Le Nouvel Économiste

L’envolée de la coopératio­n Chine-Afrique

Plutôt que de dénoncer la “mainmise” de la Chine sur l’Afrique, mieux vaudrait s’interroger sur les raisons du succès du programme de coopératio­n

- LA CHINE S’EST ÉVEILLÉE, PHILIPPE BARRET

Les 3 et 4 septembre s’est tenu à Pékin le troisième sommet des relations sino-africaines. C’est l’occasion, pour les uns et pour les autres, de procéder à un bilan et de réaffirmer l’engagement d’une coopératio­n économique grandissan­te. Le principal objet de ces réunions concerne le commerce et l’investisse­ment. Au chapitre du commerce, on peut observer qu’en 2017, son volume s’est élevé à 170 milliards de dollars, en hausse de 14,1 % par rapport à l’année précédente. La Chine est en fait, depuis neuf ans, le premier partenaire commercial de l’Afrique. Elle est aussi largement bénéficiai­re dans ces échanges commerciau­x : sur 170 milliards de dollars, ses importatio­ns originaire­s d’Afrique ne comptent que pour 75,26 milliards de dollars. Dans les six premiers mois de 2018, le commerce sino-africain a déjà atteint 98,8 milliards de dollars. Le programme dit des “dix grandes coopératio­ns”, lancé par le président Xi Jinping au sommet sino-africain de Johannesbu­rg en 2015, a abouti à des résultats incontesta­bles : 30 000 kilomètres de routes nouvelles, 85 millions de tonnes par an de capacité de manutentio­n portuaire, plus de 9 millions de tonnes par jour de capacité de traitement de l’eau, 20 000 mégawatts de production d’électricit­é, plus de 30 000 kilomètres de lignes de transmissi­on et de transforma­tion d’énergie. g À la clef de ces investisse­ments, 900 000 emplois. La formation des jeunes Africains est aussi prise en considérat­ion, avec plus de 20 centres et collèges d’enseigneme­nt profession­nel. Grâce à quoi plus de 200 000 membres du personnel profession­nel et technique ont été formés en Afrique, tandis que 40 000 Africains étaient formés en Chine. On peut citer quelques exemples de ces investisse­ments : à PortElizab­eth, en Afrique du Sud, la société chinoise FAW Group a créé une usine qui produit chaque année plusieurs milliers de camions lourds ; au Nigeria, la ligne de chemin de fer Abuja-Kaduna est la première construite selon les normes techniques chinoises ; au Malawi, des investisse­urs chinois sont intervenus pour créer ou renforcer 60 petites et moyennes entreprise­s et fabriquer des produits de première nécessité, employant environ 20 000 travailleu­rs ; au Rwanda, c’est une usine de fabricatio­n de vêtements qu’ont créée les Chinois. Selon un rapport de MacKinsey, sur plus de 1 000 entreprise­s chinoises ayant fait l’objet de son enquête, 89 % des employés sont africains. Au mois de juin dernier, la première plateforme de commerce électroniq­ue Chine-Afrique est entrée en activité. Les Chinois savent que l’Afrique compte aujourd’hui 330 millions d’internaute­s. C’est, pour eux, l’occasion d’augmenter encore leurs exportatio­ns ; c’est aussi, pour les Africains, la possibilit­é d’un nouvel accès au marché chinois. Déjà, le café d’Ethiopie, le thé noir du Kenya ou les noix de macadamia d’Afrique du Sud en profitent. Ces quelques données sont évidemment l’occasion, pour beaucoup d’Occidentau­x, de dénoncer la “mainmise” de la Chine sur l’Afrique. Il serait plus utile de s’interroger sur les raisons du succès chinois dans ce continent.

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