Un secteur très largement subventionné
Le dispositif général des aides publiques à la presse est fort ancien. Dans son principe, il remonte à la Révolution française avec l’instauration de tarifs postaux privilégiés au profit des publications d’intérêt général. À ce coup de pouce postal qui existe toujours, se sont progressivement empilées d’autres mesures. Le secteur bénéficie de deux grands types d’aides, directes et indirectes, auxquelles s’ajoutent plusieurs fonds, par exemple dédiés à l’innovation. Concernant les aides directes, il y a
d’abord celles concourant au maintien
du pluralisme, dont bénéficient certaines publications nationales ou régionales d’informations politiques et générales (IPG) justifiant de faibles ressources publicitaires. Montant de l’enveloppe en 2017 : 16 millions d’euros. Deuxième catégorie d’aides directes : les aides à la diffusion et à la distribution.
C’est le principal levier de l’intervention de la puissance publique. Son montant avoisine les 205 millions d’euros en 2017, dont 36 millions pour la distribution des abonnements – le portage, dans le jargon – et 121 millions pour l’aide au transport postal notamment. Troisième et dernière aide directe : le fonds stratégique pour le développement de la presse créé en 2012 et dont les aides prennent la forme de subventions et d’avances remboursables. Il est doté d’un budget de 27 millions d’euros. Au final, le total des aides directes à la presse en 2017 dépasse les 246 millions d’euros. Viennent ensuite les aides indirectes, de trois ordres : fiscales, postales et
sociales. Et là c’est jackpot pour les professionnels de la presse ! Coté fiscalité, la presse jouit d’une TVA à taux superréduit de 2,1 %, profitant tout aussi bien à la presse d’actualité qu’à la presse de loisirs, d’une déduction fiscale spéciale sur les investissements des entreprises de presse, ou encore de réductions d’impôt des particuliers pour les dons ou la souscription au capital des sociétés de presse. Concernant la poste, la presse bénéficie de tarifs postaux préférentiels pour son acheminement et sa distribution. La grille tarifaire prend en compte le poids des publications, l’urgence et le degré de préparation des expéditions. Un abattement sur ce tarif de presse s’applique aux quotidiens et aux hebdomadaires présentant un caractère d’information politique et générale. La compensation de l’État au transport postal de la presse s’établit à 121 millions d’euros par an pour une contribution de La Poste à 356 millions. Les aides sociales enfin : les éditeurs peuvent appliquer un abattement de 20 % aux taux de cotisations de sécurité sociale au titre de l’emploi des journalistes. Économie pour les éditeurs : 172 millions d’euros. Pour la collectivité, l’addition est salée. Les aides indirectes dépassent le 1,1 milliard d’euros. Une coquette somme à laquelle il convient d’abord d’ajouter le chiffre d’affaires des annonces judiciaires et légales, estimé à 193 millions d’euros par an dans le projet de loi de finances pour 2018, et ensuite le manque à gagner pour l’État lié au taux super-réduit de TVA. Par rapport au taux de 5,5 % pratiqué pour le livre ou aux taux normal de 20 %, l’estimation évolue entre 165 et 970 millions d’euros. Propulsant le montant des aides indirectes jusqu’à 2,2 milliards d’euros par an !
Au-delà du montant, c’est la fragmentation des aides à la presse qui saute aux yeux. Rapport après rapport, la Cour des comptes recommande d’ailleurs une mise en cohérence. Dans le denier opus, les sages de la rue Cambon pointent deux écueils : une transparence insuffisante et une efficacité incertaine. Pour davantage de clarté, ils recommandent d’inclure dans un seul et même document budgétaire une estimation des transferts réalisés au bénéfice du secteur par l’ensemble des dispositions qui constituent des aides directes ou indirectes à la presse. Concernant l’efficacité, une part non négligeable des aides profite encore aujourd’hui à la presse “non IPG”, qu’elle soit professionnelle ou de divertissement. Ceci vaut en particulier pour les aides à la mutualisation du portage et les aides à la diffusion. La Cour préconise ainsi une simplification du système. Parmi les pistes : viser, à l’horizon de trois à cinq ans, le versement aux éditeurs d’une aide à l’exemplaire payant et leur laisser la responsabilité de choisir le canal de distribution le mieux adapté à leurs objectifs. Un bon moyen d’inclure les journaux numériques à la mesure du pluralisme de la presse écrite.