Le Nouvel Économiste

Prévention des fraudes : la quadrature du cercle

Trouver le bon équilibre entre taux de transforma­tion, fluidité du parcours client et prévention des fraudes

- SOPHIE SEBIROT “Le e-commerce représente 10 % des paiements et 60 % de la fraude aux paiements ; cela reste donc encore trop élevé.” Bertrand Pineau, Fevad.

Si les fraudes sur les sites de e-commerce diminuent chaque année – alors que ce secteur poursuit sa croissance à deux chiffres – elles demeurent encore trop élevées. Des solutions existent, comme le 3D Secure et le scoring. D’autres, comme le machine learning, se développen­t. Pour les acteurs du e-commerce, tiraillés entre la nécessité d’offrir une expérience client fluide tout en assurant la sécurité de leur site, la prévention reste un enjeu majeur. D’autant qu’une nouvelle réglementa­tion européenne vise à renforcer la protection du consommate­ur. Pas simple.

Bonne nouvelle : le e-commerce se porte de mieux en mieux. Au premier trimestre 2018, plus de 20 milliards d’euros ont été dépensés sur les sites Internet, soit une hausse de 13 %. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, le taux de fraude pour les paiements à distance a diminué en 2017 pour atteindre 0,161 %, contre 0,210 % en 2016, selon l’Observatoi­re de la sécurité des moyens de paiement (OSMP). “Grâce à une étroite collaborat­ion entre les e-commerçant­s, les réseaux de cartes bancaires et la Banque de France, le taux de fraude aux paiements en ligne baisse. Toutefois, le e-commerce représente 10 % des paiements et 60 % de la fraude aux paiements ; cela reste encore trop élevé par rapport aux

autres canaux”, souligne Bertrand Pineau, responsabl­e veille, innovation, développem­ent à la Fevad. Une fraude qui coûte cher aux e-commerçant­s. “La fraude aux paiements entraîne des milliards d’euros de pertes, empêchant les sites de e-commerce d’atteindre leur potentiel maximum”, alerte Shalhevet Zohar, directrice du marketing de la start-up Riskified. Et d’ajouter: “les faux positifs (transactio­ns légitimes considérée­s comme des fraudes) coûtent 2 milliards d’euros, soit davantage que les fraudes elles-mêmes”. Autant d’opportunit­és commercial­es

ratées. “Les cybermarch­ands sont deux fois victimes des fraudes : ils ne sont pas payés, et sont dépouillés d’un service ou d’une marchandis­e”, fait remarquer Me Gérard Haas, fondateur du cabinet d’avocats Haas & Associés et expert pour la Paris Retail Week.

Trouver le bon équilibre

Ces derniers se trouvent donc confrontés à une quadrature du cercle: augmenter le taux de transforma­tion des achats tout en assurant à leurs clients un parcours sans friction, c’est-à-dire sans retard dans la transactio­n, et en prévenant les fraudes, ce qui implique souvent la mise en oeuvre de processus d’authentifi­cation, comme le protocole 3D Secure. “Le 3D Secure est une

très bonne barrière, mais insuffisan­te. Le scoring (analyse de risque) est un système plus fin et plus compliqué à paramétrer, qui permet d’y faire appel moins souvent” estime David Le Dru, expert en fraude e-commerce chez Monext. “L’idéal serait d’avoir un one click sécurisé. Notre ambition est de parvenir à cet équilibre idéal entre sécurité des paiements et taux de transforma­tion”, indique Loÿs Moulin, directeur du développem­ent du groupement Cartes bancaires (CB), qui développe actuelleme­nt une nouvelle plateforme de sécurisati­on du e-commerce. Un équilibre difficile à trouver et qui dépend de nombreux paramètres. “Les solutions de prévention des fraudes dépendent à la fois du secteur d’activité du e-commerçant et du volume de commandes passées par jour”, affirme David Le Dru.

Pas de solution universell­e

De fait, il n’existe pas de solution

universell­e. “Il est important de mesurer le niveau d’exposition à la fraude. On ne peut pas utiliser la même approche en matière de prévention contre les fraudes lorsque l’on vend des livres ou du matériel hightech sur Internet ; il n’est pas essentiel de recourir à une authentifi­cation forte pour le télécharge­ment d’une chanson”, fait valoir Gilles Brabant,

directeur commercial d’Ingenico France. À l’opposé, les secteurs du tourisme et des biens de consommati­on immédiate sont davantage

la cible des fraudeurs. “Il est toujours plus compliqué de lutter contre les fraudes dans ces secteurs, car une fois le billet de train ou le séjour acheté, il est consommé rapidement ; en revanche, l’envoi d’un colis constitue un indice plus facilement traçable”, explique Bertrand Pineau. David Le Dru recommande aux e-commerçant­s de choisir un outil adapté à leurs besoins : “Certains sites de e-commerce font très peu de transactio­ns et peuvent se contenter d’une surveillan­ce manuelle de leurs transactio­ns (à condition de savoir reconnaîtr­e les signes d’une fraude). Par contre, un site de e-commerce important doit mettre en place des outils performant­s”.

Les nouveaux outils

Des outils de plus en plus performant­s existent pour répondre à des fraudeurs de plus en plus inventifs. “Trois types d’outils complément­aires existent pour prévenir la fraude aux paiements : les scorings, mis en oeuvre par les e-commerçant­s, les banques et les systèmes de cartes, des solutions d’authentifi­cations fortes et la diffusion d’alertes fraudes” souligne Loÿs

Moulin, qui ajoute: “il existe plusieurs outils d’authentifi­cation forte : le code à usage unique envoyé par SMS, utilisé le plus fréquemmen­t ; la saisie d’un code confidenti­el sur l’applicatio­n mobile de sa banque – un outil qui va prendre de plus en plus d’importance – ; des serveurs vocaux interactif­s, la biométrie digitale, vocale, voire faciale, ou encore les solutions de cartes virtuelles numériques valables uniquement pour un ou plusieurs achats”. Pour Gilles Brabant, l’améliorati­on de la prévention des

“La fraude aux paiements entraîne des milliards d’euros de pertes, empêchant les sites de e-commerce d’atteindre leur potentiel maximum”

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