Le Nouvel Économiste

Géopolitiq­ue et marchés, une liaison non consommée

Les nuages géopolitiq­ues n’ont pas empêché les marchés actions de la zone euro d’afficher depuis février une hausse de 8 %

- BERTRAND JACQUILLAT

Les nuages géopolitiq­ues n’ont pas empêché les marchés actions de la zone euro d’afficher depuis février une hausse de 8 %

Pour évaluer l’attractivi­té des marchés actions, les chroniqueu­rs boursiers se réfèrent à de nombreuses métriques, et d’abord leur niveau de valorisati­on. À cet égard, ilssouliq gnent depuis un certain temps que les PER des actions sont plus élevés que leur moyenne historique, qu’il s’agisse du multiple des bénéfices 2017 ou du forward PE des bénéfices 2018, ou encore du CAPE (Cyclical Adjusted PE) de Schiller. Ils en concluent que les marchés sont chers, même s’ils apparaisse­nt à l’équilibre compte tenu du niveau de la prime de marché d’Associés en Finance proche de sa moyenne historique. Une fois ces fondements posés entrent en considérat­ion toutes sortes de conjecture­s, d’hypothèses et de scénarios économique­s possibles, qui peuvent affecter les prix des actions. Il peut s’agir de l’évolution à venir du prix de baril de pétrole, ou des taux d’intérêt, de la croissance du PIB au prochain semestre, de la parité de change euro/ dollar, etc. Il en est un de nature purement qualitativ­e qui est toujours présenté comme pouvant altérer les résultats des scénarios économique­s présentés. C’est le risque géopolitiq­ue, toujours présent, même si sa nature change au fil du temps comme la couleur d’un caméléon. Il s’est manifesté récemment avec acuité compte tenu des relations internatio­nales devenues compliquée­s et des foyers de risquesq nombreux et variés : conflit en Syrie,y guerre commercial­e entre les États-Unis et la Chine, accord nucléaire avec l’Iran renié par les États-Unis, armement nucléaire de la Corée du Nord, etc. Et pourtant, les marchés d’actions ont à peine réagi lorsque Donald Trump et le leader Nord-Coréen Kim Jong Un se chamaillai­ent comme des gamins (sauf que les conséquenc­es auraient pu être très graves) sur la dangerosit­é de leur armement nucléaire respectif. Et les nuages géopolitiq­ues qui se sont amoncelés depuis le mois de février n’ont pas empêché les marchés actions de la zone euro d’afficher depuis une forte hausse de près de 8 %.

RAS depuis la guerre du Kippour

Lors de la conférence annuelle mondiale du Milken Institute qui s’est tenue à Beverly Hills à la fin du mois dernier, Mary Callaghan Erdoes, CEO de la gestion d’actifs et de la banque privée de JP Morgan Asset Management, a prétendu que le seul événement géopolitiq­ue qui ait eu une quelconque influence sur les marchés d’actions fut la guerre du Kippour entre Israël et les pays arabes en 1973, qui conduira à un embargo sur le pétrole et une forte augmentati­on de son pprix. Aucune invasion d’un territoire ppar la Russie ou les États-Unis n’ont eu depuis d’impact autre que minimal sur les marchés d’actions. Certains événements géopolitiq­ues peuvent avoir un impact négatif violent mais des effets positifs à plus longue échéance. Ainsi en va-t-il des attentats du 11 septembre 2011 qui ont entraîné une chute importante de Wall Street et la fermeture du marché pendant quelques jours, mais qui ont été suivis d’un cycle haussier de plus de quatre ans à la suite de la guerre en Irak. Ainsi, l’influence de la géopolitiq­ue sur les marchés d’actions est sans doute exagérée. Sauf que la politique peut affecter les marchés de manière plus subtile. Ainsi en va-t-il du populisme qui émerge dans de nombreux pays et qui pourrait se focaliser sur la technologi­e et conduire à une réglementa­tion sévère des Gafa et autres FAANG. Celle-ci mettrait ainsi fin au monopole de fait que ces sociétés exercent dans le domaine du numérique, et leur valorisati­on en serait fortement entamée. Mais ne serait-ce pas bénéfique sur un plan économique plus général et donc pour les marchés ? Il faut se méfier d’accorder trop d’importance aux phénomènes géopolitiq­ues qui apparaisse­nt souvent comme ressortant de l’émotionnel et de l’éphémère. Et heureuseme­nt d’ailleurs !

La politique peut affecter les marchés de manière plus subtile. Ainsi en va-t-il du populisme qui émerge dans de nombreux pays et qui pourrait se focaliser sur la technologi­e et conduire à une réglementa­tion sévère des Gafa et autres FAANG

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