropp de démarches administratives
Pourtant en dépit des bonnes volontés, personnes handicapées comme employeurs soulignent que
les obstacles sont encore trop nombreux. “Il y a encore beaucoup trop de complexité administrative, en ce qui concerne notamment le montage des dossiers. Exemple : qui finance quoi ? Il faut des réponses simples. Il faut que les nombreux acteurs ne soient ppas rebutés ppar ces complexités”,p note Éric Blanchet. Le sociologue Serge Ebersold tire les mêmes conclusions. Selon le titulaire de la chaire accessibilité au Cnam, il y a encore une trop grande fragmentation de la ggouvernance : “les instances, que ce soit l’État, les régions ou même l’Agefiph, ne créent ppas assez de
synergies entre elles”. À la question “à qui s’adresser pour être accompagné ?”, Karine Reverte ne passe pas par quatre chemins : “Il y a trop
d’acteurs !” Pour tenter d’y voir plus clair, les personnes handicapées tout comme les employeurs peuvent prendre contact avec l’Agefiph, Pôle emploi, les Cap Emploi ou encore les Missions locales. Quoi
qu’il en soit, il est impératif d’avoir en tête qu’aucune entreprise ne recrutera un jeune handicapé s’il n’est pas compétent, et il est essentiel que les structures d’accompagnement mettent l’accent sur les compétences des personnes, pardelà leur particularité. “Le recrutement de salariés handicapés offre une forte valeur ajoutée au fonctionnement de l’entreprise. Cela permet de réfléchir à ce qui fait collégialité et d’appréhender, pour mieux la prendre en considération, toute forme de vulnérabilité autre que le handicap (problème cardiaque, burn-out, etc.)”, conclut Serge Ebersold. En somme, un bénéfice pour tous les salariés.
“L’alternance permet de construire des réponses sur mesure à des emplois identifiés sur lesquels il n’est pas toujours facile de trouver des candidats qualifiés” L’Agefiph verse une aide financière aux employeurs qui recrutent par le biais du contrat de professionnalisation et d’apprentissage