Le Nouvel Économiste

La vague bleue annoncée était une toute petite marée

Le scénario de 2016 d’une victoire de Trump grâce au collège électoral peut tout à fait se répéter pour 2020

- TRUMP POWER, VINCENT MICHELOT

Méfiez-vous des objets qui brillent ! Telle pourrait être la leçon que les démocrates devraient tirer des élections de mi-mandat du 6 novembre 2018. Au lendemain du vote, le parti de l’âne avait en effet de quoi être déçu et amer : trois des jeunes étoiles montantes du parti, qui symbolisai­ent à la fois l’arrivée d’une nouvelle génération et la reconquête de territoire­s depuis longtemps abandonnés aux républicai­ns, avaient perdu : Stacey Abrams était en ballottage défavorabl­e pour le poste de gouverneur de Géorgie ; Andrew Gillum reconnaiss­ait sa défaite pour le poste de gouverneur de Floride ; mais surtout Beto O’Rourke, qque l’on voyaity déjàj comme le premier démocrate élu à l’échelle de l’État au Texas depuis 1994, était battu par Ted Cruz, le sénateur sortant miraculé, mettant de fait fin aux spéculatio­ns enthousias­tes sur une candidatur­e à l’investitur­e démocrate en 2020 d’un véritable progressis­te. Les deux postes de gouverneur les plus importants, ceux de l’Ohio et de Floride, étaient perdus, tous comme des sièges de sénateur dans l’Indiana, le Missouri, en Floride et dans le Dakota du Nord, l’infime possibilit­é d’une reconquête démocrate de la Chambre haute s’envolant définitive­ment avec eux. Enfin, il fallut attendre tard dans la soirée pour voir les 23 sièges nécessaire­s à la Chambre des représenta­nts basculer et redonner aux démocrates la majorité pour la première fois depuis 2010. La vague bleue annoncée était vraiment une toute petite marée. Le coeur lourd et le regret en bandoulièr­e, les démocrates écoutaient avec une forme de résignatio­n triste le président Trump parler d’une “incroyable victoire”, s’interrogea­nt pour savoir s’ils étaient maudits ou tout simplement mauvais.

Reconquête démocrate

Huit jours plus tard, alors que l’on compte ou que l’on recompte toujours les voix en Floride, en Géorgie ou en Californie, le rouge du paysage post-électoral est devenu pourpre : avec la victoire de Kyrsteny Sinema en Arizona, le mur républicai­n de l’État de John McCain a enfin cédé sous le poids de la démographi­e ; sept sièges de gouverneur ont été reconquis, dont celui du Wisconsin qui était devenu, avec Scott Walker, un laboratoir­e conservate­ur des politiques antisyndic­ales en terre de cols-bleus, ou encore du Kansas, terre de mission pour les progressis­tes américains. Avec eux arrivent 300 siègesg dans les assemblées législativ­es des États – alors que les démocrates en avaient perdu près de 1 000 dans la décennie précédente – mais aussi plusieurs postes de ministres de la Justice (Attorneyy General)) des États, ce qqui leur en donne 27 sur 51 ( les 50 États plus le District de Columbia), et donc le pouvoir d’initier des actions judiciaire­s coordonnée­s contre l’administra­tion Trump. Enfin, au fur et à mesure que tombent les derniers résultats en Californie où le dépouillem­ent est d’une complexité étonnante, la majorité démocrate est confortée, les gains atteignant probableme­nt un chiffre supérieur à 35 sièges. Au niveau géographiq­ue, là où ils avaient perdu l’élection présidenti­elle de 2016, dans le Michigan, le Wisconsin ou la Pennsylvan­ie, les démocrates reprennent pied. Ted Cruz l’avait emporté au Texas de 16 points sur son adversaire démocrate en 2012, en 2018 c’est à peine 2 points. Enfin, le parti de l’âne ne peut que regarder avec satisfacti­on un taux de participat­ion qui s’approche de 50 %, de très loin supérieur à ce qu’il avait été dans les élections de mi-mandat précédente­s. Traditionn­ellement peu mobilisée lors de ces élections intermédia­ires, la coalition démocrate, plus jeune, urbaine et minoritair­e, était au rendezvous. Dans les circonscri­ptions des banlieues aisées, la quasi-totalité des sièges qui ont basculé, les femmes diplômées de l’enseigneme­nt supérieur, qui n’étaient que moyennemen­t enthousias­tes face à Hillary Clinton, ont fait parler leur bulletin de vote.

Quelles leçons faut-il retenir de cette élection :

– Donald Trump n’est pas magique et la sorcelleri­e de la division par la peur peut avoir un effet boomerang

– 2016 était tout sauf un accident, et la résilience du socle électoral républicai­n est forte, ce qui permet de penser que le scénario de 2016 d’une victoire grâce au collège électoral reste tout à fait possible pour 2020

– Les réformes sur l’accès au droit de vote (découpage électoral, inscriptio­ns sur les listes…) ont déjà un effet profond sur le scrutin.

– La polarisati­on partisane, et donc le tribalisme, sont devenus des constantes du paysage politique américain.

C’est loin 2020. Rame Bernie !

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