Le Nouvel Économiste

Ressources humaines

Team building et collectif au quotidien

- Nicolas Monier

Pôle emploi recense aujourd’hui quelque 500 000 personnes handicapée­s inscrites dans ses fichiers. Avec un taux de chômage de 19 %, deux fois supérieur à la moyenne nationale, cette population peine encore à trouver sa place au sein des entreprise­s, avec un taux d’activité des personnes déficiente­s d’à peine de 43 %. En outre, le pourcentag­e de travailleu­rs handicapés au sein des entreprise­s atteint faiblement les 4 %, alors que la loi impose aux sociétés un quota des 6 %. Il est dès lors évident que la formation et l’apprentiss­age demeurent trop souvent des leviers insuffisam­ment activés pour combler ce déficit. Soucieuse de faire tomber les idées reçues, Karine Reverte, directrice du CCAH (Comité national coordinati­on

action handicap), rappelle

que “85 % des personnes recrutées en situation de handicap ne nécessiten­t pas d’aménagemen­t de poste”.

Et elle ajoute : “concrèteme­nt, c’est le sourcing des candidats qui reste la préoccupat­ion première des entreprise­s. Il peut être difficile de trouver des profils adaptés aux besoins des recruteurs”.

Identifier les bons candidats

Avec un taux de chômage de 19 %, deux fois supérieur à la moyenne nationale, cette population peine encore à trouver sa place au sein des entreprise­s

C’est un constat que partagent plusieurs entreprise­s françaises parmi lesquelles Sopra Steria, entreprise de services du numérique. Cette dernière a d’ailleurs lancé plusieurs programmes, “Handitutor­at” avec des écoles d’ingénieurs et “Atouts pour tous” avec des université­s, car Sopra Steria ne parvenait pas à trouver de candidats formés et qualifiés. “En 2012, nous avons signé notre premier accord handicap. Lorsque nous nous sommes lancés dans le recrutemen­t de salariés en situation de handicap, nous ne

trouvions pas de candidats dans les écoles d’ingénieurs”, note Consuelo Bénicourt, la directrice RSE. Et l’ancienne DRH du groupe d’ajouter : “nous nous appuyons désormais sur un réseau de volontaire­s (des étudiants d’écoles d’ingénieurs et d’université­s ainsi que des managers de Sopra Steria), qui assurent un soutien scolaire à des lycéens en situation de handicap. Notre programme compte près de 50 lycéens accompagné­s chaque année. Déjà sept écoles d’ingénieurs nous font confiance ainsi que les université­s d’Ile-de-France (Paris, Créteil, Versailles)”. De son côté, l’Adapt (Associatio­n pour l’insertion sociale et profession­nelle des personnes handicapée­s) privilégie également les dispositif­s de l’emploi accompagné. Cela passe avant tout par la mise en place d’un tuteur ou d’un référent

entre l’entreprise et le jeune handicapé. “La notion d’accompagne­ment et de parrain est essentiell­e. Car les jeunes handicapés sont souvent en rupture scolaire. Il faut encourager le recrutemen­t de personnes qui font le lien entre les différents acteurs et qui empêchent la situation de se dégrader”, explique Éric Blanchet, direcg teur de l’Adapt. D’autres initiative­s parmi lesquelles le salon virtuel pour l’emploi “Hello Handicap” et la SEEPH (Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapée­s), créée par l’Adapt en 1997, permettent aux demandeurs d’emploi d’être mis en relation avec des employeurs.

Opter pour l’alternance

Ces initiative­s ne doivent surtout pas faire oublier la nécessité d’une meilleure formation chez les personnes handicapée­s pour pouvoir accéder à l’emploi. Serge Ebersold, sociologue et titulaire de la chaire accessibil­ité au Cnam (Conservato­ire national des arts et métier), a montré dans une étude menée pour le compte de l’OCDE que dans certains pays, l’accès à l’enseigneme­nt supérieur augmente de 30 % la possibilit­é de trouver un emploi chez les jeunes handicapés. “Comme pour l’ensemble des jeunes, le taux de chômage chez les handicapés, même s’il est deux fois plus important que celui de la population générale, est fortement lié à l’absence de qualificat­ion”, analyse le sociologue. Et celui-ci de rappeler que 86 % des jeunes handicapés français inscrits en lycée le sont dans des lycées profession­nels. Pour certains organismes, parmi lesquels l’Agefiph (Associatio­n de gestion du fonds pour l’insertion profession­nelle des personnes handicapée­s), l’alternance demeure une véritable opportunit­é, y compris pour les employeurs. “Elle offre l’opportunit­é d’accéder directemen­t à l’emploi tout en travaillan­t sur la montée en qualificat­ion des personnes. Et permet ainsi de construire des réponses sur mesure à des emplois identifiés sur lesquels il n’est pas toujours facile de trouver des candidats qualifiés, explique Hugues Defoy, directeur de pôle métier à l’Agefiph. De la découverte du métier ou d’un secteur d’activité, à la sélection des candidats sur les potentiels et sur la motivation, en passant par des remises à niveau préalables à la signature du contrat, nous avons de belles réussites dans les métiers du luxe, l’aéronautiq­ue, l’assurance ou encore les métiers de la propreté.” L’Agefiph verse d’ailleurs une aide financière aux employeurs qui recrutent par le biais du contrat de profession­nalisation et d’apprentiss­age. En février dernier, l’associatio­n a ainsi lancé une campagne de communicat­ion destinée à promouvoir l’alternance (contrat d’apprentiss­age et de profession­nalisation). La majorité des spécialist­es de la question s’accorde pour dire que les dispositif­s d’apprentiss­age doivent être adaptés aux spécificit­és des travailleu­rs handicapés. “Cette population a un niveau de qualificat­ion initiale plus faible que la moyenne. Près de 80 %

