Le Nouvel Économiste

Charlotte, ou Y’all Street

La ville où les traders vont s’asseoir sous les magnolias

- ANNE TOULOUSE

Qui n’a pas entendu parler de Sully, ou vu le film racontant l’aventure de Chesley Sullenberg­er, le pilote qui en 2009 a réussi à poser son Airbus A320 en urgence sur l’Hudson et sauvé ses 150 passagers ? Celui qui est devenu un héros national était une sorte de chauffeur d’autobus aérien assurant l’une des 150 liaisons quotidienn­es entre la ppremière et la deuxième place financière desÉtatsq Unis. La première est bien connue, c’est New York, mais la seconde surprend toujours, c’est Charlotte en Caroline du Nord. Il faut d’ailleurs dire qu’elle a récemment été dépassée d’une courte tête par San Francisco. Les deux villes se disputent la deuxième marche du podium depuis 20 ans. Si l’on reste une année sans passer à Charlotte, on découvre que la silhouette de la ville a Un peu plus de deux siècles plus tard elle est devenue Bankcity, mais cette belle du vieux Sud n’a pas sauté à pied joint dans l’arène financière, il y a eu des signes avant-coureurs ! encore changé : de nouveaux gratte-ciel ont poussé au milieu des magnolias. C’est l’une de mes villes préférées car elle permet de remonter le temps en marchant le long de quelques blocs. Du vieux cimetière où sont enterrées les familles décimées par la fièvre jaune au XIXe siècle, on débouche dans un petit Manhattan dont le joyau est l’immeuble 60 étages dessiné par Cesar Pelli pour Bank of America. La ville a deux surnoms, le premier Queen city, puisqu’elle a été baptisée en 1761 en l’honneur de l’épouse du roi d’Angleterre. Un peu plus de deux siècles plus tard, elle est devenue Bankcity, mais cette belle du vieux Sud n’a pas sauté à pied joint dans l’arène financière, il y a eu des signes avant-coureurs ! C’est là qu’a eu lieu la première ruée vers l’or en 1799. Avant que l’Ouest prenne la relève, au milieu du XIXe siècle, elle a été le centre de la pproductio­n du métal jaune aux États-Unis et jusqu’en 1913, elle a eu le monopole de la production des pièces d’or, dans ce que l’on appelle un “Mint”, qui est aujourd’hui un musée.

Or, textile, finance Charlotte n’a jamais manqué un rendez-vous économique. Quand les chercheurs d’or sont partis, elle est devenue le centre de l’industrie textile alimentée par les champs de coton qui étaient alors la richesse du vieux Sud. Les magnats des filatures ont construit les premiers gratte-ciel de la ville. Cette industrie avait généré un afflux de banques, qui ont pris la relève lorsque le textile est entré en récession. La loi de Caroline du Nord favorise la concurrenc­e bancaire, ce qui a amené au XXe siècle de nombreux petits établissem­ents privés. Une figure locale légendaire, Hugh McColl, en a tiré le maximum. Il est emblématiq­ue de la région puisque lorsqu’il est né en 1935, il a trouvé dans son berceau à la fois une plantation de coton et une banque. Mais il a préféré voler de ses propres ailes et s’est spécialisé dans le rachat des petites banques qui végétaient dans le Sud, il en a formé un congloméra­t qui est devenu NationsBan­k. En 1998, il a réalisé son coup de maître en absorbant une banque de San Francisco, BankAmeric­a, qui sous le nom de Bank of America est devenu l’établissem­ent bancaire numéro un du pays. À cette époque, Charlotte était aussi le siège de Wachovia, qui a depuis lors été rachetée par Wells Fargo, qui a pris une sorte de revanche en ramenant une partie de ses avoirs à San Francisco. Charlotte est le fleuron de ce que l’on appelle “y’all street”, par référence à Wall Street. “Y’all”, soit la prononciat­ion locale de “you all”, est l’un des tics verbaux des sudistes, qui emploient “vous tous” même pour parler à une personne seule. “Y’all street” est une puissance financière montante qui va de Charlotte à Austin et Dallas au Texas en passant par Nashville dans le Tennessee. Comme les autres cités, Charlotte ne s’est pas cantonnée dans son industrie de base, celle-ci a généré un afflux d’activités technologi­ques. Par exemple, en 10 ans, la région a développé de 700 % la production de softwares. Charlotte fait partie des 10 villes dont la pppopulati­on grandit le plus rapidement auxÉtatsp Unis. Cette croissance est le fruit de l’activité, mais aussi de la qualité de son environnem­ent. Le coût de la vie y est inférieur de 140 % par rapport à sa rivale San Francisco. Lorsqu’ils quittent les salles de marché futuristes, les traders peuvent circuler à pied vers les gracieuses maisons victorienn­es laissées par leurs prédécesse­urs du siècle dernier. L’argent attirant le sport, c’est là que le basketteur Michael Jordan a créé son équipe de NBA, les Hornetts. L’image de marque de la ville est le Nascar, une brutale compétitio­np automobile sur circuit, qqui est le sport le plus populaire des États-Unis dans les deux sens du terme. Son “Hall of fame”, autrement dit le musée qui lui est consacré, est l’une des attraction­s de la ville, non loin du deuxième plus grand anneau de vitesse après Daytona. Mais la route qui amène dans la ville s’appelle la “Billy Graham Parway”, du nom du plus grand prédicateu­r américain, qui est mort récemment dans sa retraite des Appalaches. Il a installé à Charlotte le siège de BGEA, Billy Graham Evangelist­ic Associatio­n, qui a des antennes dans le monde entier – Charlotte est la deuxième ville la plus religieuse des ÉtatsUnis. Le Nascar, la spirituali­té et la banque font à égalité partie de la tradition d’une ville qui préfère la fusion à la confrontat­ion.

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