“Le défi le plus difficile à relever est celui des offres pour les publics populaires”
En quoi le digital a-t-il transformé la consommation des médias de presse écrite ?
Au regard de deux décennies de numérique dans la presse écrite, nous sommes passés de l’Internet comme diversification à un authentique nouveau média, la “presse d’information multisupport”. Celle-ci propose tout au long de la journée – quasiment 24 heures sur 24 – et selon des formes éditoriales qui correspondent à chacun des supports et de ses publics, une information renouvelée, de plus en plus personnalisée et en interaction avec ses utilisateurs. Dans la dernière décennie, le rapport direct entre la presse et son public est déstabilisé par le développement d’une recherche de l’information “horizontale” (de lien en lien) dans laquelle le public prend d’abord appui sur des plateformes (moteurs de recherche, réseaux sociaux, etc.) – les “infomédiaires” – afin d’accéder à des sources d’information qui sont loin d’être toutes des médias.
Comment les éditeurs répondentils à ces nouvelles façons de consommer la presse ?
L’ancien modèle économique basé sur un équilibre entre l’achat par le lecteur et la publicité est rompu. Le modèle de la gratuité est passé par là, alors que les petites annonces ont migré sur des sites spécialisés, avant que les GAFA n’attirent toujours plus de parts de la publicité commerciale.
Les stratégies des éditeurs se situent désormais entre deux pôles : celui de la maximisation de l’audience en s’appuyant sur une information de flux, gratuite, et un fort degré de concentration. Et celui d’une information à valeur ajoutée seule capable de convaincre le public de payer l’information (stratégie dite de monétisation). Dans les faits et à des degrés divers, les stratégies sont le plus souvent mixtes, une combinaison des deux. Pour tous, les bonnes nouvelles venant du ‘New York Times’ et ses millions d’abonnés numériques sont une promesse de sortie d’une longue période de repli.
Quels sont les principaux enjeux restant à relever ?
La grande majorité des titres n’ont pas la taille qui permet de jouer significativement dans la compétition de la maximisation des audiences face aux géants du net. Aussi l’avenir repose-t-il largement sur le renouvellement du traitement de l’information et les contenus concrets de l’information à valeur ajoutée. Dans ‘Rédactions en invention’, nous décrivons la mobilisation des entreprises qui permettent à l’innovation de s’imposer, que ce soit dans les contenus, les compétences ou les organisations.
Le défi sans doute le plus difficile à relever est celui des formes d’information et des offres qui soient pertinentes pour les publics populaires. En effet, aujourd’hui, quels que soient les supports, les offres éditoriales innovantes qui trouvent leurs publics se concentrent de fait sur les plus éduqués, les plus solvables et les plus engagés dans la vie de la cité. Les mass media déclinent, quelles seront les offres de presse qui prendront leur relais ?