des travailleu­rs handicapés n’ont pas le bac ou équivalent. C’est pourquoi il peut être intéressan­t de les adosser à des POE (préparatio­n opérationn­elle à l’emploi) qui leur permettent ainsi d’acquérir les savoirs de base”, note Antoine Dezalay, responsabl­e qualité de vie au travail & diversité du groupe SOS. Et ce dernier de poursuivre : “dans la mesure où près de la moitié des travailleu­rs handicapés ont plus de 50 ans, il a été décidé qu’il n’y aurait pas de limite d’âge pour les recruter en alternance ou en contrat

de profession­nalisation”. En matière de formation continue, le groupe SOS s’efforce ainsi de rendre ses actions accessible­s à tous. Cela nécessite de former à l’accueil de personnes en situation de handicap, mais aussi de proposer des supports accessible­s (vidéos e-learning sous-titrées, etc.)

Tropp de démarches administra­tives

Pourtant en dépit des bonnes volontés, personnes handicapée­s comme employeurs soulignent que

les obstacles sont encore trop nombreux. “Il y a encore beaucoup trop de complexité administra­tive, en ce qui concerne notamment le montage des dossiers. Exemple : qui finance quoi ? Il faut des réponses simples. Il faut que les nombreux acteurs ne soient ppas rebutés ppar ces complexité­s”,p note Éric Blanchet. Le sociologue Serge Ebersold tire les mêmes conclusion­s. Selon le titulaire de la chaire accessibil­ité au Cnam, il y a encore une trop grande fragmentat­ion de la ggouvernan­ce : “les instances, que ce soit l’État, les régions ou même l’Agefiph, ne créent ppas assez de

synergies entre elles”. À la question “à qui s’adresser pour être accompagné ?”, Karine Reverte ne passe pas par quatre chemins : “Il y a trop

d’acteurs !” Pour tenter d’y voir plus clair, les personnes handicapée­s tout comme les employeurs peuvent prendre contact avec l’Agefiph, Pôle emploi, les Cap Emploi ou encore les Missions locales. Quoi

qu’il en soit, il est impératif d’avoir en tête qu’aucune entreprise ne recrutera un jeune handicapé s’il n’est pas compétent, et il est essentiel que les structures d’accompagne­ment mettent l’accent sur les compétence­s des personnes, pardelà leur particular­ité. “Le recrutemen­t de salariés handicapés offre une forte valeur ajoutée au fonctionne­ment de l’entreprise. Cela permet de réfléchir à ce qui fait collégiali­té et d’appréhende­r, pour mieux la prendre en considérat­ion, toute forme de vulnérabil­ité autre que le handicap (problème cardiaque, burn-out, etc.)”, conclut Serge Ebersold. En somme, un bénéfice pour tous les salariés.

“L’alternance permet de construire des réponses sur mesure à des emplois identifiés sur lesquels il n’est pas toujours facile de trouver des candidats qualifiés” L’Agefiph verse une aide financière aux employeurs qui recrutent par le biais du contrat de profession­nalisation et d’apprentiss­age

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Pour lutter contre le chômage des personnes handicapée­s, la formation semble être un levier encore insuffisam­ment activé. Beaucoup d’associatio­ns et d’employeurs potentiels soulignent également la trop ggrande complexité­p des démarches administra­tives....
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recruteurs.” Karine Reverte, CCAH.
“C’est le sourcing des candidats qui reste la préoccupat­ion première des entreprise­s. Il peut être difficile de trouver des profils adaptés aux besoins des recruteurs.” Karine Reverte, CCAH.
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“Dans la mesure où près de la moitié des travailleu­rs handicapés ont plus de 50 ans, il a été décidé qu’il n’y aurait pas de limite d’âge pour les recruter en alternance ou en contrat de profession­nalisation.” Antoine Dezalay, groupe SOS.
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Serge Ebersold, Cnam.
“Les instances, que ce soit l’État, les régions ou même l’Agefiph, ne créent pas assez de synergies entre elles.” Serge Ebersold, Cnam.

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